Catégorie : Holacratie

  • Ce que votre colère dit de vous : et si c’était votre « Ombre » qui pilotait ?

    En tant qu’accompagnante des transformations organisationnelles, je suis régulièrement amenée à coacher des individus, dirigeants, managers, collaborateurs.

    De façon récurrente dans ces accompagnements, apparaissent des zones d’agacement, des situations relationnelles qui se rigidifient et des doutes qui s’installent chez mon coaché « Ai-je vraiment le droit d’être en colère ? Est-ce normal de sentir un tel agacement ? »

    Bonne nouvelle la réponse est oui c’est tout à fait courant et ce n’est pas une question d’avoir le droit ou pas. Il s’agit plutôt de prendre un temps de recul pour faire le tri en soi…


    L’illusion du « c’est la faute de l’autre »

    Il y a des jours où tout semble légitime : votre colère contre ce collègue « trop lent », votre agacement viscéral face à ce manager « arrogant », ou votre mépris pour ce collaborateur « désorganisé ». Sur le moment, le diagnostic est simple : l’autre est le problème.

    Pourtant, dans mon métier, j’observe un phénomène récurrent : plus la réaction émotionnelle est disproportionnée, moins elle parle de l’autre, et plus elle parle de vous. C’est ici qu’entre en scène un concept clé de C.G. Jung, popularisé par les travaux de Jean Monbourquette : l’Ombre.

    Carl Gustav Jung (1875-1961) était un psychiatre suisse influent et le fondateur de la psychologie analytique ; il a révolutionné la compréhension de l’inconscient en introduisant des concepts tels que l’inconscient collectif, les archétypes et, précisément, l’Ombre.

    Jean Monbourquette (1933-2011), prêtre et psychologue québécois, s’est inspiré de la pensée jungienne pour créer des outils de croissance personnelle accessibles, devenant une référence mondiale dans l’accompagnement du deuil, du pardon et de l’estime de soi à travers ses best-sellers comme Apprivoiser son ombre.

    Qu’est-ce que l’ombre ?

    L’Ombre, c’est tout ce que vous avez refoulé en vous pour être « une personne bien ». C’est la remise au grenier de vos parts jugées inacceptables par votre éducation, votre culture ou votre milieu professionnel. Comme le souligne Monbourquette, plus on cache son ombre, plus elle prend de la puissance et cherche à sortir par la projection : nous percevons chez les autres ce que nous refusons de voir en nous-mêmes.

    Les trois visages de l’ombre : Identifiez la vôtre

    Pour Monbourquette, l’ombre n’est pas monolithique. Elle se présente sous trois formes distinctes :

    1. L’Ombre Individuelle : Vos propres « défauts » refoulés. Exemple : Le manager bourreau de travail qui déteste la paresse des autres car il s’interdit tout repos.
    2. L’Ombre Collective : Ce qu’un groupe (entreprise, famille, nation) refoule.
      Exemple : Une entreprise qui prône l’innovation mais méprise secrètement l’échec. L’ombre devient alors une culture du blâme qui étouffe toute créativité.
    3. L’Ombre Dorée : Elle contient vos talents, votre génie et votre puissance que vous n’osez pas incarner par peur de « faire de l’ombre » aux autres.
      Exemple : Admirer l’aisance d’un orateur alors que vous possédez ce talent, mais le gardez enfoui.

    Les conséquences de l’ombre ignorée : le coût invisible

    Ne pas mettre de conscience sur son ombre laisse un pilote automatique saboter votre efficacité :

    • La Rumination Mentale : L’ombre non reconnue tourne en boucle, consommant une énergie cognitive massive.
    • Le Verrouillage des Relations : La projection crée des murs. Vous ne voyez plus l’être humain, mais une caricature de votre propre défaut refoulé.
    • La Somatisation : L’effort permanent pour maintenir le grenier fermé crée des tensions physiques réelles (maux de dos, migraines, épuisement).

    Faire le tri : colère légitime ou ombre projetée ?

    • La colère Saine : Elle est centrée sur un fait. Elle vise à protéger une valeur. Elle est « propre », s’exprime fermement et s’arrête dès que la situation est adressée.
    • L’ombre : Elle est obsessionnelle. Elle s’accompagne de jugements de valeur (« il est nul »). Elle dure longtemps et vous « colle à la peau ».

    Pourquoi la transformation organisationnelle réveille-t-elle l’ombre ?

    C’est le point critique pour tout dirigeant qui lance une transition (vers l’Holacratie par exemple). Le changement est un puissant activateur d’ombre. Pourquoi ? Parce que transformer l’organisation, c’est changer les règles du jeu.

    • Les structures rassurantes disparaissent,
    • L’implicite doit devenir explicite,
    • Les zones de pouvoir floues sont mises en lumière.

    Dans ce moment de vulnérabilité collective, les greniers s’ouvrent. Ce que l’on arrivait à cacher dans l’ancien système (un besoin de contrôle, une peur de l’initiative, une difficulté à dire non) explose soudainement à la figure des collègues. La transformation organisationnelle ne crée pas les tensions, elle révèle les ombres qui étaient déjà là, mais que la bureaucratie masquait. Sans un travail sur l’ombre, le nouveau système de gouvernance sera utilisé comme une arme pour servir des projections individuelles.

    Que puis-je espérer de meilleur si je prends conscience de mon ombre ?

    À quoi sert ce travail de discernement ? C’est une quête de robustesse. En faisant la paix avec votre ombre, vous pouvez espérer :

    • Une liberté totale : Vous ne réagissez plus de manière compulsive aux provocations. Vous reprenez les commandes.
    • Un leadership magnétique : Un leader qui assume son ombre est « entier ». Sa vérité sécurise ses équipes.
    • L’accès à votre ombre dorée : C’est la voie vers un déploiement de vos talents sans précédent.

    Conclusion
    Oser regarder son grenier

    Jean Monbourquette disait qu’apprivoiser son ombre est un acte d’humilité, mais surtout un acte de liberté. Pour un leader, c’est le passage clé vers une maturité réelle.

    La prochaine fois qu’une personne vous « hérisse » au point de vous faire perdre votre calme, ne demandez pas : « Qu’est-ce qu’il a fait de mal ? ». Demandez-vous : « Quelle part de moi est en train de s’agiter dans mon grenier ? ».
    Il pourrait bien s’agir de votre ombre qui se réveille.

    Si vous avez envie d’en savoir plus et d’être accompagné, je serai ravie de vous y aider !

  • Aliocha Iordanoff au TEDx Pointe à Pitre

    Comment l’Holacratie dépasse le paradoxe du pouvoir ?

    Lecture : 2 minutes

    Réinventer la gouvernance d’entreprise : liberté, agilité et holacratie

    « Comment faire de votre entreprise un modèle d’agilité et d’autonomie ? »

    Voilà la question qui a été la porte d’entrée d’Aliocha en octobre 2024 pour son tout premier talk, dans l’exigeant format du TEDx à Pointe-à-Pitre.

    Dans ce talk inspirant, découvrez comment l’Holacratie transforme la manière dont les organisations s’adaptent et évoluent. Aliocha dévoile les pratiques managériales innovantes mises en place chez Sémawé, véritable laboratoire de l’innovation managériale, pour libérer la créativité et redonner à chacun la capacité de contribuer pleinement.

    À travers une approche structurée, il explique comment ce modèle résout le paradoxe entre verticalité et horizontalité, permettant à l’organisation de combiner structure et liberté.

    Ce talk vous offre des clés concrètes pour repenser votre gouvernance et donner une nouvelle impulsion à votre entreprise dans un monde en perpétuel changement.

    L’équipe TEDx Pointe à Pitre

    « Courtes, percutantes, émouvantes, les conférences TED, en bouleversant les codes de la prise de parole en public, permettent de faire circuler les idées qui changent le monde. » — Chris Anderson, Directeur de TED Conférences.1

    Le TEDx Pointe à Pitre est un formidable événement organisé localement grâce aux bénévoles et à l’Effet Papillon.

  • Le grand répertoire : 18 modèles managériaux pour transformer l’entreprise

    Lecture : 17 minutes

    Changer la façon dont une organisation fonctionne, c’est un peu comme se lancer dans une grande expédition. On sait où l’on veut aller – plus d’agilité, de collaboration, de sens – mais les chemins pour y parvenir sont souvent flous, semés d’obstacles, et parfois pavés de mauvaises interprétations. Des mots comme « Holacratie », « Sociocratie », ou « entreprise libérée » reviennent souvent dans les discussions, mais ils sont parfois mal compris, voire déformés. Cela crée des attentes imaginaires et, bien souvent, des déceptions.

    Avec cette série d’articles, notre ambition est simple : clarifier, démystifier et inspirer. Chaque concept clé du nouveau management que nous explorons est une boussole potentielle, capable de transformer une organisation en profondeur, à condition de bien comprendre ce qu’il peut – ou ne peut pas – apporter.

    Ce guide synthétique, conçu comme une vue d’ensemble, vous accompagne dans l’exploration de ces 18 concepts. Que vous soyez curieux d’en savoir plus ou à la recherche de solutions pour réinventer votre gouvernance, ce tour d’horizon vous donnera des clés pour mieux naviguer dans un univers où les modes et les buzzwords manquent parfois de solutions concrètes.

    Comme Sémawé fonctionne en Holacratie, nous pourrons dire pour chaque concept en quoi cela diffère ou ressemble aux principes de l’Holacratie. Nous assumons le parti pris subjectif avec lequel nous regardons ces systèmes, car nous savons que notre propre expérience détermine beaucoup comment nous percevons le monde.

    Vue d’ensemble sur les concepts

    1. Holacratie

    Créée en 2004, l’Holacratie est un système de gouvernance qui repose sur une constitution open source diffusée sous licence CC-by-SA. Elle définit des règles claires pour répartir l’autorité et les responsabilités dans une entreprise. Ce modèle unique allie la rigueur des structures hiérarchiques à la flexibilité des aspirations horizontales, garantissant ainsi une organisation à la fois fonctionnelle et efficiente. Avec environ 1500 entreprises l’ayant adoptée à travers le monde, l’Holacratie est reconnue pour ses mécanismes innovants : des rôles bien définis, des cercles interconnectés et des processus robustes pour la prise de décision. Elle répond au double enjeu de structure et d’agilité, crucial pour les organisations modernes.

    À la manière des statuts types qu’on peut utiliser lorsqu’on crée une entreprise, la constitution de l’Holacratie est un kit générique adaptable et modifiable à chaque entreprise qui veut s’en servir. Cela présente l’avantage de faire gagner beaucoup de temps et de profiter de l’expérience des autres organisations qui ont défriché cette voie !

    • Carte des organisations en Holacratie
    • Participer à une journée de découverte de l’Holacratie
    • Voir une étude de cas d’adoption de l’Holacratie

    2. Gouvernance partagée

    Une approche développée et promue notamment par l’Université du Nous, qui désigne un ensemble de pratiques et de principes permettant à un groupe de prendre des décisions collectivement. Contrairement à l’Holacratie, la gouvernance partagée n’est pas fondée sur une constitution formelle ou un cadre universel, mais offre une flexibilité qui permet aux organisations de co-construire leurs propres processus. Concrètement, elle s’appuie sur des outils structurés pour partager le pouvoir décisionnel, encourager une participation active et renforcer la responsabilisation collective. Elle vise à équilibrer les aspirations individuelles et collectives tout en s’écartant des modèles hiérarchiques.

    3. Sociocratie

    La sociocratie est un modèle de gouvernance qui repose sur le consentement, les cercles décisionnels et les doubles liens. Elle a été formalisée au XXe siècle par Gerard Endenburg, un ingénieur néerlandais, pour renforcer la collaboration et l’efficacité dans les organisations. Le principe central est le consentement : les décisions sont prises lorsque personne n’a d’objection raisonnable. Les cercles semi-autonomes sont interconnectés par des membres qui jouent un rôle de liaison, assurant la cohérence entre les niveaux de l’organisation.

    La sociocratie n’est pas une absence de structure ou de hiérarchie : bien qu’elle valorise la participation collective, elle repose sur des rôles et des processus clairement définis. Elle ne se limite pas non plus à un simple outil de prise de décision démocratique : c’est un cadre global qui régit l’organisation, la responsabilité et l’interaction entre les membres. Adaptable et inclusif, ce modèle est souvent utilisé dans des structures coopératives ou associatives, mais il inspire également des entreprises cherchant à renforcer leur démocratie interne.

    4. Gouvernance cellulaire

    La gouvernance cellulaire est une approche émergente inspirée des systèmes biologiques, où chaque unité d’une organisation fonctionne comme une cellule autonome et interdépendante. S’appuyant en partie sur les principes de la constitution de l’Holacratie, elle reprend les notions de rôles, de cercles et de distribution de l’autorité, mais l’a modifiée en intégrant une vision plus organique et adaptative.

    Dans ce modèle, les cellules disposent de leur propre autorité pour prendre des décisions tout en restant alignées avec le reste de l’organisation grâce à des mécanismes de coopération. Contrairement à l’Holacratie, la gouvernance cellulaire soutient un véritable parti pris de mettre de l’horizontalité dans l’organisation, et de supprimer les mécanismes de hiérarchie. Elle ne cherche pas à imposer un contrôle centralisé, mais favorise des interactions fluides et une résilience collective.

    5. Organisation opale

    L’entreprise opale, un concept popularisé par Frédéric Laloux dans son ouvrage Reinventing Organizations, décrit une nouvelle étape d’évolution des organisations. Ce modèle repose sur trois piliers fondamentaux : l’autogestion, la plénitude et un but évolutif.

    L’autogestion remplace les hiérarchies traditionnelles par des processus collaboratifs où chacun peut contribuer selon ses compétences. La plénitude invite à intégrer toutes les dimensions de l’individu au travail, en valorisant l’authenticité et l’épanouissement personnel. Enfin, le but évolutif se concentre sur la raison d’être de l’organisation, vue comme une entité vivante qui s’adapte et évolue au gré des changements de son environnement.

    Contrairement à des modèles purement structurels comme l’Holacratie, l’entreprise opale met davantage l’accent sur la transformation culturelle et humaine, ce qui peut représenter un défi dans des contextes où les résistances au changement sont fortes. Elle reste une source d’inspiration majeure pour les organisations cherchant à réconcilier performance et humanité.

    6. Entreprise libérée

    Un concept parfois galvaudé, où le focus est mis sur la suppression des contraintes pour favoriser la créativité. L’entreprise libérée, concept popularisé par Isaac Getz et Brian Carney, vise à redonner aux employés une liberté totale dans la manière de s’organiser et de travailler. Le rôle du dirigeant, dans ce modèle, est de créer un environnement où les collaborateurs peuvent prendre des décisions en toute autonomie, sans les contraintes d’une hiérarchie rigide.

