En tant qu’accompagnante des transformations organisationnelles, je suis régulièrement amenée à coacher des individus, dirigeants, managers, collaborateurs.
De façon récurrente dans ces accompagnements, apparaissent des zones d’agacement, des situations relationnelles qui se rigidifient et des doutes qui s’installent chez mon coaché « Ai-je vraiment le droit d’être en colère ? Est-ce normal de sentir un tel agacement ? »
Bonne nouvelle la réponse est oui c’est tout à fait courant et ce n’est pas une question d’avoir le droit ou pas. Il s’agit plutôt de prendre un temps de recul pour faire le tri en soi…
L’illusion du « c’est la faute de l’autre »
Il y a des jours où tout semble légitime : votre colère contre ce collègue « trop lent », votre agacement viscéral face à ce manager « arrogant », ou votre mépris pour ce collaborateur « désorganisé ». Sur le moment, le diagnostic est simple : l’autre est le problème.
Pourtant, dans mon métier, j’observe un phénomène récurrent : plus la réaction émotionnelle est disproportionnée, moins elle parle de l’autre, et plus elle parle de vous. C’est ici qu’entre en scène un concept clé de C.G. Jung, popularisé par les travaux de Jean Monbourquette : l’Ombre.
Carl Gustav Jung (1875-1961) était un psychiatre suisse influent et le fondateur de la psychologie analytique ; il a révolutionné la compréhension de l’inconscient en introduisant des concepts tels que l’inconscient collectif, les archétypes et, précisément, l’Ombre.
Jean Monbourquette (1933-2011), prêtre et psychologue québécois, s’est inspiré de la pensée jungienne pour créer des outils de croissance personnelle accessibles, devenant une référence mondiale dans l’accompagnement du deuil, du pardon et de l’estime de soi à travers ses best-sellers comme Apprivoiser son ombre.
Qu’est-ce que l’ombre ?
L’Ombre, c’est tout ce que vous avez refoulé en vous pour être « une personne bien ». C’est la remise au grenier de vos parts jugées inacceptables par votre éducation, votre culture ou votre milieu professionnel. Comme le souligne Monbourquette, plus on cache son ombre, plus elle prend de la puissance et cherche à sortir par la projection : nous percevons chez les autres ce que nous refusons de voir en nous-mêmes.
Les trois visages de l’ombre : Identifiez la vôtre
Pour Monbourquette, l’ombre n’est pas monolithique. Elle se présente sous trois formes distinctes :
- L’Ombre Individuelle : Vos propres « défauts » refoulés. Exemple : Le manager bourreau de travail qui déteste la paresse des autres car il s’interdit tout repos.
- L’Ombre Collective : Ce qu’un groupe (entreprise, famille, nation) refoule.
Exemple : Une entreprise qui prône l’innovation mais méprise secrètement l’échec. L’ombre devient alors une culture du blâme qui étouffe toute créativité. - L’Ombre Dorée : Elle contient vos talents, votre génie et votre puissance que vous n’osez pas incarner par peur de « faire de l’ombre » aux autres.
Exemple : Admirer l’aisance d’un orateur alors que vous possédez ce talent, mais le gardez enfoui.
Les conséquences de l’ombre ignorée : le coût invisible
Ne pas mettre de conscience sur son ombre laisse un pilote automatique saboter votre efficacité :
- La Rumination Mentale : L’ombre non reconnue tourne en boucle, consommant une énergie cognitive massive.
- Le Verrouillage des Relations : La projection crée des murs. Vous ne voyez plus l’être humain, mais une caricature de votre propre défaut refoulé.
- La Somatisation : L’effort permanent pour maintenir le grenier fermé crée des tensions physiques réelles (maux de dos, migraines, épuisement).
Faire le tri : colère légitime ou ombre projetée ?
- La colère Saine : Elle est centrée sur un fait. Elle vise à protéger une valeur. Elle est « propre », s’exprime fermement et s’arrête dès que la situation est adressée.
- L’ombre : Elle est obsessionnelle. Elle s’accompagne de jugements de valeur (« il est nul »). Elle dure longtemps et vous « colle à la peau ».
Pourquoi la transformation organisationnelle réveille-t-elle l’ombre ?
C’est le point critique pour tout dirigeant qui lance une transition (vers l’Holacratie par exemple). Le changement est un puissant activateur d’ombre. Pourquoi ? Parce que transformer l’organisation, c’est changer les règles du jeu.
- Les structures rassurantes disparaissent,
- L’implicite doit devenir explicite,
- Les zones de pouvoir floues sont mises en lumière.
Dans ce moment de vulnérabilité collective, les greniers s’ouvrent. Ce que l’on arrivait à cacher dans l’ancien système (un besoin de contrôle, une peur de l’initiative, une difficulté à dire non) explose soudainement à la figure des collègues. La transformation organisationnelle ne crée pas les tensions, elle révèle les ombres qui étaient déjà là, mais que la bureaucratie masquait. Sans un travail sur l’ombre, le nouveau système de gouvernance sera utilisé comme une arme pour servir des projections individuelles.
Que puis-je espérer de meilleur si je prends conscience de mon ombre ?
À quoi sert ce travail de discernement ? C’est une quête de robustesse. En faisant la paix avec votre ombre, vous pouvez espérer :
- Une liberté totale : Vous ne réagissez plus de manière compulsive aux provocations. Vous reprenez les commandes.
- Un leadership magnétique : Un leader qui assume son ombre est « entier ». Sa vérité sécurise ses équipes.
- L’accès à votre ombre dorée : C’est la voie vers un déploiement de vos talents sans précédent.
Conclusion
Oser regarder son grenier
Jean Monbourquette disait qu’apprivoiser son ombre est un acte d’humilité, mais surtout un acte de liberté. Pour un leader, c’est le passage clé vers une maturité réelle.
La prochaine fois qu’une personne vous « hérisse » au point de vous faire perdre votre calme, ne demandez pas : « Qu’est-ce qu’il a fait de mal ? ». Demandez-vous : « Quelle part de moi est en train de s’agiter dans mon grenier ? ».
Il pourrait bien s’agir de votre ombre qui se réveille.
Si vous avez envie d’en savoir plus et d’être accompagné, je serai ravie de vous y aider !
