Catégorie : Agilité

  • Expérience : la rétrospective Agile dans un collège Montessori de Grenoble

    Lecture : 6 minutes

    Voici le récit d’une expérimentation menée en 2018 à Grenoble, dans un petit collège associatif. Il s’agit d’une occasion rare d’introduire les pratiques Agiles pour des jeunes publics, avec un vrai enjeu de cohésion et de vie du groupe. Le but était de répondre à un besoin urgent de mieux-vivre ensemble, dans un temps court, cela en quelques interventions. La rétrospective Agile aura permis de faire bouger certaines postures !

    Le contexte

    Un Collège Montessori à Grenoble, qui connaît dans son groupe de collège (12-15 ans) des difficultés relationnelles entre les enfants et avec l’éducatrice.

    Je propose à cette école de prendre du temps pour tester avec ce groupe une approche Agile. Introduire l’Agilité dans un cadre pédagogique est une occasion formidable de confronter les pratiques Agiles que nous appliquons dans l’équipe de Sémawé, à un contexte d’éducation et à un public d’adolescents !

    La proposition

    Organiser tous les 15 jours une rétrospective Agile, dont je suis le facilitateur. Tout le groupe participe : les collégiens et leur éducatrice. Les rétrospectives durent 2 heures et ont pour but d’améliorer le vivre ensemble du groupe et les conditions de travail de ce petit collège Montessori de Grenoble.

    L’expérimentation Agile dans le collège

    Je prépare la première rétrospective comme j’ai l’habitude de les concevoir pour Sémawé ou lorsque j’anime des rétrospectives d’équipe dans des entreprises ou d’autres organisations. Je propose au groupe d’utiliser des exercices qui me semblent plutôt simples, c’est mieux pour aborder un format de réunion tout à fait nouveau.

    L’accueil mi-curieux, mi-désabusé des adolescents du groupe est déjà une surprise. Il y a dans le groupe une très forte hétérogénéité d’envies et d’objectifs, si bien qu’il n’est pas évident d’aligner tout le monde sur un objectif commun.

    Une école est un contexte un peu particulier par rapport à une entreprise. Tous les enfants n’ont pas choisi d’être là ! Que répondre à un ado qui vous lance : « moi si j’avais le choix, je n’irais pas à l’école » ? L’école est obligatoire jusqu’à 16 ans. Point. Mais tout d’un coup, les grands principes de liberté sont compliqués à appliquer dans l’immédiat avec une telle remarque. Je suis obligé de reconnaître qu’il y a une contrainte dans la rétrospective. Mais c’est finalement précisément son objectif, que d’arriver à améliorer un contexte de travail contraint.

    C’est en soi un parallèle intéressant avec les situations que l’on rencontre dans des entreprises pyramidales. Il existe cette perception des salariés de ne pas avoir réellement le choix de leur présence. La crainte de la difficulté à changer d’emploi par exemple peut contraindre d’une certaine façon des individus à accepter des environnements qui ne leur conviennent pas.

    Le retour sur l’expérience

    Les difficultés du groupe pour suivre une rétrospective Agile ont été les mêmes que celles rencontrées par les groupes d’adultes que j’ai accompagnés sur ce même exercice dans leur entreprise.

    1- Difficultés d’attention : Les adultes papotent, pianotent sur leur smartphone, ou rêvassent pendant qu’on donne les consignes d’un exercice… Et les enfants font de même, avec un peu moins d’inhibition ! Au lieu de regarder leur profil Facebook, ils se bagarrent, montent sur les tables, ou se mettent à pousser d’étranges hurlements ! Mais finalement, il s’agit bien du même déficit de concentration, de la même difficulté à se poser pour entrer vraiment dans un moment de concentration sécurisé.

    2- Difficultés à respecter une consigne très simple : Lorsque chacun doit poser ses post-it au tableau et expliquer aux autres ce qu’il ou elle a voulu dire, cela crée un petit tumulte où plusieurs personnes se retrouvent debout, pressées de présenter leurs post-it, mais pas très attentives à écouter la personne qui parle. Et chacun de se scandaliser du peu d’écoute dont il ou elle bénéficie pendant son explication !

    3- Une tendance à l’accusation : Comme s’il existait un conditionnement à rejeter la faute sur les autres, à identifier la source des problèmes chez les autres. Dans une rétrospective Agile, il n’est pas permis de critiquer une personne ou l’accuser. Ce qui ne doit pas empêcher d’exprimer une frustration, une crainte. Pour autant, cette consigne est difficile à respecter lorsqu’un passif de ressentiments négatifs est bien installé. C’était donc le cas pendant cette expérience.