    Ce concept repose sur l’idée que la suppression des règles inutiles et des processus bureaucratiques libère le potentiel créatif et productif des équipes. Il ne s’agit pas d’un modèle dénué de structure : l’entreprise libérée nécessite un cadre clair, basé sur la confiance, pour fonctionner efficacement.

    Contrairement à l’Holacratie ou à la Sociocratie, l’entreprise libérée ne propose pas de méthodologie formalisée. Elle s’appuie davantage sur une transformation culturelle, où le leadership est centré sur le soutien et l’inspiration. Ce modèle a inspiré de nombreuses organisations, mais son application dépend fortement de la vision et de l’engagement des dirigeants.

    7. Perma entreprise

    La permaentreprise, concept inspiré de la permaculture, transpose les principes de durabilité, d’équilibre et de résilience au monde des affaires. Ce modèle invite les organisations à fonctionner comme des écosystèmes, où chaque élément est optimisé pour collaborer harmonieusement avec les autres tout en respectant les ressources disponibles.

    Les principes clés de la perma-entreprise incluent une gestion attentive des ressources humaines et matérielles, la création de cycles vertueux et une vision à long terme. Contrairement à des modèles purement économiques, elle met l’accent sur l’impact environnemental et sociétal, cherchant à générer de la valeur non seulement pour l’entreprise mais aussi pour son environnement.

    En comparaison avec l’Holacratie, la perma-entreprise met davantage l’accent sur l’impact écologique et sociétal, alors que l’Holacratie se concentre principalement sur la structure organisationnelle et la répartition des rôles. Par ailleurs, les deux modèles partagent une approche systémique, mais la perma-entreprise intègre explicitement des principes éthiques et écologiques dans sa gouvernance.

    8. Leadership distribué

    Le leadership distribué est une approche dans laquelle la fonction de leadership n’est pas concentrée dans les mains d’une seule personne ou d’un groupe restreint, mais partagée à travers toute l’organisation. Chaque individu, selon son rôle et son expertise, peut exercer un leadership dans un domaine particulier.

    Ce modèle repose sur la confiance mutuelle et la responsabilisation, permettant à chacun de prendre des décisions éclairées sans attendre de directives hiérarchiques. En s’éloignant des schémas traditionnels de pouvoir, le leadership distribué favorise une prise de décision plus rapide et mieux adaptée aux réalités locales.

    Le concept a été initialement formalisé par James P. Spillane, Richard Halverson et John B. Diamond dans les années 2000, dans le cadre de leurs recherches sur la gestion scolaire. Depuis, il a été étendu à d’autres contextes organisationnels, mettant l’accent sur une gouvernance collaborative et une prise de décision collective.

    Comparé à l’Holacratie, qui formalise les rôles et les processus décisionnels, le leadership distribué offre une approche plus fluide et informelle, où les responsabilités émergent de manière naturelle selon les besoins de l’organisation. Ce modèle est particulièrement adapté aux environnements complexes et en évolution rapide, où l’agilité et la collaboration sont essentielles.

    9. Management Montessori

    Le management Montessori s’inspire des principes éducatifs de Maria Montessori pour les appliquer au monde du travail. Ce modèle met l’accent sur l’autonomie, la confiance et la responsabilisation des individus, en créant un environnement qui favorise l’apprentissage continu et la collaboration naturelle.

    L’idée centrale est de considérer chaque collaborateur comme un individu capable de s’auto-diriger, tout en bénéficiant d’un cadre structuré qui stimule sa créativité et son engagement. Les managers jouent un rôle de guides ou de facilitateurs, plutôt que de directeurs autoritaires, en veillant à ce que chaque membre de l’équipe ait les ressources nécessaires pour évoluer dans un contexte bienveillant et performant.

    Comparé à l’Holacratie, qui se concentre sur la structuration des rôles et des processus, le management Montessori met davantage l’accent sur le développement personnel et l’adaptabilité des individus. Ce modèle est particulièrement adapté aux organisations cherchant à concilier performance et épanouissement individuel.

    Exemples d’entreprises :

    • Clinitex : Thierry Pick s’est inspiré des principes Montessori pour imaginer un « management par l’appétence ».
    • My Human Kit : une organisation qui applique les principes Montessori pour favoriser l’autonomie et la créativité au sein de ses équipes de fabrication collaborative.
    • Living School : une école et entreprise éducative inspirée de la pédagogie Montessori, intégrant ses principes dans la gestion interne.
    • La Ruche qui dit Oui ! : qui favorise l’auto-organisation des équipes locales tout en créant des cadres structurants, dans un esprit Montessori.

    10. Organisation auto-organisée

    Une organisation auto-organisée est davantage une direction qu’un modèle. Elle repose sur l’autonomie des équipes pour prendre des décisions et gérer leurs responsabilités sans intervention hiérarchique directe. Ce type d’organisation met l’accent sur la confiance, la responsabilité individuelle et collective, et la capacité des équipes à se structurer selon leurs besoins.

    Les principes clés incluent une redistribution du pouvoir, des rôles flexibles, et des processus d’ajustement continu pour répondre aux défis en temps réel. L’auto-organisation ne signifie pas l’absence de cadre : elle nécessite des accords explicites, des outils collaboratifs, et des principes partagés pour fonctionner efficacement.

    Comparée à l’Holacratie, qui formalise les processus décisionnels à travers des rôles et des cercles, l’organisation auto-organisée est souvent plus informelle et émergente. C’est une approche particulièrement adaptée aux environnements dynamiques où l’agilité et l’innovation sont essentielles.

    11. Agilité organisationnelle

    L’agilité organisationnelle est la capacité d’une entreprise à s’adapter rapidement et efficacement aux évolutions de son environnement, qu’elles soient technologiques, économiques ou sociales. Elle s’appuie sur les principes fondateurs du “Manifeste Agile”, qui énonce 4 heuristiques clés :

    1. Donner la priorité aux individus et à leurs interactions plutôt qu’aux processus et outils.
    2. Produire des résultats fonctionnels plutôt que de la documentation exhaustive.
    3. Collaborer avec le client plutôt que de s’en tenir strictement aux contrats.
    4. Répondre au changement plutôt que de suivre un plan rigide.

    Les principes de l’agilité organisationnelle incluent :

    • Une orientation client forte, où les besoins du marché dictent les priorités.
    • Des équipes multidisciplinaires autonomes capables de prendre des décisions rapides.
    • Des cycles courts d’expérimentation et d’apprentissage pour ajuster les stratégies.

    Inspirée par les méthodologies agiles issues du développement logiciel, cette approche est appliquée à l’échelle de l’organisation entière pour maximiser la résilience et la compétitivité. Comparée à des modèles comme l’Holacratie, qui structure les interactions et les rôles de manière formelle, l’agilité organisationnelle met davantage l’accent sur l’adaptation continue et l’amélioration itérative des pratiques.

    L’Holacratie, bien qu’inscrite dans la filiation de l’agilité, va plus loin en intégrant le sujet de l’autorité et des règles. Là où l’agilité met l’accent sur la flexibilité et l’innovation, l’Holacratie fournit un cadre structuré pour clarifier les autorités décisionnelles, permettant aux organisations d’évoluer avec des mécanismes de gouvernance explicites.

    Elle est particulièrement prisée dans les secteurs en constante évolution, comme la tech, où des entreprises comme Spotify et ING Bank ont adopté des cadres d’agilité organisationnelle pour transformer leurs opérations.

    [Image showing traditional vs agile organizational model]

    12. Organisation fractale

    L’organisation fractale est davantage une métaphore qu’un modèle formalisé. Inspirée des principes mathématiques des fractales, elle suggère que chaque unité d’une organisation reflète la structure et les valeurs de l’ensemble, comme dans un système naturel ou biologique.

    Les organisations qui adoptent cette approche visent à créer des unités autonomes et connectées, capables de fonctionner indépendamment tout en contribuant à la vision ou aux objectifs globaux.

    Les caractéristiques principales incluent :

    • Autonomie locale : chaque unité (ou fractale) peut gérer ses propres opérations selon les besoins locaux.
    • Réplication des principes : les valeurs fondamentales et les processus clés sont reproduits dans toutes les unités.
    • Flexibilité et adaptabilité : les unités peuvent évoluer ou se réorganiser en fonction des changements de l’environnement.

    Cependant, ce concept ne dispose pas de cadre normatif ou de méthodologie universelle. Il s’agit d’une inspiration, souvent utilisée dans des contextes complexes et dynamiques pour stimuler la résilience et l’innovation. On peut qualifier l’Holacratie de système organisationnel fractal.

    Je reprends donc là où nous en étions pour votre Article 13, afin de vous fournir la version intégrale, fidèle et nettoyée du long article sur les paradigmes du management.


    13. Management 3.0 (suite)

    Les 6 vues principales du Management 3.0 incluent :

    1. Aligner les contraintes : définir un cadre clair et des objectifs partagés.
    2. Développer les compétences : favoriser l’apprentissage et l’évolution des individus.
    3. Autonomiser les équipes : donner aux collaborateurs le pouvoir de décision.
    4. Faire grandir la structure : optimiser les interactions au sein de l’organisation.
    5. Améliorer tout en continu : encourager les cycles d’apprentissage et d’amélioration.
    6. Favoriser les relations : construire un environnement de travail basé sur la confiance et le respect mutuel.

    Le Management 3.0 ne propose pas de modèle spécifique pour les organigrammes ou la répartition des autorités. Contrairement à des approches comme l’Holacratie, qui structure la gouvernance à travers des rôles et des cercles définis, cette méthode laisse une liberté totale aux organisations pour adapter leur structure selon leurs besoins. Elle met davantage l’accent sur les dynamiques humaines, la motivation des équipes et l’amélioration continue.

    Comparé à l’Holacratie, qui formalise fortement les processus et la gouvernance, le Management 3.0 est plus informel et centré sur les dynamiques humaines. Là où l’Holacratie structure les rôles, le Management 3.0 propose des outils pratiques pour renforcer la motivation et l’engagement des équipes.

    14. Sociocratie 3.0

    La Sociocratie 3.0 (S3) est un cadre de collaboration et de gouvernance évolutif, conçu pour aider les organisations à devenir plus agiles, résilientes et centrées sur l’humain. Elle combine des éléments de la Sociocratie traditionnelle, des méthodologies agiles et des pratiques Lean, tout en restant hautement adaptable aux besoins spécifiques des équipes et des organisations.

    Les principes clés de S3 incluent :

    • Consentement pour les décisions : les décisions sont prises lorsqu’il n’y a pas d’objections majeures, ce qui favorise une prise de décision rapide et inclusive.
    • Articulation des tensions : les tensions, perçues comme des opportunités d’amélioration, sont utilisées pour guider les évolutions de l’organisation.
    • Patrons (patterns) : un ensemble de pratiques réutilisables et flexibles, permettant aux équipes de résoudre des problèmes spécifiques tout en respectant leurs contextes uniques.

    Contrairement à d’autres cadres comme l’Holacratie, la Sociocratie 3.0 n’est pas une marque déposée. Elle est diffusée sous une licence Creative Commons Free Culture License, ce qui permet une utilisation libre et une adaptation ouverte. Cette approche favorise une appropriation décentralisée et encourage les utilisateurs à partager et modifier les ressources selon leurs besoins.

    De plus, S3 peut être perçue comme un recueil d’outils d’intelligence collective. À travers ses patterns, elle propose des solutions pratiques et flexibles pour renforcer la collaboration, résoudre des tensions et faire évoluer les pratiques organisationnelles. Des organisations dans des secteurs tels que la technologie, l’éducation et les ONG utilisent déjà S3 pour améliorer leur gouvernance et renforcer leur collaboration.

    15. Entreprise humaniste

    L’entreprise humaniste place les valeurs humaines et l’épanouissement des individus au cœur de sa stratégie et de son fonctionnement. Ce concept repose sur l’idée que la performance économique et le bien-être des collaborateurs sont interdépendants, et qu’une organisation prospère lorsqu’elle valorise la dignité, la diversité et la créativité de ses membres.

    Les principes fondamentaux incluent :

    • Respect de l’individu : chaque personne est considérée dans sa globalité, avec ses besoins, aspirations et contraintes.
    • Leadership bienveillant : les dirigeants se concentrent sur l’accompagnement, l’écoute et le soutien des collaborateurs.
    • Impact sociétal positif : l’entreprise cherche à contribuer au bien commun, au-delà de ses objectifs économiques.

    Des auteurs comme Jacques Lecomte, auteur de “Les entreprises humanistes”, et Isaac Getz, co-auteur de “L’entreprise altruiste”, ont largement contribué à développer et diffuser ce concept. Ils insistent sur l’interconnexion entre bienveillance, efficacité et impact sociétal positif. Le travail de Frédéric Laloux, dans “Reinventing Organizations”, et les idées de Viktor Frankl sur la recherche de sens ont également influencé cette approche.

    Comparée à des modèles comme l’Holacratie ou la Sociocratie, l’entreprise humaniste ne propose pas un cadre normatif ou des processus spécifiques. Elle met plutôt l’accent sur une transformation culturelle et sur les comportements qui favorisent une organisation harmonieuse et performante. Des entreprises comme Danone ou Patagonia se revendiquent de cette philosophie, en mettant en avant des pratiques qui allient rentabilité et respect des valeurs humaines.

    16. Self-management

    Le self-management ou auto-gestion, désigne une approche où les individus et les équipes sont pleinement autonomes pour organiser leur travail, prendre des décisions et gérer leurs responsabilités, sans dépendre d’une hiérarchie traditionnelle. Cette méthode repose sur la confiance mutuelle, la responsabilisation et des cadres clairs pour garantir la cohérence.

    Les caractéristiques clés incluent :

    • Prise de décision décentralisée : les collaborateurs prennent des décisions localement, en fonction de leur expertise et de leurs rôles.
    • Transparence : un accès équitable à l’information pour permettre à chacun de comprendre le contexte et les priorités.
    • Responsabilisation individuelle : chaque membre est pleinement engagé dans ses missions et assume les conséquences de ses choix.

    Comparé à l’Holacratie, qui fournit une structure explicite pour organiser les rôles et les cercles, le self-management est moins formalisé et davantage centré sur l’autonomie individuelle et collective. Ce concept s’inscrit également dans une vision d’épanouissement au travail, où les employés sont encouragés à innover et à collaborer librement. Des entreprises comme Morning Star, célèbre pour sa structure sans managers, ou Buurtzorg, un réseau d’infirmiers autogérés, sont des exemples de mise en œuvre réussie du self-management.