    Et d’un autre côté, il était évident qu’il existait dans ce groupe une vraie propension à la bienveillance, puisque dans les exercices où il s’agissait de dire des choses positives et agréables sur les autres membres du groupe, ils n’ont éprouvé aucune difficulté à le faire.

    4 – En chemin vers plus de responsabilisation : Malgré les surprises liées au contexte de ces rétrospectives Agiles en milieu scolaire, malgré l’introduction tardive de cette méthode dans le groupe (nous sommes en fin d’année scolaire), il s’est produit un effet positif très net.

    Les enfants ont su manifester sur le champ le simple fait qu’ils ont passé un bon moment. Puis lors de mes passages suivants dans le collège, plusieurs sont venus spontanément m’apporter leur soutien en me disant : « Ah ! Merci beaucoup de revenir animer une rétro, ça fait vraiment du bien au groupe chaque fois ! ». En tant que facilitateur, c’était assez surprenant, tant il y avait de tensions accumulées qui s’exprimaient pendant les rétrospectives, mais j’ai pris ces signaux pour des encouragements à persévérer.

    Du point de vue de l’éducatrice du groupe, le bénéfice se traduisait plutôt par l’introduction de nouveaux outils méthodologiques pour piloter le groupe. Nous avons vu éclore notamment dans les semaines qui ont suivi les premières rétrospectives de nouvelles pratiques de responsabilisation des enfants. Cela passait par exemple par la prise en charge des tâches de vie quotidienne par les collégiens eux-mêmes sur une base volontaire.

    Ce que j’en retire

    La conclusion de cette expérience forte et complexe est que l’Agilité – et en particulier l’exercice de la rétrospective – se prête malgré tout parfaitement au fonctionnement d’un groupe dans un cadre scolaire.

    Il est évident que la méthode aurait pu apporter beaucoup plus si elle avait été introduite dès la constitution du groupe, c’est-à-dire en début d’année scolaire.

    Ce que l’expérience montre aussi, c’est que dans un contexte imparfait à de nombreux points de vue, l’Agilité a une bonne efficacité curative pour traiter des problèmes existants et anciens.

    Une école Montessori est probablement un cadre de test un peu spécifique par rapport à une école conventionnelle, mais cette expérience est aussi rassurante sur ce point. L’essentiel des difficultés de fonctionnement du groupe pendant la rétrospective venait de comportements issus très directement des apprentissages comportementaux dans l’école « classique ». La quasi-totalité des enfants du groupe ayant vécu une majeure partie de leur scolarité dans des écoles conventionnelles. C’est-à-dire notamment dans un contexte de grande infantilisation, où la parole de l’enfant est perçue comme peu fiable, à faible valeur. Et par ailleurs, une forte attente de la part des enfants à provoquer la réaction des encadrants adultes, parce qu’ils ont appris pendant leur scolarité qu’ils devaient obtenir la reconnaissance (ou les réprimandes) des adultes et non pas travailler pour eux-mêmes.

    Venir faciliter des ateliers Agiles dans une école est une expérience de facilitateur assez remarquable, hors du commun, très enrichissante. Le feed-back en direct du public est moins inhibé que chez les adultes, et la force des conventions sociales est très présente néanmoins. Hors du commun parce que c’est une occasion rare à l’échelle de la société de pouvoir échanger avec un groupe de jeunes tout en les considérant comme des individus autonomes et libres de penser et d’agir. Enrichissante parce que ces terrains nouveaux de l’application de l’Agilité sont une occasion de progrès dans ma posture de facilitateur. La facilitation – au contraire de l’animation – induit une position de support du groupe, une position basse, pour permettre des apprentissages par l’expérience. Déjà Socrate nous disait que le savoir n’est pas une chose que l’on dépose dans la tête des enfants, l’important étant d’apprendre à apprendre !

    Mon but était d’offrir au groupe la possibilité de mieux vivre son quotidien, d’apporter du bien-être à ces adolescents en situation d’apprentissage. La proposition de l’approche méthodologique Agile présente l’atout de permettre une évolution des postures individuelles dans le groupe. À ce titre cette expérimentation gagnerait certainement à être reproduite dans d’autres écoles, collèges, universités.

    Je souhaite renouveler l’expérience aussi parce que cela permet de sortir des cadres connus du monde du travail et cela réinterroge et permet d’améliorer les pratiques de la facilitation Agile.