    17. Doctrine sociale de l’Église

    La doctrine sociale de l’Église est un ensemble de principes et de réflexions développés par l’Église catholique pour guider les interactions sociales, économiques et politiques selon une perspective éthique et humaniste. Ce cadre s’appuie sur des textes fondamentaux comme les encycliques papales (Rerum Novarum de Léon XIII, Quadragesimo Anno de Pie XI, et Laudato Si’ de François) et propose des principes applicables à la vie en société.

    Les principes clés incluent :

    • Dignité de la personne humaine : chaque individu est doté d’une valeur inaliénable et doit être respecté dans toutes ses dimensions.
    • Bien commun : les structures sociales et économiques doivent être orientées vers le bien collectif et non uniquement vers des intérêts individuels.
    • Subsidiarité : les décisions doivent être prises au niveau le plus proche des personnes concernées, tout en garantissant un soutien approprié des niveaux supérieurs.
    • Solidarité : la coopération entre les individus et les communautés est essentielle pour construire une société juste et équitable.

    Des organisations en France s’inspirent explicitement de ces principes :

    • Les Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens (EDC) : un réseau de chefs d’entreprise catholiques qui promeut une gestion basée sur les valeurs de la doctrine sociale de l’Église.
    • La Nef : une coopérative financière éthique qui soutient des projets respectueux des personnes et de l’environnement.
    • Fondation Jean Rodhain : dédiée à des initiatives sociales et solidaires, alignées sur les principes de justice sociale et de dignité humaine.

    Comparée à des concepts comme l’entreprise humaniste, la doctrine sociale de l’Église apporte une dimension explicitement spirituelle et éthique, intégrant une vision transcendante des responsabilités humaines.

    18. L’entreprise régénératrice

    L’entreprise régénératrice, parfois appelée entreprise régénérative, est un concept émergent qui va au-delà de la durabilité en cherchant activement à régénérer les écosystèmes, les communautés et les ressources qu’elle impacte. Inspirée des principes de la régénération naturelle et de la permaculture, elle vise à avoir un effet net positif sur l’environnement et la société.

    Les caractéristiques principales incluent :

    • Régénération écologique : restaurer ou améliorer les écosystèmes naturels par des pratiques respectueuses et innovantes.
    • Impact sociétal positif : soutenir les communautés locales, réduire les inégalités, et favoriser un bien-être collectif durable.
    • Économie circulaire : repenser les modèles économiques pour éliminer les déchets et maximiser la réutilisation des ressources.

    Comparée à des concepts comme la perma-entreprise ou l’entreprise humaniste, l’entreprise régénératrice met un accent encore plus fort sur la restauration active et proactive des systèmes naturels et sociaux. Elle ne cherche pas seulement à limiter les impacts négatifs, mais à générer des bénéfices mesurables pour son environnement global. Des entreprises comme Patagonia ou Interface sont souvent citées comme des exemples de démarches régénératives, grâce à leurs engagements environnementaux et leurs initiatives pour restaurer les écosystèmes affectés par leurs activités.

    Comparaison générale et interconnexions

    Bien que ces concepts partagent des objectifs communs comme l’autonomie, la résilience ou la collaboration, ils diffèrent dans leurs approches et leurs mises en œuvre. Par exemple, la Sociocratie et l’Holacratie sont souvent comparées, mais elles divergent sur les mécanismes de prise de décision.

    Ce tableau comparatif vous aidera à visualiser les différences et similitudes entre ces notions. (Audit à venir).

    Guide pour choisir le bon cadre

    Il n’existe pas de solution universelle. Le choix d’un cadre dépend de plusieurs facteurs :

    • La taille de votre organisation.
    • Votre culture d’entreprise actuelle.
    • Vos objectifs stratégiques.
    • Le niveau d’engagement de vos équipes.

    En cas de doute, Sémawé propose un diagnostic personnalisé pour vous aider à identifier l’approche la mieux adaptée.

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  • L’Holacratie dans une partie seulement de l’organisation, pourquoi ça marche ?

    Lecture : 10 minutes

    Il m’arrive souvent d’entendre cette phrase, presque mot pour mot, lorsque j’échange avec un dirigeant ou un membre de CODIR : « J’aimerais beaucoup expérimenter l’Holacratie, mais je ne peux pas transformer toute l’organisation d’un coup. Alors est-ce que ça vaut le coup ? »

    À chaque fois, ma réponse est la même, fondée sur plus de dix ans d’expérience auprès de dizaines d’organisations : oui, c’est non seulement possible, mais c’est souvent la meilleure manière de commencer.

    Dans cet article, j’aimerais partager pourquoi cette démarche fonctionne, comment elle se met en place concrètement, ce qu’il faut sécuriser pour qu’elle s’intègre harmonieusement dans un environnement non holacratique, et surtout, pourquoi vous pouvez vous lancer sans crainte – même si votre organisation est grande, complexe, largement hiérarchique, ou traversée de multiples cultures managériales.

    Je vais m’appuyer sur :

    • Les enseignements que je tire des accompagnements chez la Ville de Grenoble, Grenoble Alpes Métropole (leur gouvernance est publique !), le centre logistique de Grolley de l’Armée Suisse et des expériences d’Hypoport en Allemagne, ENGIE ;
    • La pratique quotidienne chez Sémawé ;
    • Les expériences de Brian Robertson et Floris Hammer, qui travaillent depuis des années sur ces questions d’« îlots de pratique ».

    Je veux que vous ressortiez de cet article avec une certitude : l’Holacratie n’est pas une révolution totale à imposer, c’est une manière d’apporter de la clarté, de la responsabilité et de l’agilité là où c’est possible, et là où ça fait du bien.

    Et cela peut commencer très simplement.

    1. Pourquoi l’adoption partielle fonctionne très bien

    1.1. Les organisations sont hybrides, et c’est normal

    Contrairement à ce que l’on imagine, aucune organisation n’est homogène. Même les groupes les plus structurés présentent une mosaïque de cultures internes : directions très processées, équipes très autonomes, dépendances externes, poches de résistance, zones d’expérimentation…

    Dans une collectivité comme Grenoble Ville ou Grenoble Alpes Métropole, cette réalité est encore plus marquée : la direction des finances n’a pas la même culture que la direction des sports, la DSI n’a pas les mêmes rythmes que les équipes qui taillent les arbres, et certaines directions ont une forte tradition de gestion hiérarchique quand d’autres expérimentent volontiers.

    Dans ces environnements, l’Holacratie n’arrive jamais sur un terrain vierge. Elle s’intègre dans un système préexistant d’habitudes et de culture de travail.

    C’est pour cela que la démarche d’« îlot de pratique », ou island of practice, que décrivent Brian Robertson et Floris Hammer, est à la fois réaliste et pragmatique : aucune organisation n’a besoin de tout transformer d’un coup.

    1.2. L’important n’est pas la taille, mais la clarté du périmètre

    J’ai vu des équipes de 7 personnes fonctionner magnifiquement au sein d’un groupe de 3 000 salariés. Et j’ai vu l’inverse : un département de 200 personnes complètement paralysé parce que son périmètre n’avait jamais été clarifié.

    L’Holacratie partielle fonctionne si l’on est capable de dire :

    • cette équipe fonctionne selon ces règles ;
    • dans ce contexte précis ;
    • et voici ce que cela change – et ce que cela ne change pas.

    C’est le parallèle que Brian Robertson fait souvent : si certains jouent au Monopoly et d’autres à Risk, tout se passe bien tant que chacun sait à quel jeu il est en train de jouer.

    1.3. Cela améliore la performance, même isolé du reste

    Les équipes que j’ai accompagnées en adoption partielle ont toutes vécu la même chose :

    • plus de fluidité ;
    • une accélération dans les décisions ;
    • une clarification immédiate des attentes et responsabilités ;
    • une meilleure capacité à répondre à la demande des autres directions.

    Et le reste de l’organisation voit rapidement l’amélioration.

    2. Les idées reçues qui bloquent (à tort)

    Je vois trois grandes craintes, presque universelles, chez les dirigeants.

    2.1. « Nous allons créer du chaos si certains fonctionnent autrement »

    C’est une confusion fréquente. L’Holacratie n’est pas un chaos : c’est un cadre extrêmement clair, plus clair et plus précis que n’importe quel système de management traditionnel.

    Une équipe holacratique ne devient pas imprévisible, mais au contraire, elle devient lisible et se dote de référentiels écrits.

    Ce sont les environnements flous, informels, implicites qui créent du chaos, pas l’Holacratie.

    2.2. « Cela va entrer en conflit avec les politiques RH »

    En réalité, il suffit souvent de traduire les contraintes de la maison mère en règles internes pour que tout reste fluide et compréhensible. C’est ce que nous avons fait chez Inddigo : le groupe avait des exigences très précises au sujet des validations RH et budgétaires. Les équipes qui fonctionnent en Holacratie ont simplement transcrit ces règles au sein de leur cercle.

    Résultat :

    • tout est clair ;
    • les règles sont précises et documentées ;
    • tout est intégré dans les outils (GlassFrog, Nestr, Holaspirit).

    2.3. « Si l’équipe est plus efficace, la hiérarchie va se sentir menacée »

    Sur le terrain, c’est exactement l’inverse qui se passe. Les managers, une fois rassurés, retrouvent de la bande passante pour faire leur job de management. Ils voient que les décisions se prennent mieux, que les arbitrages arrivent plus vite et que les sujets ne stagnent pas.

    Dans les collectivités, par exemple à Grenoble Ville, j’ai vu plusieurs directeurs et directrices exprimer un soulagement : l’équipe en Holacratie devenait plus facile à manager que leurs équipes traditionnelles.

    3. Les trois leviers essentiels pour réussir un « îlot de pratique »

    Lorsque je parle d’Holacratie partielle, cela repose sur trois conditions de succès :

    • La délimitation du périmètre ;
    • La traduction des contraintes existantes (règles et procédures) ;
    • L’adoption progressive des articles constitutionnels.

    Moyennant quoi, l’implémentation devient simple, fluide, robuste.

    4. Levier n°1 : délimiter clairement le périmètre

    4.1. Une équipe, un projet, un département : choisissez l’échelle la plus simple

    On peut démarrer :

    • à l’échelle d’un projet ;
    • d’une équipe ;
    • d’une direction entière ;
    • ou même d’un “micro-cercle” transversal.

    Le plus important n’est pas la taille : c’est la lisibilité du périmètre.

    Chez Grenoble Alpes Métropole, l’Holacratie a été introduite dans une direction d’une cinquantaine de personnes. Cette direction avait de nombreuses interactions transverses, mais son périmètre interne était clair : c’était suffisant pour réussir.

    Chez Hypoport, au contraire, ils ont implémenté l’Holacratie sur un ensemble de 900 personnes parmi 2500, réparties dans plusieurs entités et métiers de l’entreprise, avec un accompagnement massif et des coachs internes formés à l’Holacratie.

    Dans les deux cas, le secret n’était pas la taille : c’était le “qui joue à quoi, et quand”.

    4.2. L’importance d’annoncer la règle du jeu

    Une équipe en Holacratie ne doit pas « surprendre » le reste de l’organisation. Il faut expliquer simplement :

    « Dans ce périmètre, nous utilisons un cadre de clarté basé sur les rôles. Vos interactions avec nous ne changent pas, mais pour nous organiser en interne, nous utilisons une méthode plus structurée. »

    C’est tout ce qu’il faut.

    5. Levier n°2 : traduire les contraintes existantes en Holacratie

    Chaque organisation possède un cadre préexistant : procédures RH, règles budgétaires, obligations juridiques, normes métiers, délégations hiérarchiques, exigences de reporting. Et c’est normal. Une équipe qui adopte l’Holacratie ne devient pas une île totalement indépendante ; elle continue d’habiter un environnement institutionnel, politique, réglementaire ou corporate.

    Et c’est justement là que se joue l’un des leviers les plus puissants et les plus méconnus.

    Contrairement à l’image romantique d’une équipe autonome qui ferait tout « autrement », la première étape d’une adoption holacratique robuste consiste à honorer les contraintes. Et mieux encore : les traduire dans le langage Holacracy, afin qu’elles deviennent des règles explicites, visibles, assumées.

    Nous le remarquons dans bien des cas, que ce soit dans une direction de Grenoble Ville, une direction métropolitaine, une BU d’ENGIE ou une entité du groupe Hypoport : les équipes souffrent rarement de l’existence des contraintes, elles souffrent du flou autour des contraintes.

    5.1. Toute organisation a des règles non négociables

    Dans une collectivité, vous ne contournez pas le Code des collectivités territoriales. Dans une administration, vous ne contournez pas les règles statutaires. Dans une grande entreprise, vous ne contournez pas les procédures RH ou les autorisations de dépenses.

    Dans un système holacratique, ces règles continuent d’exister… et l’équipe qui adopte l’Holacratie n’a pas à s’en affranchir. Au contraire : elle les rend visibles.

    Ces éléments normatifs ou contraignants ne doivent pas être contournés. Ils doivent être rendus explicites.

    5.2. Comment les intégrer ? En les transformant en “règles” dans les cercles.

    C’est ce qu’expliquent Brian Robertson et Floris Hammer : transformer l’implicite en explicite permet à l’équipe de fonctionner sereinement.

    Lorsque nous accompagnons une équipe, la toute première étape, avant même d’introduire les règles de coopération, consiste à cartographier les rôles existants et à traduire le cadre extérieur dans la structure du cercle.

    On transforme :

    • une procédure RH $\rightarrow$ en règle claire ;
    • une délégation hiérarchique $\rightarrow$ en domaine d’autorité pour un cercle ;
    • une responsabilité managériale $\rightarrow$ en rôle ;
    • une règle budgétaire $\rightarrow$ en autorité explicite.

    Et ce travail produit immédiatement deux effets :

    • Personne ne croit plus que avec l’Holacratie, “on fait tout ce qu’on veut”. Le cadre réel, celui de l’organisation globale, est écrit, visible, assumé.
    • L’équipe récupère de la marge de manœuvre. Car tout ce qui n’est pas contraint… devient autorisé et possible.

    On ne gagne pas en autonomie en supprimant les contraintes, mais en clarifiant les limites. L’ambiguïté enferme davantage que la règle explicite, car elle crée de l’inhibition.

    5.3. Pourquoi cela apporte de la liberté ?

    Parce que définir les contraintes libère tout ce qui n’est pas contraint.

    Structure = liberté.

    La plupart des contraintes organisationnelles sont dispersées dans :

    • des slides ;
    • des PDF ;
    • des notes internes ;
    • des échanges informels ;
    • des habitudes historiques.

    Même les managers ne savent pas toujours où se trouve « la vraie règle ».

    En les rendant explicites :

    • l’équipe comprend mieux ce qu’elle peut décider sans demander ;
    • les arbitrages deviennent plus simples ;
    • l’autonomie devient plus sûre ;
    • et le stress diminue.

    Dans toutes les organisations que j’ai accompagnées, la clarification des limites a libéré davantage d’initiatives que n’importe quelle formation à “l’autonomie”.

    C’est pour cela que je considère ce levier comme l’un des plus puissants de l’Holacratie.

    6. Levier n°3 : adopter l’Holacratie par modules (et pas tout d’un coup)

    Depuis la Constitution 5.0 (2021), l’adoption modulaire est officielle. On peut entrer dans l’Holacratie par étapes, article par article.

    Je continue de penser – et l’expérience me donne raison – que l’adoption complète immédiate est la voie la plus efficace. Mais je vois aussi des directions qui préfèrent avancer progressivement, par prudence, par curiosité ou par nécessité politique.

    Cette modularité est possible, mais il est très important d’avoir clarifié par quoi ce choix est guidé. Est-ce par peur de quelque chose ?

    Concrètement, on peut adopter :

    • uniquement l’Article 1 pour utiliser les rôles, les cercles, les responsabilités explicités ;
    • et/ou ajouter l’Article 2, pour bénéficier des règles de coopération : transparence, priorisation, traitement des demandes, accords relationnels ;
    • et/ou ajouter l’Article 3, pour utiliser la réunion tactique là où elle est utile ;
    • et/ou ajouter l’Article 4, pour aller jusqu’au bout de la logique d’autorité distribuée et favoriser les initiatives ;
    • et/ou ajouter l’Article 5 pour bénéficier d’un processus d’intelligence collective très robuste et fonctionnel pour arbitrer les choix de structure d’autorité et de responsabilité.

    6.1. L’article 1 seul change déjà la vie

    Cet article introduit :

    • la notion de rôle ;
    • les redevabilités ;
    • les domaines ;
    • la distinction entre personne et rôle.

    Rien qu’avec cela, j’ai vu des équipes réaliser un bond qualitatif énorme. Chez la Ville de Grenoble, par exemple, nous avons souvent commencé par cette brique : elle permet de créer de la clarté sans impacter le reste de l’organisation.

    6.2. L’article 2 : les règles de coopération (le “bon sens” écrit noir sur blanc)

    C’est souvent là que les dirigeants me disent : « Oui, ça paraît évident… »

    Cependant, une fois ces règles écrites noir sur blanc, beaucoup découvrent que ce “bon sens” n’était pas si bien pratiqué que ça.

    L’article 2 met en lumière les fondamentaux de la coopération :

    • la transparence (plus complexe qu’elle n’y paraît) ;
    • la priorisation (qui exige une véritable discipline personnelle) ;
    • le traitement des demandes ;
    • les obligations relationnelles professionnelles.

    Cet article crée souvent autant de prises de conscience qu’un séminaire complet de management.

    6.3. Les réunions tactiques sont un levier très simple et très puissant

    Même sans gouvernance complète, les réunions tactiques apportent :

    • un cadre clair ;
    • un processus fluide ;
    • un traitement rapide des tensions ;
    • une coordination plus efficace.

    Dans certaines organisations, nous avons constaté jusqu’à 50 % de temps de réunion en moins et une nette accélération des décisions. C’est souvent le premier choc positif : « Enfin une réunion qui sert à quelque chose. »

    6.4. L’article 4 et 5 : les plus impressionnants… mais les plus transformateurs

    C’est ici que beaucoup d’organisations hésitent. Pourtant, ce sont ces articles qui transforment le plus les postures, la maturité, l’engagement et la responsabilisation.

    L’erreur fréquente consiste à dire : « On va faire l’Holacratie, mais seulement les parties faciles. »

    C’est une erreur stratégique, car on adopte alors uniquement ce qui ne change pas les habitudes existantes. On se prive alors de la transformation que ce cadre permet réellement.

    Si vous n’adoptez que ce qui vous met à l’aise, ne vous attendez pas à autre chose que ce que vous connaissez déjà.

    L’Holacratie est un framework structurant, et c’est cette structure qui crée le changement.

    7. Les erreurs fréquentes (et comment les éviter)

    7.1. Sélectionner les parties “faciles” et éviter les parties “inconfortables”

    C’est l’erreur n°1.

    En ne prenant que les éléments logiques, naturels, déjà existants, on produit une version édulcorée du système. La valeur créée est limitée, et la déception s’installe très rapidement.

    7.2. Croire que son contexte est “trop particulier”

    Je l’entends partout :

    • « Oui, mais chez nous c’est différent. »
    • « Chez nous c’est unique. »
    • « Nous avons des contraintes très spécifiques. »

    C’est humain, et même plutôt banal. 100 % des organisations pensent être particulières. Et elles le sont… mais de la même manière que toutes les autres.

    Les contraintes sont normales :

    • charge de travail ;
    • compétences rares ;
    • usagers 24h/24 ;
    • enjeux de sécurité ;
    • métiers techniques ;
    • dépendances externes ;
    • exigences politiques ou actionnariales.

    Tout cela est commun et ne constitue pas des obstacles.

    La vraie question n’est pas : « Est-ce que c’est possible ? » La vraie question est : « Est-ce que vous voulez changer quelque chose ? »

    7.3. Sous-estimer la nécessité d’un mandat clair

    Une équipe ne peut pas fonctionner en Holacratie dans l’ombre ou en clandestinité.

    Il faut :

    • un mandat explicite de la hiérarchie ;
    • une figure d’autorité légitime et pleinement impliquée ;
    • un signal clair envoyé à l’organisation : “Ici, nous fonctionnons selon cette règle du jeu.”

    Sans cela, l’adoption est fragile, ambiguë, vouée à l’échec ou à la frustration.

    8. Le cas particulier des managers dans une organisation hybride

    C’est un point très sensible, surtout dans les grandes structures : que faire du manager dans une équipe holacratique ?

    Beaucoup s’imaginent que l’Holacratie supprime les managers. C’est faux. Dans une organisation hybride, les managers continuent d’exister — formellement, contractuellement, institutionnellement.

    L’Holacratie ne les retire pas et je dirais même qu’elle clarifie encore plus précisément leur fonction.

    Voici ce que je peux faire par exemple :

    • je crée un rôle “Manager” ;
    • je décris exactement son périmètre d’autorité réelle ;
    • je distingue ce qui relève de sa hiérarchie et ce qui relève de la structure distribuée ;
    • je fais apparaître les zones où leadership et hiérarchie se superposent.

    Cette clarification est libératrice et les managers cessent de jouer à la fois les rôles de :

    • superviseur ;
    • arbitre ;
    • tampon émotionnel ;
    • facilitateur informel ;
    • pompier ;
    • gardiens du flou.

    Dans toutes les missions, j’ai vu que cela aide aussi les équipes extérieures à l’Holacratie, car cela réduit la confusion sur l’autorité, la validation, les responsabilités.

    9. Comment savoir si votre organisation est prête ?

    Je reformulerais la question autrement : “Voulez-vous améliorer quelque chose ?”

    Si tout est parfait, stable, fluide, transparent, autonome… alors ne faites rien. Mais si vous souhaitez :

    • faire mieux avec moins ;
    • fluidifier les décisions ;
    • développer la prise d’initiative ;
    • réduire les tensions relationnelles ;
    • améliorer la priorité collective ;
    • créer un climat de responsabilité réelle ;
    • améliorer la communication interne ;
    • renforcer la coopération spontanée ;

    alors oui : vous êtes prêts.

    Conclusion : l’Holacratie n’est pas une finalité, mais une manière de travailler

    L’Holacratie n’est pas un dogme ni “un supplément d’âme”. C’est un framework pragmatique centré sur le sens et l’efficacité.

    C’est une manière d’organiser le travail, de décider, de communiquer, de collaborer. Une manière profondément adaptée à un monde où la stabilité n’est plus la norme.

    Nos expériences montrent que ça fonctionne :

    • Dans une petite équipe.
    • Dans un grand service.
    • Dans un groupe international.
    • Dans une collectivité territoriale.
    • Dans un îlot de pratique isolé ou dans une transformation globale.

    L’Holacratie crée un environnement où :

    • chacun peut prendre ses responsabilités ;
    • les décisions cessent de stagner ;
    • les managers retrouvent de la hauteur ;
    • les équipes gagnent en autonomie ;
    • la structure devient plus lisible ;
    • et l’organisation devient plus robuste.

    Que vous soyez 5, 50 ou 5 000 : l’Holacratie partielle est un chemin solide, pragmatique et réaliste pour mieux travailler ensemble.


  • En quoi la citoyenneté est au cœur de l’autogouvernance ?


    Lecture : 5 minutes

    Article original, How Citizenship is at the heart of self-governance écrit par Diederick Janse – 17 mai 2023.

    Traduit par Aliocha Iordanoff – 03 novembre 2025.

    Je pratique passionnément l’autogouvernance depuis plus de quinze ans. Je la définis comme le fait de distribuer l’autorité et la responsabilité afin que chacun, dans une communauté ou une organisation, puisse se présenter pleinement au service d’une raison d’être commune.

    Mais ces derniers temps, je m’interroge sur le sens de mon travail. De quoi s’agit-il, au fond ? Et quelle est sa pertinence aujourd’hui, compte tenu de l’état de nos systèmes sociaux, économiques et écologiques ?

    À quoi sert l’autogouvernance ?

    Je considérais jusqu’à présent que cette autogouvernance avait pour objectif d’accroître l’autonomie, ce qui entraîne de nombreux effets positifs : motivation et créativité accrues, meilleure prise de décision, fidélisation des collaborateurs. L’autonomie est également précieuse en soi, indépendamment des résultats. Pourtant, dernièrement, cela ne me suffit plus.

    Nous pensons souvent l’autogouvernance et l’autonomie sous l’angle de la liberté négative : la liberté de se libérer de règles arbitraires, de chefs, de bureaucratie, de pratiques managériales obsolètes qui nous laissent impuissants et épuisés.

    La liberté négative, à elle seule, est un espace vide, ouvert, non entravé. Mais que faisons-nous de cette liberté ?

    À l’inverse, la liberté positive est la liberté de faire quelque chose, pas seulement d’être libéré de quelque chose. Elle implique de se battre pour quelque chose, plutôt que contre quelque chose. L’absence d’une mauvaise chose n’équivaut pas à la présence d’une bonne chose.

    D’où cette question : À quoi sert l’autogouvernance ?

    Intégrer la citoyenneté au travail

    Lorsqu’une personne réalise qu’elle n’est pas impuissante, mais qu’elle fait partie d’une équipe et d’un système, et qu’elle dispose d’une voix qu’elle peut utiliser pour faire part de ses préoccupations, proposer des changements ou lancer des expériences, cela marque un changement important. Cette prise de conscience lui apporte un sentiment d’autonomie et de créativité.

    Ce changement peut paraître nouveau, progressiste, voire radical dans le monde professionnel. Mais dans notre « vie privée » — en famille, dans nos communautés — ces comportements sont familiers et courants. La plupart d’entre nous sommes parfaitement capables de prendre des décisions complexes dans la vie et de nous engager activement dans des initiatives communautaires telles que des associations sportives, des initiatives locales, prendre soin d’autrui…

    Ensemble, ces comportements indiquent une capacité que nous pourrions appeler « appartenance » : faire partie de quelque chose, avoir un sentiment d’appartenance. Pas seulement de manière passive, comme un sujet ou un consommateur, mais de manière active. Au sens large, nous pourrions appeler cela la citoyenneté. Il ne s’agit pas d’un statut juridique, mais d’une capacité humaine profonde, d’un muscle ou, comme certains le diraient, d’un geste, quelque chose que nous faisons.

    La citoyenneté est généralement associée à la partie « vie privée » de la séparation entre vie professionnelle et vie privée. Mais que se passerait-il si nous l’appliquions à la partie « vie professionnelle », à la partie de notre vie que nous passons dans des organisations ?

    Nous essayons de donner aux « employés » plus d’autonomie, de voix et d’appropriation. Mais le concept d’employé a été conçu à une autre époque, pour garantir le contrôle, la conformité et l’efficacité. Plutôt que de le pousser à son point de rupture, comme je pense que nous le faisons, tournons-nous vers un concept différent. Introduisons notre citoyenneté au travail.

    Citoyenneté dans les organisations et des organisations

    La citoyenneté est la volonté et la capacité de participer à une communauté et d’y contribuer. Nous associons généralement ce terme à l’État, au vote et à notre passeport, alors pourquoi l’utiliser de cette nouvelle manière ? Pourquoi ne pas utiliser les termes existants tels que l’engagement des employés, la participation ou le leadership personnel ?

    Je pense que la citoyenneté est un concept plus puissant. Elle nous invite à considérer les organisations comme des communautés : celles qui nous façonnent, mais que nous façonnons également, ensemble.

    La citoyenneté va au-delà du leadership. Elle concerne l’appartenance. Elle remplace l’individu autonome (comme le « leader » tant vanté) par le récit plus nuancé d’un membre de la communauté. Et dans le meilleur des aspects, la citoyenneté est inclusive. Elle reconnaît que chacun a une voix et un rôle, plutôt que de donner le pouvoir à une élite exclusive.

    Appliquer la citoyenneté aux organisations

    En zoomant vers l’intérieur, nous voyons la citoyenneté dans les organisations. Comment pouvons-nous nous inviter et nous inciter mutuellement à pratiquer la citoyenneté dans notre vie professionnelle quotidienne ? Et comment pouvons-nous nous organiser pour la citoyenneté, plutôt que contre elle ? De quoi avons-nous besoin pour apporter notre attention, notre créativité et notre intelligence pratique à notre lieu de travail ?

    En zoomant vers l’extérieur, nous voyons la citoyenneté des organisations, qui appartiennent à des communautés plus larges et sont capables de contribuer activement. Que signifie pour une organisation de se considérer comme une citoyenne ? Organiser est une capacité humaine fondamentale au potentiel presque illimité. C’est comme un super-pouvoir… qui sert ensuite à vendre un produit et à faire des profits. Vraiment ? Quelle histoire profondément décevante nous racontons-nous sur ce que sont les organisations, leur raison d’être et le rôle que nous jouons en leur sein.

    Je crois qu’il est possible de raconter une autre histoire, celle d’organisations qui sont des communautés autonomes de citoyens, animées par un objectif commun, contribuant de manière profondément significative et pertinente. Pour moi, c’est à cela que sert l’autonomie !

    Je continuerai à explorer la question de la citoyenneté dans et au sein des organisations et je partagerai mes découvertes. Et vous ? Quel est pour vous l’intérêt et le potentiel de cette merveilleuse pratique transformatrice qu’est l’autogouvernance ?