    Le déroulement

    Voici comment se découpe généralement une rétrospective :

    • Ouverture
    • Remontée d’informations
    • Générer des idées
    • Décider des actions
    • Clôture

    Les exercices peuvent être différents d’une fois sur l’autre. Nous pouvons nous inspirer d’idées trouvées par exemple sur ce site : plans for retrospectives.

    Et parfois nous en inventons et les testons ! La créativité n’est jamais brimée à Sémawé !

    Les actions

    Il s’agit d’un point important car elles représentent une sorte de pont entre la rétrospective qui vient de se terminer et celle d’après. Ce sont notamment elles qui vont nous permettre de nous améliorer sur certains points. Avant de décider de leur pertinence, nous les passons par le filtre « **SMART** ». C’est ainsi qu’une action se doit d’être :

    • Spécifique (à un problème donné)
    • Mesurable (avec un indicateur de succès ou d’échec)
    • Acceptable (par les parties prenantes concernées)
    • Réalisable (en terme de moyens, délais, ressources…
    • Temporellement définie (avec une limite et/ou une durée)

    Ensuite, chacun(e) prend en charge une action à mettre en place, et c’est parti jusqu’à la prochaine !

    Vous avez envie d’essayer ? Si oui, alors lancez-vous ! Le meilleur moyen d’avancer, c’est de tester, ajuster, retester… En tous cas, c’est le leitmotiv de Sémawé et ça nous plaît bien !

  • La pédagogie Montessori : une source d’inspiration pour l’entreprise

    Lecture : 5 minutes

    Vous connaissez la pédagogie Montessori ? Une approche conçue par Maria Montessori en Italie dans les années 1900. Elle est la première pédagogue à concevoir une science de l’éducation. Cette pédagogie repose sur une très grande autonomie de l’enfant, un environnement adapté à lui, une attention individualisée, le libre choix des activités, du matériel pédagogique autocorrectif…

    Imaginée dans le but de venir en aide aux enfants porteurs de handicap mental, cette pédagogie alternative s’est révélée être très intéressante pour tous les enfants, puisqu’elle répond à l’aspiration profonde de chaque jeune enfant à apprendre, et à découvrir le monde.

    Alors, quel lien avec l’entreprise ?!

    L’entreprise est une organisation sociale dans laquelle les individus contribuent par leur travail à un but commun. Dans la vision moderne de l’entreprise, sans forcément aller jusqu’à l’entreprise libérée, on a besoin d’apprendre sans cesse.

    Le monde change, l’évolution de la technologie apporte des modifications substantielles des comportements, des cadences de travail, et même du type d’effort intellectuel qu’il faut fournir. Les agendas en ligne, la disponibilité de l’information sur Internet, et les outils d’échanges numériques comme l’email ou Slack (messagerie d’équipe) allègent considérablement nos efforts de mémoire. Par contre, notre cerveau doit savoir trouver très vite une information parmi des sommes astronomiques de données. Finalement, les processus cognitifs à l’œuvre ne sont plus du tout les mêmes.

    Si la pédagogie Montessori produit de si remarquables résultats pour des enfants en situation d’apprentissage, alors pourquoi ne pas s’en inspirer pour nous adultes, qui sommes aussi en situation permanente d’adaptation et d’apprentissage ?

    Comment Montessori peut inspirer l’entreprise ?

    Le pair-travail : c’est-à-dire le travail entre pairs.

    Cet outil permet de travailler avec une autre personne de son équipe, sous forme de sessions assez courtes pendant lesquelles un travail similaire est effectué en même temps et au même endroit, dans le but de pouvoir s’entraider, se stimuler, et de bénéficier du regard bienveillant d’un pair sur son propre travail. Ce type de pratique permet de sortir du rapport sachant-apprenant et valorise considérablement l’esprit d’équipe et d’entraide.

    Le travail en binôme est un outil bien connu chez les développeurs qui pratiquent des méthodes Agiles et en particulier l’extreme programming (ou pair programming). Cette méthode permet à 2 personnes de travailler sur une même tâche en même temps et sur un même ordinateur :

    • un « conducteur » réalise le travail.
    • un « observateur » assiste le conducteur en essayant de détecter les améliorations possibles de son travail, en lui proposant des solutions de contournement.

    Les rôles peuvent s’interchanger aussi souvent que souhaité.

    Peu de temps collectifs obligatoires

    « La ligne » dans une classe Montessori est un moment court de partage entre tous les membres de la classe, avec une attention particulière pour les prises de parole. On y parle du travail, mais pas seulement.