    À propos de l’auteur :

    Diederick Janse est coach, formateur et cofondateur d’Energized.org, une organisation néerlandaise pionnière de l’Holacracy. Depuis 2007, il accompagne entreprises et collectifs dans la mise en place de modes de gouvernance distribuée favorisant la responsabilité et l’engagement. Il est aussi l’auteur de Getting Teams Done, un guide pratique pour les équipes qui veulent s’auto-organiser.

  • Gouvernance additive, gouvernance soustractive : l’art d’élaguer nos organisations

    Lecture : 5 minutes

    « Dans Holacracy, on apprend d’abord à ajouter. Puis, plus tard, on découvre qu’il faut aussi savoir enlever. »

    — Dennis Wittrock, Holacracy verstehen (2024)

    Depuis plusieurs années, des chercheurs comme Stefan Kühl observent une tendance naturelle des organisations pratiquant l’Holacratie à dériver vers ce qu’il appelle l’hyperformalisme : une inflation de règles, de rôles et de politiques qui finissent par s’accumuler comme des strates géologiques.

    Chaque réunion de gouvernance ajoute une nouvelle structure… mais rares sont celles qui en retirent.

    Peu à peu, cette accumulation crée ce que Kühl nomme les « Sédiments de formalité » (Formalitätsruinen) : des éléments de gouvernance devenus obsolètes, que plus personne ne lit ni ne remet en cause, mais qui encombrent toujours les archives de l’organisation. Une sorte d’entropie bureaucratique, progressive mais bien réelle.

    Ce n’est pas un biais individuel, mais un effet systémique observé dans de nombreuses organisations, y compris chez Sémawé parfois.

    Le piège de la gouvernance additive

    Dennis Wittrock, praticien et chercheur en Holacratie, décrit ce phénomène comme un stade immature de la pratique : celui où l’on ne fait que « rajouter ».

    À ce moment-là, l’équipe apprend à manier les outils de la gouvernance, mais elle n’a pas encore intégré sa dimension écologique : la nécessité d’élaguer régulièrement le système pour préserver sa vitalité.

    C’est un peu comme un jardin que l’on planterait sans jamais tailler : tout pousse, mais plus rien ne respire.

    De la gouvernance additive à la gouvernance soustractive

    Avec le temps et l’expérience, certaines organisations apprennent une autre posture : celle de la gouvernance soustractive.

    Elles cessent d’ajouter des rôles ou des politiques chaque fois qu’une tension est ressentie, et commencent à questionner la pertinence de ce qui existe déjà.

    Elles réalisent que l’élégance d’un système ne se mesure pas à la quantité de ses règles, mais à la qualité de son discernement collectif.

    Voici des pistes pour évoluer vers cette maturité de fonctionnement en Holacratie.

    1. Soutenir une pratique minimaliste

    D’abord, questionner chaque ajout. Avant d’introduire un nouveau rôle, un pouvoir de contrôle avec un domaine ou bien une règle dans un cercle, vous pouvez poser des questions de clarification comme :

    • « Que se passerait-il si ce domaine n’existait pas ? »
    • « Y a-t-il déjà eu un dommage concret par le passé ? »
    • « Quand un tort s’est produit, comment as-tu essayé de le corriger ? »

    Je vois trop souvent des postures contrôlantes où, face à un dysfonctionnement dans un projet, le réflexe consiste à créer un nouveau pouvoir de contrôle. En se posant ces questions, les membres du cercle pourront proposer des alternatives bien plus légères et qui maintiennent de la fluidité dans les possibilités d’initiatives.

    Si le facilitateur ne l’a pas fait, rappelez-vous aussi que vous pouvez à tout moment lui demander de tester si la proposition de gouvernance qu’on étudie répond bien aux critères de validité d’une proposition. À savoir, que le proposeur doit pouvoir :

    • décrire une tension que la proposition réglerait pour l’un des rôles du proposeur ; et
    • partager un exemple d’une situation réelle passée ou présente illustrant cette tension ; et
    • fournir une explication raisonnable de la manière dont la proposition aurait réduit la tension dans cet exemple.

    Cf. Article 5.3.1 de la Constitution

    Autrement dit, un domaine ou une règle ne devrait être créée que si son absence causerait un tort réel à la capacité du cercle à fonctionner. Cela réduit considérablement la “dérive des domaines” — cette tendance à tout protéger, tout verrouiller, au détriment de la fluidité.

    2. La règle, et l’esprit de la règle

    Connaissez-vous le principe de la clôture de Chesterton ? On pourrait résumer cette idée de G. K. Chesterton ainsi : « Si vous trouvez une clôture sans savoir pourquoi elle est là, ne la supprimez pas avant d’avoir compris sa raison d’être. »

    Ce principe est souvent invoqué pour justifier la prudence : “on ne sait pas pourquoi cette politique existe, donc on la garde”. Comme un principe de précaution conservateur. Mais appliqué sans discernement, il fige tout changement en particulier si la raison d’être des règles et des pouvoirs de contrôle n’a pas été documentée dans le système de gouvernance.

    La solution serait de noter, pour chaque ajout d’une règle, l’esprit de la règle.

    Ainsi, des années plus tard, un cercle pourrait décider de la supprimer ou de la mettre à jour en connaissance de cause, sans crainte de “détruire quelque chose d’important”.

    Les logiciels de visualisation des holarchies ne permettent pas tous de faire cela, mais c’est une des raisons pour lesquelles j’aime beaucoup Nestr. Dans Nestr, on peut paramétrer un champ spécifique rattaché à une règle pour noter ce contexte qui indique l’esprit de la règle et ainsi faciliter son interprétation. (Ça ne se voit pas sur le site, mais l’outil Nestr est disponible en français.)

    Cela aide à la compréhension et l’appropriation des règles, c’est le premier bénéfice, et cela soutiendra l’élan d’élagage lorsque quelqu’un se rendra compte que la raison pour laquelle on s’était doté d’une règle ou d’un processus à un moment donné n’existe plus.

    3. Créer des rituels de gouvernance soustractive

    Peut-être avez-vous déjà expérimenté une “place de marché des rôles”. Cet exercice consiste en une « grande démission » de tout ou partie des rôles, en vue de repenser toutes les affectations de rôles. Cette idée permet de créer un mouvement de fond dans les organisations, à partir de l’évolution des compétences de ses membres, des élans personnels, et des besoins réels et non imaginés dans les cercles.

    De la même façon, l’exercice de la revue de rôle permet à un membre de l’organisation de passer en revue la liste de ses rôles et de se poser au passage des questions très précises sur l’interprétation des redevabilités, la clarté du domaine, la pertinence même de certains rôles.

    Ce serait une excellente pratique d’installer un rituel pour que les Leaders de Cercle procèdent au même exercice, c’est-à-dire une revue des rôles du cercle dont ils sont leader, pour se demander ce qui pourrait être retiré de la gouvernance sans rien perdre de sa précision ni de sa fonctionnalité.

    Et vous pouvez même ancrer cela dans votre gouvernance en ajoutant une redevabilité pour le Leader de Cercle, ou bien pour les facilitateurs ou le scribe, de procéder régulièrement à une revue de simplification ou d’allègement de la gouvernance.

    Même si rien n’interdit de supprimer un rôle ou une politique, peu de cercles le font vraiment. La suppression reste une initiative individuelle, rarement une pratique collective assumée.

    Je vous invite à voir cela comme un signal de la maturité d’un système de self-management, car si la pratique régulière inclut aussi de supprimer les règles ou des rôles, cela veut dire que le système va éviter la sédimentation bureaucratique de choses absurdes et obsolètes.

    Un signe de maturité organisationnelle

    Ce passage de l’addition à la soustraction traduit une évolution de la conscience collective : on cesse de voir la gouvernance comme une mécanique à perfectionner, pour la vivre comme un organisme à entretenir.

    Il ne s’agit plus de “mettre de l’ordre”, mais de préserver la vitalité — en retirant ce qui encombre, ce qui fige, ce qui ne sert plus.

    Une gouvernance mature n’est pas celle qui a tout prévu, mais celle qui respire et permet de produire de l’innovation en continu en s’appuyant sur le présent plutôt que sur la mémoire du passé.

    Pour aller plus loin

    Dennis Wittrock développe ces réflexions dans son livre Holacracy verstehen – Kritik, Wissenschaft, Praxis (Schäffer-Poeschel, 2024). Un ouvrage d’une grande finesse, qui met en dialogue les pratiques de terrain en Holacratie, les critiques universitaires avec des cadres de références comme la pensée intégrale de Ken Wilber et l’ombre de Jung.

    Et si ce livre n’est pas encore disponible en français… il se pourrait bien que ça change bientôt. Work in progress !

  • Nos expériences pour intégrer personnes Source et gouvernance en Holacracy

    Lecture : 7 minutes

    [cet article s’adresse à des leaders déjà familiers des concepts d’Holacratie et de Source, si tu en es plutôt à la découverte de ces modèles, voici quelques articles à lire avant :

    Le « principe Source » : partout où il y a un projet, il y a une « Source »

    Leadership vivant et hiérarchie naturelle : comprendre le rôle de la Source

    Qu’est-ce que l’Holacratie en 3 minutes]

    Je dirige, choisis les priorités, prends des décisions, exprime des tensions tous les jours en tant que dirigeant d’une PME. J’ai passé des années à faire ça sans cadre, puis avec l’Holacratie, et depuis quelques années en travaillant la posture de Source.

    Cet article est un témoignage de mes expériences sur la compatibilité de ces deux modèles. En résumé : c’est compatible, complémentaire, mais il reste des questions ouvertes.

    L’Holacratie donne l’ossature (règles du jeu explicites, rôles, cercles, décisions déclenchées par des tensions). La Source donne l’élan (une personne tient le champ et décide du prochain pas).

    Ce mariage fonctionne, et il manque encore une pièce : une représentation visuelle et opérationnelle vraiment pratique pour que ça vive au quotidien à l’échelle d’une organisation.

    “Source globale unique” et “autorité distribuée” ne se contredisent pas. Une source est unique sur son champ et reconnaît des sources spécifiques à l’intérieur du sien. En Holacratie, l’autorité s’exerce via des règles claires ; le Leader de cercle affecte les leaders de rôle, on peut en nommer plusieurs pour un même rôle, et on peut formaliser tout processus d’affectation en gouvernance. Les deux logiques se complètent si on inscrit explicitement la Source dans le système d’autorité.

    Tom Nixon résume bien le paradoxe fondateur à résoudre : rien ne démarre sans fondateur… et pour grandir, il faut décentraliser. Mon travail consiste à tenir ces deux vérités ensemble, sans folklore et sans dilution.

    Liens utiles pour aller plus loin en cours de lecture

    → L’art de naviguer dans le doute quand on est à la Source · Robustesse & subsidiarité · Source, hiérarchie créative & argent · 10 raisons de ne pas utiliser l’Holacratie · Culture d’entreprise & Holacratie · Polarités

    Le dilemme à résoudre : “différenciation rôle/personne” vs “source intimement liée à un individu”

    Je pose la scène telle que je la vis.

    Côté Source. Une source tient l’origine et les frontières d’un champ. Le champ est l’espace qui désigne le dedans, en négatif de ce qui ne fait pas partie du projet. Elle décide du prochain pas et reconnaît des sources spécifiques dans son champ. Cette reconnaissance est une autorité claire sur l’architecture créative du projet, sur ce qui en fait partie ou non, sur sa vision.

    Côté Holacratie. L’autorité est explicite et distribuée via une Constitution. Le Leader de cercle affecte les leaders de rôle ; une organisation peut décider en gouvernance d’un autre processus ; plusieurs personnes peuvent être leaders du même rôle, les rôles sont de la pâte à modeler qui s’adapte en continu à la vie de l’entreprise. Cela rend l’architecture lisible, transmissible, très agile, et moins dépendante des personnes.

    Une manière de distinguer les deux approches est d’imaginer qu’elles servent à regarder dans des directions différentes :

    Le plan de l’origine, là d’où viennent les intuitions, comment émerge la vision. Qui tient le champ, à quel niveau, et qui sont les sources spécifiques reconnues à l’intérieur ? La notion de hiérarchie créative (source globale → sources spécifiques) nous aide à comprendre pourquoi certaines personnes sont plus légitimes que d’autres dans leurs initiatives, indépendamment des rôles assumés.

    Le plan de la réalisation, qui se préoccupe de la réalisation concrète, de la gestion du travail à faire, de l’argent. Qui fait quoi, qui décide de quoi, qui détient quelle autorité ? Je m’appuie pour cela sur les mécanismes de l’Holacratie (affectations, gouvernance) pour que la collaboration reste fluide dans le temps.

    2) Nos trois expérimentations — ce qui a marché, ce qui a coincé

    Expérience 1 — Tenir deux cartes : l’holarchie des rôles et « le Conseil des sources »

    J’ai d’abord tenté une double cartographie. D’un côté, l’holarchie Holacratie classique dans Holaspirit : cercles, rôles, redevabilités, décisions en gouvernance. De l’autre, une holarchie des sources avec un cercle dédié, « le Conseil des sources », tenu par la source globale, et, à l’intérieur, des sources spécifiques par thème. Cette voie part d’un constat simple : un leader de cercle n’est pas toujours la source de son sujet, et l’alignement « leader de cercle = source » ne se vérifie pas partout. Tenir deux plans séparés promettait de la clarté.

    Nous avons mené une retraite d’équipe pour identifier les sujets où chacun se sentait légitime à « sentir » et à décider sur la base de ses intuitions, en assumant une part de risque. La légitimation croisée par les pairs a joué un rôle important pour permettre à certains d’assumer publiquement leur créativité sur un champ. Nous avons cartographié le tout en cercles imbriqués, en veillant à ce que chaque source spécifique soit reconnue par la source globale du champ plus large. Sur le moment, la visualisation a soulagé l’équipe et a levé des ambiguïtés de responsabilité.

    Cette structure n’a pourtant pas tenu. Sa maintenance demandait une énergie que nous n’avons pas fournie ; des collègues peinaient à s’y repérer ; la carte s’est figée, puis a cessé de vivre. Je l’ai retirée.

    L’essai reste fécond : il confirme la différence de nature entre l’architecture d’autorité (rôles) et l’architecture d’origine/légitimité (sources), et montre que vouloir gérer deux holarchies à parts égales finit souvent par l’obsolescence de l’une des deux.

    Expérience 2 — Qualifier la « source du rôle » par une échelle de maturité

    J’ai ensuite travaillé une échelle de maturité appliquée aux rôles : survie → efficacité → entrepreneur → source du rôle. L’idée : rendre visible qu’on attend, pour certains rôles, une initiative guidée par l’intuition, là où d’autres exigent surtout l’exécution rigoureuse des redevabilités. Chaque leader de cercle pouvait marquer des rôles pour expliciter cette attente.