    « La mêlée » chez Sémawé est le seul rendez-vous collectif auquel toute l’équipe se doit de participer (la participation aux autres réunions/ateliers étant laissée à l’appréciation de chacun). Il s’agit d’une réunion rapide que nous tenons debout, sans notes, elle dure 10 minutes et les prises de parole ne dépassent pas la minute. Cela permet à chacun de bénéficier de toute l’attention de ses coéquipiers et de s’informer en très peu de temps sur la vie collective et les actualités des autres. Cette technique de réunion est un grand classique de l’Agilité, on retrouve des daily stand-up meeting dans Scrum en particulier. La dimension cérémoniale de la mêlée Agile est aussi importante que les informations qui s’échangent pendant ces 10 minutes quotidiennes !

    Valoriser l’échec comme une formidable chance d’apprendre !

    Dans une école Montessori, le travail des enfants n’est pas évalué par des notes. Ainsi, il n’y a ni récompense pour un travail bien fait, ni punition pour un échec ou une erreur. Le but est que l’enfant apprenne à travailler pour lui-même et non pour satisfaire les attentes d’un adulte. C’est ainsi qu’il cultive sa curiosité profonde naturelle.

    Dans l’entreprise, c’est un principe qui peut se traduire. Mais cela demande de l’accompagnement quand les personnes ont eu l’habitude d’un système d’évaluation permanente. Si l’on arrive à instaurer ce principe dans une équipe professionnelle, cela donne un collectif ultra-motivé, dans lequel les individus font ce qu’ils font car ils en ont envie, et en confiance avec les autres car ils ne sont pas jugés sur leur travail. C’est ainsi qu’un climat d’entraide et de solidarité peut s’installer. Plus loin encore, c’est la base d’un climat de travail apaisé et sécurisant, dans lequel l’erreur devient une belle occasion d’apprendre, une information que l’on a envie de partager avec ses collègues !

    Un parallèle entreprise-école : risqué ?

    Premier écueil : confondre salariés et élèves. Est-il utile de préciser qu’il ne s’agit pas d’infantiliser les salariés alors que ce sont des adultes ?

    Si cette crainte existe, c’est bien parce que le paradigme de l’apprentissage tel qu’il s’installe dès le plus jeune âge dans l’école de la république, pose comme fondation que l’enfant est irresponsable, ignorant, fainéant, tricheur, violent. Alors naturellement, il faut l’encadrer, le contraindre, lui enseigner des apprentissages, le faire obéir, le surveiller.

    Je pose l’hypothèse que si tous ces comportements existent chez certaines adultes, c’est peut-être en partie parce que c’est précisément le regard qui a été posé sur eux enfants.

    Certaines pédagogies alternatives comme Montessori posent le principe de la confiance en l’enfant comme fondatrice de toute une approche de l’évolution. De la même façon, on peut dans une entreprise poser cette confiance comme un apriori.

    Plutôt que de partir du principe que la personne salariée doit faire ses preuves avant qu’on ne lui accorde de la confiance, essayons d’investir de la confiance dans nos relations professionnelles !

    Salarié = adulte, Adulte = Responsable ?

    Un adulte est responsable dans la société. A compter de ses 18 ans, il n’a pas besoin de demander une autorisation à quelqu’un d’autre pour initier un projet, pour aller demander un emprunt dans une banque, pour acheter une maison ou une voiture, pour aller voter, etc.

    Alors pourquoi lorsque ce même adulte franchit la porte de son entreprise le matin, deviendrait-il un être dénué de bon sens et de ses capacités de raisonnement ? Tout d’un coup, il faut que ce même adulte responsable et émancipé demande des autorisations, des validations pour tout et n’importe quoi. Il ne peut plus conduire de projet selon son idée, choisir ses horaires, aider ou se faire aider selon son envie et ses besoins. Il devient un subalterne de son “supérieur hiérarchique”, il perd ses capacités de responsabilité, d’autonomie et de liberté d’adulte citoyen. Quelque part, les règles de la vie d’entreprise le font re-devenir un enfant selon la définition courante dans notre société : un irresponsable. 

    Alors finalement ?

    L’entreprise et le monde du travail plus largement a bien à apprendre des processus d’apprentissage, donc de la pédagogie. Et si de nombreux adultes s’accordent pour remettre en question la façon dont on a essayé de leur faire acquérir des savoirs à l’école, pourquoi ne pas poursuivre cette remise en question sur les règles qui dominent les rapports humains dans le travail ?!