    Ce cadre a éclairé des implicites… sans créer, à lui seul, la progression espérée. Il a surtout révélé des écarts de maturité déjà présents : des personnes facilement reconnues comme source de leur sujet, d’autres pour qui l’identification restait difficile. Nous avons abandonné la coloration des rôles, tout en gardant l’intérêt de la définition : oui, certains rôles gagnent énormément quand le titulaire devient « source du rôle » ; d’autres n’en ont pas besoin.

    Ce que ces essais m’enseignent

    D’abord, la reconnaissance demeure le pivot : une source spécifique existe par la reconnaissance explicite de la source globale, avec une portée claire et des frontières assumées. Sans cet acte, la « source spécifique » n’est qu’une étiquette. Et lorsque la source globale délègue un sous-champ, elle renonce à recevoir les intuitions de ce sous-champ et vérifie surtout la compatibilité avec la vision plus large ; symétriquement, la source spécifique reçoit ses propres intuitions et porte la responsabilité du prochain pas dans sa portion. Cette hygiène relationnelle évite une grande partie des confusions.

    Ensuite, je constate une aisance collective à identifier la source globale (valeurs, raison d’être, vision des prochains pas) et une difficulté plus grande à faire quelque chose d’opérationnel, stable et léger avec les sources spécifiques. Le terrain reste ouvert ; je continue d’expérimenter, en privilégiant des formes minimales qui n’alourdissent pas le quotidien.

    Enfin, le pont avec Holacratie existe déjà. La définition de la tension comme écart ressenti entre une réalité et un potentiel appelle une sensibilité proche de celle que je mobilise en posture de Source. Être leader de rôle, c’est prendre des initiatives pour résoudre ces écarts. Cette grammaire me permet d’articuler l’élan (prochain pas de la Source) et l’exécution (dans le rôle adéquat), tout en conservant des décisions de gouvernance dès qu’on touche à l’autorité. Je demeure attentif à ne pas mélanger les plans : l’origine et la légitimité d’un champ d’un côté ; l’autorité distribuée dans les rôles de l’autre.

    En résumé : la double carte m’a donné de la clarté puis a surchargé la maintenance ; l’échelle de maturité a donné un langage puis a montré ses limites comme levier. Je garde une règle simple : nommer les champs, identifier la source globale, reconnaître parcimonieusement des sources spécifiques avec des frontières nettes, et revenir au prochain pas qui fait avancer. Tout le reste se tisse dans l’holarchie, avec ses mécanismes d’affectation et de gouvernance.

    Ce que je retiens des deux essais

    L’Holacratie porte déjà une logique proche de la Source : un leader de rôle prend des initiatives pour résoudre des tensions (écarts perçus entre réalité et potentiel). Ce geste appelle la sensibilité ; il rejoint l’esprit du prochain pas.

    La source globale est unique sur son champ et reconnaît des sources spécifiques. Cette architecture se combine avec la distribution d’autorité par rôles si je l’inscris clairement (règles / accord relationnel).

    Nous en sommes là. Pour l’instant, aucune représentation visuelle probante, et nous continuons d’investiguer ce champ de travail !

    Expérience 3 — Le pacte d’associés : exprimer les valeurs du champ par la Source globale

    Je cherchais une manière simple d’inscrire la Source dans notre système d’autorité, sans construire une seconde carte et sans court-circuiter l’Holacratie. J’ai rédigé un pacte d’associés, qui au sens de la constitution en Holacratie est un accord relationnel contraignant entre les membres de l’équipe.

    Dans cet accord écrit, chaque membre de l’organisation reconnaît le principe de la personne Source et son autorité légitime pour exprimer et garder les valeurs du champ.

    C’est un texte court, clair, révisable, qui rend visible :

    • le champ (intention, frontières, critères d’alignement) ;
    • la Source globale et la signification de son rôle ;
    • l’articulation avec l’Holacratie.

    Effets observés

    Une boussole partagée pour trancher quand les sensibilités divergent.

    Moins de débats circulaires : la Source globale nomme les valeurs du champ.

    Une transmissibilité plus grande : les nouveaux arrivants comprennent vite “qui tient quoi” et pourquoi.

    Mais cette piste ne nous a pas aidé à transposer dans le quotidien la puissance du modèle de la Source appliqué aux sources spécifiques.

    Mon apprentissage

    Le pacte tient parce qu’il exprime la valeur du champ dans les mots de la Source globale, tout en canalisant l’élan vers l’holarchie. Il ne multiplie pas les artefacts. Il clarifie l’origine, rend partageable l’élan, et évite les confusions entre autorité distribuée et structure sans hiérarchie.

    Conclusion

    Je dirige une entreprise en Holacratie depuis des années et je travaille sur la posture de Source avec la même exigence. Mon constat est clairement que ces deux logiques se complètent merveilleusement. En tout cas, elles m’ont aidé dans mon chemin de leader.

    L’Holacratie donne une structure claire d’autorité distribuée. La Source donne l’élan, l’intuition et le prochain pas. Ensemble, elles aident une organisation à rester vivante, lisible et responsable.

    Ce que je garde de mes essais est qu’il est intéressant de nommer les champs de source qui comptent. Je m’identifie en tant que la source globale et je reconnais, quand c’est juste, des sources spécifiques à l’intérieur de ce périmètre créatif. Mais pour l’instant, il manque encore une représentation visuelle vraiment pratique. Je continue d’explorer ce point. Je cherche un schéma si clair qu’il se comprend en dix secondes et qu’il se met à jour sans effort.

    Tant que je ne l’ai pas, je préfère une visualisation frugale et des rituels sobres plutôt qu’une seconde carte qui s’épuise.

  • Comment concilier les statuts des personnes et les rôles ?

    Lecture : 16 minutes

    L’un des malentendus les plus fréquents quand une entreprise adopte l’Holacratie concerne la place des statuts des personnes. Faut-il créer un rôle “salarié” dans la gouvernance ? Un rôle “associé” ? Doit-on représenter quelque part que telle personne est mandataire social, ou membre du CODIR ? Ces questions sont récurrentes et légitimes.

    Car lorsqu’on fait l’expérience d’une gouvernance distribuée, tout ce qui échappe à l’architecture des rôles peut sembler flou, voire gênant. On cherche la cohérence et l’explicitation de toutes les attentes et responsabilités. On voudrait tout représenter. On voudrait que tout soit “dans la gouv”. Et pourtant, certains éléments de la réalité échappent, par nature, à la gouvernance en Holacratie. C’est le cas des statuts de personnes.

    Cette confusion tient au fait que dans nos habitudes organisationnelles classiques, le statut d’une personne est souvent confondu avec son “poste”. Or, en Holacratie, la notion de poste disparaît, au profit d’une structure dynamique de rôles pour décrire le travail fait par les personnes. On pourrait donc être tenté d’“encoder” le statut de salarié ou d’associé sous forme de rôle, pour ne pas le perdre de vue. Mais cela pose de nombreux problèmes que nous allons explorer.

    Cet article a pour objectif de clarifier les liens entre statuts et rôles dans une organisation fonctionnant en Holacratie, sans chercher à proposer une réponse unique. Au contraire : il s’agit d’introduire de la nuance, d’ouvrir des pistes, et de partager des pratiques concrètes issues du terrain. Car si l’Holacratie nous propose un cadre de gouvernance robuste, elle ne prétend pas absorber ou résoudre tous les héritages du droit du travail, du droit des sociétés, ou des cultures managériales.

    En d’autres termes : les statuts ne disparaissent pas avec l’Holacratie. Mais notre manière de les intégrer dans l’organisation peut évoluer. Encore faut-il distinguer ce qui relève du système juridique, de ce qui relève du système d’autorité. Et c’est là que les rôles entrent en scène.

    Rôles et statuts : deux logiques fondamentalement différentes

    L’un des fondements de la gouvernance en Holacratie, c’est la dissociation radicale entre les rôles que l’on tient dans l’organisation, et les personnes qui les tiennent. C’est cette dissociation qui permet d’éviter les conflits d’autorité implicite, les jeux de pouvoir personnels, ou les attentes non clarifiées. Pourtant, dans la réalité quotidienne d’une entreprise, les personnes arrivent toujours avec un “statut” : salarié, associé, stagiaire, indépendant, mandataire… Et cela peut brouiller les pistes si l’on n’y prend pas garde.

    Ce qu’est un rôle, en Holacratie

    Un rôle est une structure explicite, définie par trois éléments :

    • Une raison d’être (la finalité du rôle dans l’organisation),
    • Des redevabilités (les activités attendues de manière continue),
    • Éventuellement un ou plusieurs domaines (zones d’autorité exclusive).

    Ce qui rend un rôle opérationnel n’est donc pas son titre, mais les attentes qui y sont associées et la clarté sur ses limites. Ces rôles peuvent être modifiés, fusionnés, scindés, abandonnés, réaffectés — en fonction des besoins de l’organisation. Ils existent pour servir la raison d’être du cercle qui les contient.

    Extrait de la Constitution Holacracy, §1.4 :

    « Un Rôle est une entité organisationnelle que l’on peut définir avec une Raison d’Être, des Redevabilités, et des Domaines. Chaque Rôle appartient à un Cercle qui l’intègre dans sa propre gouvernance. »

    Ce qu’est un statut

    Le statut, lui, n’est pas une construction organisationnelle, mais une qualité juridique, sociale ou institutionnelle attachée à une personne. Il peut résulter :

    • d’un contrat de travail (statut de salarié),
    • d’un lien capitalistique (statut d’associé),
    • d’un pouvoir légal conféré par les statuts de l’entreprise (mandataire social),
    • ou d’un régime social particulier (freelance, intermittent, etc.).

    Un statut ne dépend pas de la gouvernance : il relève du droit du travail, du droit des sociétés, ou d’une convention contractuelle. Il détermine des responsabilités, des droits et parfois des pouvoirs que l’Holacratie ne peut ni créer, ni retirer, quand bien même l’organisation a signé une constitution.

    Les dangers de la confusion

    C’est ici que le risque apparaît : si l’on encode un statut comme un rôle, on induit l’idée que ce statut pourrait être modifié en réunion de gouvernance, ou qu’il serait soumis aux mêmes logiques d’évolution qu’un rôle classique.

    Par exemple :

    • Créer un rôle “Salarié” donnerait à penser qu’on pourrait devenir ou cesser d’être salarié par une simple affectation ou sortie du rôle, ou encore qu’on pourrait tout à fait modifier ce rôle dans un simple processus de gouvernance — ce qui est faux.
    • Donner une redevabilité “Signer les comptes annuels” à un rôle sans préciser qu’il faut être mandataire légal pour le faire crée une ambiguïté.

    En résumé : un rôle est gouvernable, un statut ne l’est pas. Il est donc essentiel de garder cette distinction claire, pour ne pas ouvrir la porte à des dérives de pouvoir ou à des incohérences juridiques.

    Dans l’absolu, il serait possible d’encoder aussi la règle qui précise que certains rôles écrits dans l’holarchie ne sont pas gouvernables, mais cela pose vraiment la question de la lisibilité d’un tel design de cercles et rôles. Serait-ce réellement au service de plus de clarté dans l’organisation ?

    Plusieurs organigrammes coexistent… et c’est normal

    Lorsqu’une organisation adopte l’Holacratie, elle remplace généralement un organigramme pyramidal par une structure de rôles organisée en cercles. C’est un changement profond, souvent libérateur. Mais il ne faut pas pour autant croire que l’organigramme holacratique remplace toutes les autres cartographies de l’organisation. En réalité, plusieurs types d’organigrammes coexistent, et c’est non seulement normal, mais souhaitable.

    L’organigramme fonctionnel, en cercles et rôles (la “gouvernance”)

    C’est la cartographie créée et maintenue par les règles du jeu de l’Holacratie. Elle décrit :

    • qui détient quelle autorité opérationnelle,
    • comment les rôles sont articulés en cercles,
    • les domaines protégés,
    • les redevabilités explicites de chaque rôle.Cette structure évolue en fonction des tensions de terrain, lors des réunions de gouvernance. Elle est vivante, distribuée, et centrée sur la raison d’être.

    L’organigramme RH, une hiérarchie de personnes

    C’est l’organigramme pyramidal si bien connu depuis la nuit des temps, qui présente une structure de personnes, rangées par ordre hiérarchique au sens où certaines personnes ont un lien de subordination avec d’autres.

    Quoi que l’on pense philosophiquement de cette idée de la subordination, la pyramide managériale au sens RH du terme existe bel et bien à partir du moment où une entreprise embauche des salariés. Un salarié a un supérieur hiérarchique qui a autorité pour signer avec lui les évolutions de son contrat de travail. La pyramide hiérarchique RH subsiste, même après l’adoption de l’Holacratie ; aucune entreprise ne peut s’extraire de ses devoirs d’employeur vis-à-vis du droit.

    Dans bien des cas, les leaders de cercle ne sont pas forcément les supérieurs hiérarchiques des leaders de rôles qui détiennent un rôle dans le cercle. La cohabitation des organigrammes fonctionnels et hiérarchiques est donc bien utile pour garder de la clarté sur les différences qui existent parfois entre une répartition des responsabilités fonctionnelles et hiérarchiques au sens RH.

    L’organigramme juridique

    Il s’agit ici d’un autre plan : celui des statuts légaux. On y trouve :

    • les mandataires sociaux (gérant, président, DG),
    • les associés, avec leurs droits de vote et leur capital,
    • les salariés, avec leurs contrats et leur protection sociale,
    • les indépendants, avec leurs relations contractuelles spécifiques.Cet organigramme est figé par le droit. Il ne peut pas être modifié par une réunion de gouvernance. Pourtant, il a des effets très concrets sur la vie de l’entreprise : responsabilité pénale, représentation légale, droit au chômage, etc.

    L’organigramme des personnes (et de l’informel)

    Ce plan est souvent implicite. Il comprend :

    • les relations interpersonnelles,
    • les affinités naturelles ou historiques,
    • les figures de leadership informel,
    • les perceptions de pouvoir non déclarées.Même dans un système de rôles, les personnes restent présentes, avec leur charisme, leur histoire, leur place dans le collectif. Ces dynamiques ne sont pas mauvaises en soi, mais il est utile de les rendre visibles pour mieux les comprendre. Pour autant, nous ne sommes pas forcément outillés pour représenter visuellement un tel organigramme.

    L’organigramme de la Source

    Certaines organisations, notamment celles qui s’inspirent des travaux de Peter Koenig ou de Stefan Merckelbach ou Tom Nixon, reconnaissent aussi un autre plan de structuration : celui de la Source. La Source est ici comprise comme la personne à l’origine du projet, qui continue à porter la vision profonde du projet et de ses valeurs.

    Ce plan n’a pas toujours de traduction juridique, ni de reconnaissance dans la gouvernance en Holacratie. Mais il a une influence réelle. Parfois, ce que nous appelons « tension » est en fait un frottement entre les choix d’un rôle… et l’intuition de la Source.

    Il serait certainement complexe de dessiner encore un autre organigramme pour différencier les Sources des leaders de cercles, mais la différence fondamentale entre cette structure de sources et celle des rôles et des cercles réside dans le fait que la source est intrinsèquement liée à une personne, là où en Holacratie la structure fonctionnelle repose précisément sur une distinction du rôle et de la personne.

    Assumer la coexistence, plutôt que chercher l’unification

    Vouloir forcer tous ces plans à coïncider, c’est créer des confusions ou des rigidités. Le vrai enjeu n’est pas d’unifier tous les organigrammes, mais d’apprendre à naviguer consciemment entre eux, en connaissant les limites et les possibilités propres à chacun. En Holacratie, on peut s’appuyer sur la gouvernance pour répartir des rôles fonctionnels. Mais cela ne nous dispense pas de prendre en compte les contraintes du droit, les dynamiques humaines, et parfois la légitimité d’une personne Source.

    Ce que l’Holacratie ne transforme pas

    L’Holacratie est un système de gouvernance. Elle permet de distribuer le pouvoir de manière explicite et évolutive à travers des rôles. Mais elle ne prétend pas remplacer les autres systèmes d’autorité existants dans une entreprise. En particulier, elle n’annule pas le droit du travail, le droit des sociétés, ni les réalités contractuelles ou institutionnelles.

    Le domaine du droit reste entier

    Dans une organisation en Holacratie, les personnes continuent d’avoir :

    • des contrats de travail qui définissent leur statut de salarié (ou non),
    • des liens capitalistiques qui font d’elles des associés, avec les droits qui en découlent,
    • parfois des mandats sociaux, qui leur confèrent une responsabilité légale envers les tiers (banque, URSSAF, tribunal, etc.).

    Aucun de ces éléments n’est encodé dans la Constitution Holacracy, et pour cause : ils relèvent d’un autre système d’autorité. Ils ne peuvent pas être modifiés par une décision de cercle. Il serait donc dangereux de faire comme si la gouvernance pouvait les absorber ou les transformer.

    Une gouvernance n’a pas le pouvoir de licencier, d’embaucher ou de nommer un mandataire

    Même si un cercle peut créer un rôle “Recrutement” avec la redevabilité “mener les entretiens d’embauche”, cela ne signifie pas que ce rôle peut juridiquement conclure un contrat de travail. Il faudra qu’une personne ayant la capacité juridique d’engager l’entreprise (souvent un mandataire social) signe ce contrat.

    De même, la gouvernance ne peut pas, à elle seule :

    • désigner ou révoquer un mandataire social,
    • exclure un associé,
    • négocier une rupture conventionnelle.Ces décisions nécessitent l’intervention de personnes physiques habilitées par d’autres règles que celles de la Constitution de l’Holacratie : les statuts juridiques de la société, le Code du travail, ou les pactes d’associés.

    Ce que cela signifie concrètement

    Cela ne veut pas dire que ces sujets doivent être mis “hors sol” ou seraient tabous. Cela veut dire qu’ils doivent être traités avec une clarté sur leur nature. Une bonne pratique consiste à se poser la question suivante :

    Cette autorité est-elle conférée par la gouvernance ? Ou bien par un contrat, un statut légal, une convention collective, ou un acte juridique ?

    Si c’est le second cas, il est inutile (voire dangereux) d’encoder cette autorité dans un rôle. Cela peut générer une illusion d’autonomie, ou une confusion des responsabilités — avec potentiellement des conséquences juridiques graves. D’ailleurs le préambule de la constitution précise bien que :

    « […] les Ratificateurs transfèrent leur pouvoir de gouverner et de diriger l’Organisation aux règles et processus décrits dans cette Constitution, à l’exception toutefois de tout pouvoir sur lequel les Ratificateurs n’ont pas autorité. »

    Comment représenter les statuts sans les fausser

    Même si les statuts ne relèvent pas de la gouvernance en Holacratie, il peut être utile de les rendre visibles dans l’organisation — à condition de ne pas les confondre avec des rôles. L’enjeu est de cartographier sans gouverner, de signaler sans créer d’illusion de contrôle. Autrement dit : représenter sans encoder.

    Voici plusieurs approches testées sur le terrain, avec leurs forces et leurs limites.

    1. Utiliser des rôles “non gouvernables” dans un cercle dédié

    Certaines organisations choisissent de créer un cercle spécial (par exemple : “Cercle des statuts”) dans lequel figurent des rôles comme :

    • “Salarié”
    • “Associé”
    • “Mandataire social”Ces rôles n’ont pas de raison d’être fonctionnelle, ni de redevabilités. Ils servent simplement de marqueurs symboliques ou juridiques. Ils ne sont pas destinés à être modifiés ou attribués via la gouvernance. Ils sont là à titre informatif. Pour éviter les malentendus, il est crucial d’accompagner cette pratique d’une note explicative : Ces rôles ne sont pas gouvernables, ne peuvent être ni fusionnés ni scindés, et ne confèrent aucune autorité opérationnelle.

    2. Utiliser des codes couleur ou des icônes dans l’outil de gouvernance

    Certains outils comme Holaspirit permettent d’ajouter des métadonnées ou des badges sur les personnes :

    • une pastille bleue pour les salariés,
    • une pastille verte pour les associés,
    • une couronne pour les mandataires sociaux.C’est simple, visuel, non intrusif. Et cela n’introduit pas de confusion dans la gouvernance. On peut même envisager un fichier externe (Notion, wiki, etc.) pour référencer ces informations de manière distincte.

    3. Gérer les statuts en dehors du système de rôles

    Une autre option consiste à ne rien représenter dans la gouvernance, mais à faire apparaître les statuts :

    • dans un annuaire interne,
    • dans un document de référence juridique,
    • dans les procédures RH ou administratives.C’est particulièrement adapté si l’organisation veut éviter toute hybridation entre le juridique et la gouvernance. On trace ici une frontière nette : la gouvernance sert à gérer le travail, le reste est traité ailleurs.

    4. Ce qu’il faut éviter : encoder un statut comme un rôle fonctionnel

    Par exemple :

    • créer un rôle “Associé·e” avec la redevabilité “voter en AG”,
    • créer un rôle “Mandataire” avec le domaine “représentation légale de l’entreprise”,
    • ou encore créer un rôle “Salarié” et y rattacher toutes les fonctions RH.Ce genre de confusion est risqué. Elle peut donner à penser que la gouvernance peut retirer ou réattribuer un statut, ou encore qu’un rôle confère un pouvoir qu’il n’a pas. Cela affaiblit à la fois la clarté juridique et la solidité du système en Holacratie.

    Trois cas à part : salarié, associé, mandataire

    Tous les statuts ne soulèvent pas les mêmes enjeux dans une organisation en Holacratie. Certains, comme celui de salarié, interfèrent avec des fonctions RH ou de management. D’autres, comme celui d’associé, touchent à la propriété et à la gouvernance juridique. Enfin, le mandataire social est un statut particulièrement délicat.

    Le statut de salarié

    Il s’apparente à un accord relationnel au sens de l’article 2.4 de la constitution. Il implique des obligations unilatérales de l’employeur (protection sociale, subordination…) et des attentes implicites de type “mon manager doit valider”.

    • À éviter : Créer un rôle “salarié” ou “employé” dans un cercle.
    • À faire : Créer un rôle RH en gouvernance avec des redevabilités précises (ex. : “mettre à jour les contrats de travail”), définir des règles claires (ex. : “tout recrutement doit être validé par un rôle ayant le domaine ‘signature de contrat’”).

    Le statut d’associé

    Être associé, c’est détenir une part du capital. Le piège fréquent est d’en faire un statut de pouvoir implicite (“puisque je suis associé, je dois valider ça”), ce qui brouille la lisibilité.

    • À faire : Gérer les engagements comportementaux dans un pacte d’associés ou des accords relationnels hors de la gouvernance Holacratie. Séparer les droits attachés au capital de l’autorité fonctionnelle.

    Le statut de mandataire social

    Le mandataire représente légalement l’entreprise. Ce n’est pas un rôle affectable dans un cercle.

    • À éviter absolument : Affecter ce statut via une décision de gouvernance ou croire qu’un rôle “Président” permet de signer les comptes sans habilitation légale.
    • À faire : Créer un cercle “Mandat social” contenant des rôles opérationnels délégués (ex. : “Préparer l’AG”). Documenter dans un fichier externe qui sont les mandataires et leurs pouvoirs.

    Posture, engagements, comportements : et si ce n’était pas une affaire de rôles ?

    Dans la pratique, de nombreuses tensions viennent d’un flou sur les postures attendues. La gouvernance en Holacratie n’est pas toujours le bon outil pour les traiter.

    Le piège : vouloir tout encoder dans des rôles

    Créer des redevabilités subjectives (“être exemplaire”) pose problème car elles ne sont pas gouvernables et confondent rôle et personne. La gouvernance sert à organiser le travail, pas à dire qui est une “bonne personne”.

    L’alternative : les accords relationnels

    Mieux vaut passer par des accords explicites hors du système de rôles (chartes relationnelles, pactes d’associés). Ils ne sont pas gouvernables, mais discutables. Ils vivent dans l’espace de la relation.

    Et si l’on veut poser des contraintes d’affectation ?

    Il est possible de créer des règles dans le cercle posant des contraintes objectives sur les affectations (ex. : “seuls les associés peuvent tenir ce rôle”). Mais cela ne peut jamais modifier le statut juridique de la personne.

    « Seul un Leader de Cercle peut affecter ou désaffecter un Rôle au sein du Cercle, à moins que le Cercle n’ait délégué le contrôle de l’affectation des Rôles à un autre Rôle ou processus. Une règle peut encadrer davantage le processus d’affectation ou de désaffectation de Rôle. » (Constitution Holacracy, §1.4.1)

    Ne pas corréler rôles, salaires et statuts : un enjeu de clarté

    Lier untel a le rôle “X” $\rightarrow$ donc il a tel salaire introduit une rigidité dangereuse. Les rôles ne sont pas des postes. Ils n’impliquent aucun engagement de durée ni contrepartie financière directe.

    Les effets pervers d’une corrélation directe

    Les personnes s’attachent émotionnellement à leurs rôles, il devient difficile de les scinder (vécu comme une perte de pouvoir) et le lien entre création de valeur réelle et rémunération se brouille.

    Des alternatives plus saines

    1. Dissocier explicitement rôle et rémunération : Le salaire dépend d’un système RH distinct (séniorité, contribution globale).
    2. Créer un rôle RH dédié à la rémunération.
    3. Documenter les règles de rémunération en dehors de la gouvernance (charte salariale).

    Conclusion — Clarifier sans tout vouloir gouverner

    Adopter l’Holacratie, ce n’est pas effacer l’histoire ou le droit. C’est apprendre à distinguer les espaces. Dans une organisation, il y a des rôles gouvernables et des statuts non gouvernables. L’Holacratie n’est pas un outil pour tout absorber, mais un outil pour clarifier qui fait quoi, pourquoi, et dans quel cadre d’autorité. C’est une boussole pour la complexité.

  • Expérimenter l’Holacratie dans l’Armée Suisse, un pari peu courant !

    Lecture : 5 minutes

    Comment une équipe a transformé son organisation sans imposer le cadre, mais en le révélant par la pratique.

    « Nous avons réduit nos réunions de quatre heures à une heure, sans perte d’efficacité. L’information circule mieux, les décisions sont prises plus vite, et surtout, chacun sait enfin qui fait quoi. » — Alexandre Julien Robatel

    Mettre en place l’Holacratie dans une institution militaire ? L’idée peut sembler paradoxale. Pourtant, c’est bien ce qu’a entrepris Alexandre Julien Robatel, Chef planification, finances et contrôle de gestion et Suppléant chef d’état-major au sein de l’Armée Suisse. Son approche : ne pas imposer un modèle, mais accompagner son équipe à le découvrir par l’expérimentation. Un an après, les résultats parlent d’eux-mêmes : une organisation plus fluide, une autonomie accrue, et des réunions transformées.

    Retour sur une transition étonnante et inspirante menée par un tempérament d’explorateur !

    Un changement nécessaire pour une équipe en mutation

    Quand Alexandre prend la direction de son équipe en janvier 2024, il hérite d’un mode de fonctionnement très hiérarchisé :

    « À mon arrivée, l’équipe fonctionnait en vase clos, avec une culture de contrôle très forte. Je devenais le chef d’une équipe en place depuis de nombreuses années. »

    Un tiers de l’équipe approche l’âge de la retraite et des habitudes de travail sont ancrées. Alexandre, en étant nommé à la tête de cette équipe, voit là une opportunité : plutôt que d’imposer immédiatement un nouveau système, il décide de poser un regard neuf sur les pratiques existantes.

    Observer avant d’agir : un rapport d’étonnement décisif

    Avant de prendre la moindre décision, Alexandre adopte une posture d’observation. Pendant un mois, il prend des notes sur tout ce qui le surprend, ce qui fonctionne et ce qui pourrait être amélioré. Il synthétise ses constats dans un « rapport d’étonnement » et le partage à son équipe.

    « Je n’ai pas cherché à juger. J’ai simplement mis en évidence ce qui m’a marqué : les doublons, les lenteurs administratives, les silos de communication… C’était très important pour moi de faire ce travail avec impartialité ! »

    Ce rapport crée une première onde de choc, mais pose surtout les bases de la future démarche de transformation.

    Démarrer sans dire « Holacratie » : une expérimentation guidée

    Plutôt que d’annoncer un changement radical, Alexandre engage son équipe dans une série d’expérimentations. Pendant un mois, il leur demande de répertorier l’ensemble de leurs activités quotidiennes sur un grand tableau dans leur bureau commun. Au bout d’un mois, Alexandre a de la matière pour commencer le travail de clarification du “Qui fait quoi ?”.

    « Je n’ai pas parlé d’Holacratie au départ. J’ai commencé par cartographier les activités de chacun et à les structurer en cercles. En simultané, j’ai demandé à chaque membre de l’équipe de choisir un rôle à formaliser dans cette cartographie. »

    L’équipe joue le jeu. Rapidement, les rôles émergent naturellement, et chacun se réapproprie ses missions.

    « On a découvert qu’on avait des tâches en double, que certaines étaient délaissées faute de clarté. Faire ce constat était très intéressant. »

    Petit à petit, Alexandre introduit les rituels de réunion et les principes de gouvernance distribuée, sans jamais imposer un cadre rigide.