    Inversement, les pratiques innovantes de la pédagogie s’enrichissent parfois des expériences du monde de l’entreprise. Comme par exemple l’école démocratique qui s’inspire de l’entreprise libérée.

    Voilà un beau principe de vases communicants !

    Pour aller plus loin, un autre article à découvrir : Les super-héros de demain

  • Le Forum Ouvert dans la vie d’équipe : comment construire la vision partagée de votre entreprise ?

    Lecture : 6 minutes

    À Sémawé, notre premier Forum Ouvert, était une vraie première fois pour toute l’équipe ! Chacun se demandait quel était le principe de cette réunion ouverte proposée à l’équipe et ce qui pourrait bien en sortir. Drôle d’expérience de passer un week-end tous ensemble au fin fond du Vercors ! Et puis la deuxième année, c’était devenu une habitude !

    Vivement le Forum Ouvert !

    Le moment fort de l’année, attendu avec impatience, chacun pour ses propres raisons.

    Depuis que cet exercice revient chaque hiver dans le rythme de la vie de Sémawé, le Forum Ouvert est devenu essentiel pour nous. C’est le week-end pendant lequel tout le monde s’extrait du tumulte de l’agence pour phosphorer, prendre de la hauteur, construire la vision partagée de l’entreprise.

    Le Forum Ouvert nous permet de répondre à la grande question du « pourquoi ? ». En tant que dirigeant d’une PME, il me semble essentiel que toute l’équipe sache bien pourquoi elle travaille ici. Pourquoi et pour quoi ! C’est ainsi que l’on peut donner un vrai sens à la façon dont on travaille tous et toutes, c’est-à-dire répondre au final à la question du « comment ? ». Car sans la vision profonde du « pourquoi ? », le « comment ? » devient vide de sens. Nous n’avons pas envie de devenir comme ces experts qui au fond ne savent pas eux-mêmes pourquoi il est si important de suivre leurs excellents conseils ! En suivant cette démarche, la question du « quoi ? », c’est-à-dire l’aspect technique de nos métiers, devient tellement accessible que c’est l’enjeu le plus facile ; ce n’est plus qu’une question d’envie d’apprendre, de curiosité.

    Voici comment se déroule un Forum Ouvert chez Sémawé

    Le thème : c’est nous !

    Un Forum Ouvert s’organise théoriquement autour d’une problématique, d’une question… Nous concernant, il n’est pas très utile de fermer la thématique du Forum Ouvert dans la mesure où il s’agit de notre Forum Ouvert en tant qu’entreprise. Donc le périmètre du questionnement, c’est l’entreprise au sens large, et cela déborde toujours sur des enjeux individuels ou personnels qui sont connectés au travail d’une façon ou d’une autre.

    Le lieu :

    on choisit de manière consensuelle un endroit un peu isolé, plutôt dans la nature, une belle maison dans la neige par exemple, que nous louons pour 2 jours. Petite logistique, chacun contribue à l’organisation, co-voiturage, et c’est parti !

    On partage un moment privilégié, dans des codes différents du quotidien des bureaux. Cuisine, feu de bois, dégustation de vin, balade… Première journée de coupure, sans ordre du jour ni rien de particulier à organiser. Tout pour se mettre dans les meilleures dispositions possibles pour notre Forum Ouvert, qui aura lieu le deuxième jour.

    Le jour J, petit rappel des règles, et les brides sont lâchées. Dans le fond, on ne sait jamais exactement ce qu’il va en sortir. Nous prenons le risque !!

    Quelques principes pour poser le cadre

    Pour que le Forum Ouvert soit bien vécu comme un moment serein et bénéfique pour l’équipe, nous nous assurons en début de journée, que tout le monde adhère bien aux 4 principes qui s’appliquent aux forums ouverts :

    • Les personnes qui sont présentes sont les bonnes personnes. Aucun participant ne doit se sentir inutile, chacun a des choses à apporter au débat.
    • Ce qui arrive est ce qui devait arriver. Il n’y a pas d’ordre du jour. En tant que facilitateur, je n’interviens pas au cours des débats. Les participants donnent l’orientation qu’ils ou elles souhaitent impulser au Forum Ouvert.
    • Ça commence quand ça commence. Une fois le Forum Ouvert lancé, ce sont les participants qui décident de commencer les débats lorsqu’ils ou elles le souhaitent et on considère que quel que soit le moment, c’est le bon moment.
    • Cela finit quand c’est la fin. Inversement, chacune respecte l’horaire de fin prévu, que ce soit pour les ateliers ou la fin du Forum Ouvert.

    Ces points constituent le cadre de référence qui permet à tous de vivre le moment pleinement, et d’éviter les regrets qui limiteraient la portée et la valeur des échanges qui ont eu lieu.

    Une seule règle, mais une règle forte

    En lien avec les principes de l’Agilité, nous essayons de supprimer les règles qui nous semblent inutiles, qui n’apportent aucun bénéfice. Dans un Forum Ouvert, nous n’en gardons qu’une, la loi des 2 pieds. C’est-à-dire que si un participant n’est pas en train d’apprendre, ni en train de contribuer à un exercice, alors il ou elle utilise ses deux pieds pour se déplacer et passe à autre chose.

    Facile d’adhérer à cette règle pourrait-on dire ! Pas tant que ça. Sur le principe, en général tout le monde est d’accord. Mais dans la pratique, dans un petit groupe de discussion composé d’une équipe qui se fréquente au quotidien, un départ intempestif en plein milieu d’une discussion est facilement interprété comme un signal dur. Or, tout l’intérêt de cette pratique réside dans le fait que personne ne s’offusque et que chacun se sente libre de circuler entre les ateliers de discussion et de travail. C’est une habitude à prendre. Nous tâchons de suivre cette règle au quotidien, car elle est très utile dans le fonctionnement d’une équipe, pour limiter par exemple les réunions trop longues ou trop nombreuses.

    Le Forum Ouvert démarre avec la place du marché

    Chacun écrit sur une carte qu’il ou elle pose sur la table un thème sur lequel il ou elle a envie de discuter. Quelques mots d’explication sont fournis au moment de déposer cette carte (30 secondes). Le nombre de sujets n’est pas limité. Il y a toujours des doublons, des sujets qui se ressemblent, certains qui semble ésotériques… Aucune critique !

    Le marché est alors ouvert. Une discussion démarre pour regrouper les cartes dont les sujets sont très similaires, pour demander des clarifications à la personne qui a proposé un thème.

    Les cartes qui subsistent sont positionnées dans des créneaux horaires de discussion de 50 minutes qui sont prévus dans la journée.

    Au fil des échanges, chacun va se positionner sur une carte dans chaque créneau horaire en fonction de son intérêt pour un thème de travail.

    Les sessions de travail

    L’équipe va se disperser dans plusieurs espaces séparés pour travailler sur les sujets qui ont recueilli des inscrits. Les ateliers débutent pour 50 minutes. Un rapporteur récapitule sous forme d’un schéma les échanges tenus. Une mindmap ou d’autres restitutions graphiques sont privilégiées pour permettre des lectures rapides et synthétiques des comptes-rendus. Le contenu et la direction des échanges dans les ateliers sont libres et peuvent parfaitement dévier de l’idée initiale, il n’y a aucun format imposé pour l’atelier.

    Restitution dans la salle des nouvelles

    Un peu comme dans une salle de presse, un espace est installé pour que tout le monde se retrouve entre les sessions de travail. Sur un grand panneau, sont déposées les restitutions graphiques des ateliers. Cela permet aux participants d’en prendre connaissance et peut influencer la suite du Forum Ouvert. C’est là que nous décidons souvent de réactiver la place du marché pour remodeler les intitulés ou l’ordre des ateliers suivants.

    Attention aux effets post Forum Ouvert !

    Le Forum Ouvert n’est pas un moment isolé du reste du temps et des actions de l’entreprise. Il est en plein cœur de l’orientation stratégique globale, comme une tour de contrôle du long terme, depuis laquelle on dessine la trajectoire future de l’entreprise.

    Il est très important – pour que la dynamique du Forum Ouvert perdure – qu’il soit suivi d’actions concrètes. Les instigateurs de groupes de travail ou d’initiatives dans l’équipe devront donner une suite, et coordonner la continuité des travaux.

    Chaque année, nous organisons à quelques reprises des ateliers de travail pour mettre en œuvre des idées ou des orientations qui ont émergé du Forum Ouvert. C’est particulièrement important pour ne pas donner l’impression que ce moment de discussion ne serait qu’une parenthèse dans l’année, déconnectée de la dure réalité du travail. Au contraire, puisque le Forum Ouvert est réellement notre organe de conception de la vision de moyen et long terme de la société !

    L’équipe de Sémawé accro au Forum Ouvert ?

    Nous avons vécu plusieurs forums très marquants pour notre équipe. On vous conseille la lecture de ces articles pour en savoir plus :