    « On a mis en place des réunions tactiques, mais au début, on les appelait juste ‘tables rondes’. On a structuré les prises de décision, mais on a gardé des mots familiers. Je voulais que l’équipe découvre l’intérêt du système avant de lui mettre une étiquette. »

    Des résultats concrets : réunions plus courtes, décisions plus fluides

    L’impact est très rapide. Les réunions, qui duraient quatre heures, sont réduites à une heure.

    « Avant, les gens arrivaient en réunion et racontaient leur semaine. Maintenant, on ne garde que l’essentiel : les blocages, les décisions à prendre, les actions prioritaires. Et surtout, chacun sait pourquoi il est là et ce qu’il peut apporter. »

    L’équipe se prend au jeu. Chacun devient acteur de la gouvernance, les tensions se résolvent plus vite et les responsabilités sont clarifiées.

    Une contagion positive au-delà de l’équipe

    Le changement dépasse rapidement le cadre du service d’Alexandre.

    « Nous avons commencé à proposer la réunion tactique aux équipes avec lesquelles nous collaborons. Cela demande un peu de temps de mise en place, mais une fois la pédagogie installée, cela permet d’essaimer cette culture agile et pragmatique. »

    Son supérieur hiérarchique s’y intéresse à son tour et décide d’élargir l’expérimentation à d’autres unités.

    « L’Holacratie n’a pas été imposée par la hiérarchie, elle s’est diffusée parce qu’elle était utile. Nous avons d’ailleurs décidé d’élargir la démarche en faisant intervenir Sémawé lors d’une journée de sensibilisation. »

    L’humain au cœur de la transformation

    Ce qui frappe dans cette histoire, c’est l’impact humain du changement. Les profils seniors qui auraient pu être réticents deviennent des moteurs du projet :

    « Deux collègues proches de la retraite ont décidé de tester les rôles de scribe ou facilitateur avec enthousiasme, une autre collaboratrice a décortiqué la Constitution Holacracy ! »

    De même, une jeune collaboratrice à temps partiel, initialement sceptique, s’est révélée être un leader naturel.

    « Elle me disait : ‘Moi, je suis à 50 %, je ne peux pas être leader’. Je lui ai répondu que son pourcentage d’activité n’avait rien à voir avec sa légitimité. Aujourd’hui, elle pilote un cercle et prend des décisions clés. »

    Ou encore certains talents révélés.

    “Parmi les plus jeunes, des talents ont émergé car ces personnes ont compris qu’elles pouvaient proposer des choses. Elles sont désormais reconnues dans leur domaine d’expertise par le reste de l’organisation.”

    Un modèle agile pour une institution rigide ?

    Loin des clichés sur la rigidité militaire, cette transformation prouve qu’il est possible de réconcilier autonomie et discipline.

    « Nous n’avons pas mis en place l’Holacratie pour ‘faire moderne’. Nous l’avons mise en place parce que ça répondait à un besoin concret : mieux s’organiser, mieux collaborer, mieux décider sans passer par tous les échelons hiérarchiques. »

    Ce qu’on peut retenir de cette transition réussie

    1. L’expérimentation avant la théorie : L’équipe a découvert l’intérêt de la méthode avant qu’on lui mette un nom.
    2. Des bénéfices visibles rapidement : Réunions plus courtes, décisions plus claires, responsabilités mieux réparties.
    3. Un impact humain fort : Les talents émergent quand on leur laisse la place de s’exprimer.
    4. Une diffusion naturelle : Le modèle se propage parce qu’il est efficace, pas parce qu’il est imposé.
  • Alter Si : 3 ans d’Holacracy et un regard lucide sur sa transformation

    Lecture : 5 minutes

    « L’Holacratie nous a permis d’accélérer la prise de responsabilité et l’initiative, mais il nous reste des défis à relever »

    Chez ALTER SI, cela fait maintenant près de trois ans que l’Holacratie structure l’organisation. Un choix qui ne doit rien au hasard : dès la création de l’entreprise, Thomas Delacourt, fondateur, savait qu’il voulait un modèle de gouvernance partagée. Pourquoi ? Comment s’est passée la transition ? Et quels enseignements tirer de ces trois années de pratique ? Rencontre avec un dirigeant engagé, qui revient avec lucidité sur son expérience.

    Un modèle de gouvernance pensé dès la création

    Avant même de lancer ALTER SI, Thomas savait qu’il voulait une entreprise fonctionnant en SCOP (Société Coopérative et Participative). Mais une coopérative n’est pas nécessairement synonyme de gouvernance partagée. Il explique :

    “La SCOP pose un cadre à long terme : qui détient l’entreprise, comment sont répartis les bénéfices, comment est élu le dirigeant… Mais en dehors de cela, tout est possible. On peut très bien avoir une SCOP avec un modèle de management totalement pyramidal. On peut imaginer un gérant autocrate qui est réélu à chaque fois. Ce n’est pas ce que je voulais.”

    Lui cherchait un modèle qui permette un fonctionnement coopératif au quotidien, où chacun a une voix et une responsabilité claire. Pour Thomas, il ne s’agit pas seulement d’un choix organisationnel, mais d’un véritable engagement philosophique.

    “L’entreprise est l’un des lieux où se joue le pouvoir dans notre société. C’est un espace où l’on passe la majorité de nos journées, et pourtant, dans la plupart des cas, le modèle dominant ressemble à une oligarchie. Un petit nombre décide pour tous. Ce n’est pas un fonctionnement qui me convient.”

    Son attachement à la coopération ne date pas d’hier. Il utilise la métaphore du sport collectif, comme le football :

    “Dans une équipe, chacun a un rôle clé au service du collectif. L’arrière-droit ne peut pas décider de regarder la balle rouler sans réagir. Tout le monde est impliqué.”

    Pour lui, cette approche est une condition essentielle pour s’épanouir en tant qu’entrepreneur.

    “Si mon équipe m’avait dit : ‘Non, on veut une organisation hiérarchique, avec un dirigeant qui décide de tout’, je n’aurais pas accepté. Pour moi, ce n’est pas négociable dans mon projet entrepreneurial.”

    C’est en explorant les alternatives qu’il découvre l’Holacratie :

    “Je suis tombé dessus via le MOOC de l’Université du Nous sur la gouvernance partagée. Puis j’ai lu Reinventing Organizations de Frédéric Laloux et j’ai creusé le sujet. Ce qui m’a plu, c’est que l’Holacratie propose un cadre structuré, avec des outils concrets et actionnables. Contrairement à d’autres approches, c’est un système déjà pensé, clé en main, avec la possibilité d’être accompagné dans sa mise en œuvre.”

    La rencontre avec Sémawé confirme son choix.

    “Ce n’était pas forcément l’Holacratie ou rien, mais en discutant avec Sémawé, j’ai vu que cette méthode répondait précisément à notre besoin de clarté et de répartition explicite des responsabilités.”

    Les premiers pas : entre continuité et nouvelles habitudes

    Dès le début, l’implémentation de l’Holacratie n’a pas été un choc culturel trop brutal.

    “Nous avons démarré avec une formation de praticien, puis un séminaire de mise en place qui transposait notre organisation existante dans un cadre holacratique. On n’a pas tout bouleversé du jour au lendemain et surtout ça collait déjà plutôt bien avec notre fonctionnement.”

    Cela a permis une continuité rassurante, tout en introduisant des changements concrets. L’un des plus visibles ? L’adoption des réunions tactiques :

    “On s’est mis à structurer nos réunions différemment. La tactique est devenue un rituel. Aujourd’hui, chacun sait ce qu’il vient chercher et ce qu’il peut apporter.”

    Autre changement fondamental : la répartition explicite des rôles.

    “Avant, il y avait des choses qui étaient implicites. Des gens prenaient en charge certaines tâches, mais ce n’était pas formalisé. L’Holacratie a mis ça noir sur blanc : qui fait quoi, et avec quelle autorité. On a gagné en clarté.”


  • Les systèmes de management de l’autonomie et les personnes neuroatypiques : une révolution à échelle humaine

    Lecture : 7 minutes

    Dans mon métier, je rencontre souvent des dirigeants et managers qui cherchent à mieux structurer leur organisation, à renforcer l’autonomie de leurs équipes ou encore à gérer des tensions relationnelles. Mais il y a un sujet qui reste rarement abordé de front : la diversité cognitive, et en particulier la neuroatypie.

    Et si les défis auxquels votre organisation fait face étaient en réalité des opportunités cachées ? Trop souvent, les talents les plus précieux passent inaperçus ou peinent à s’exprimer, enfermés dans des cadres de travail mal adaptés. C’est le cas des personnes neuroatypiques, mais pas seulement. Les modèles classiques de management — rigides, flous ou trop informels — montrent leurs limites face à la complexité croissante des organisations modernes.

    Le besoin d’autonomie, de clarté et de bien-être est désormais une attente partagée par toutes les générations au travail. Pourtant, beaucoup d’entreprises continuent de fonctionner avec des méthodes inadaptées, au détriment de leur efficacité et de leur capacité à innover.

    Il existe pourtant des solutions. Et elles ne profitent pas qu’à une minorité. En adoptant des systèmes inclusifs et structurés, comme l’Holacratie, il est possible de transformer radicalement son organisation. Non seulement pour inclure davantage, mais aussi pour mieux performer. Cet article explore pourquoi et comment.

    Les défis des modèles traditionnels face à la neurodiversité

    Dans mon expérience, la neurodiversité est un sujet rarement abordé ouvertement dans les organisations. Pourtant, elle est omniprésente. Les personnes neuroatypiques, qu’il s’agisse de troubles du spectre autistique, de TDA/H, de dyslexie ou d’autres profils cognitifs, représentent environ 10 % des collaborateurs. C’est énorme. Mais faute de cadre adapté, leurs talents restent souvent invisibles, étouffés par la nécessité de se sur-adapter.Image de Neurodiversity spectrum diagram

    Cette sur-adaptation, je l’ai vue de près : elle consomme une énergie considérable. Ces collaborateurs passent un temps démesuré à essayer de s’intégrer dans des environnements conçus pour une norme qu’ils ne partagent pas. Ils se heurtent à des codes implicites, à des interactions floues, ou encore à des attentes mal formulées. Cela génère du stress, de l’épuisement et parfois même un désengagement total.

    Et ce problème ne touche pas que les neuroatypiques. Les modèles classiques, avec leur rigidité ou leur manque de structure, finissent par peser sur tout le monde. Qui n’a jamais souffert d’une réunion interminable et mal cadrée, ou d’un rôle flou où personne ne sait exactement qui fait quoi ? Ces dysfonctionnements, fréquents, freinent la productivité et dégradent le climat de travail.

    Pourtant, il suffit parfois de quelques ajustements bien pensés pour transformer ces défis en opportunités. Et c’est précisément ce que permettent des systèmes de management inclusifs et structurés. Ils apportent de la clarté, du calme et un cadre propice à l’épanouissement de tous, neuroatypiques ou non. Toute l’énergie qui n’est pas dépensée en sur-adaptation peut être orientée vers beaucoup plus de création de valeur et de bien-être. Dans la suite de cet article, je vais vous montrer comment.

    Une solution : des systèmes inclusifs et performants

    Dans ma pratique, j’ai vu combien des systèmes comme l’Holacratie peuvent transformer une organisation. Contrairement à ce que certains imaginent, ces modèles ne sont pas réservés à une minorité ou à un type spécifique d’entreprise. Ils apportent une structure claire et adaptable, bénéfique à tous.

    L’Holacratie repose sur des principes simples mais puissants : une constitution pour donner des règles du jeu managérial, un organigramme fractal et réaliste qui décrit exactement qui est responsable de quoi, et des méthodes de décisions intégratives.

    Ces outils ne sont pas abstraits. Ils changent concrètement la manière de travailler. J’ai vu des équipes gagner en sérénité grâce à des réunions où tout le monde sait ce qui est attendu, des managers dégager du temps pour diriger efficacement, et des collaborateurs retrouver de l’autonomie et du plaisir à contribuer.

    Des exemples concrets de transformation

    J’aime m’appuyer sur des faits tangibles, et c’est précisément ce que l’Holacratie permet : des changements concrets, visibles, et ressentis par tous dans l’organisation.

    • Des réunions apaisées : Les réunions tactiques, avec leur processus bien défini, apportent une structure claire. Chez nous, les discussions chaotiques ou interminables ont laissé place à des échanges efficaces, où chacun sait ce qu’on attend de lui. Cette clarté est particulièrement précieuse pour les profils neuroatypiques, souvent perturbés par des interactions floues ou des interruptions intempestives.
    • Des rôles clarifiés : Au sein de notre équipe, chaque membre connaît ses responsabilités et celles des autres. Cette répartition explicite évite les doubles emplois ou les malentendus. Résultat : moins de frustrations, plus de fluidité, et une autonomie renforcée pour tous.
    • Une gestion apaisée des tensions : Plutôt que de laisser les problèmes s’accumuler ou de les traiter dans l’urgence, nous utilisons un cadre formel pour les aborder dès qu’ils surgissent. Cette approche favorise l’écoute et la résolution proactive, tout en désamorçant les conflits latents. C’est un soulagement, autant pour les neuroatypiques que pour le reste de l’équipe.

    Inclusion universelle : une opportunité, pas une contrainte

    Ce qui me frappe avec les systèmes inclusifs, comme l’Holacratie, c’est qu’ils ne se limitent pas à répondre aux besoins des minorités. Ils améliorent le quotidien de tout le monde. C’est un effet d’entraînement positif que j’ai observé à plusieurs reprises.

    Prenez l’exemple des rampes d’accès. À l’origine conçues pour les fauteuils roulants, elles profitent aussi aux parents avec poussettes ou aux livreurs chargés de colis. L’Holacratie fonctionne de la même manière : des outils qui permettent d’inclure la diversité cognitive permettent aussi à l’ensemble de l’équipe de mieux fonctionner.

    Inclure n’est pas une contrainte. C’est une manière de révéler les talents cachés, d’encourager l’innovation, et de bâtir des organisations résilientes.

    Premiers pas pour transformer votre organisation

    Je sais que se lancer dans une transformation organisationnelle peut sembler intimidant. Pourtant, il n’est pas nécessaire de tout révolutionner d’un coup.

    Voici quelques pistes concrètes pour amorcer cette transformation :

    1. Posez les bonnes questions : Quels aspects de votre organisation mériteraient d’être repensés pour s’adapter aux défis actuels ? Quels atouts souhaitez-vous préserver à tout prix ?
    2. Identifiez un leader du changement : Toute transformation a besoin d’un porteur de vision prêt à incarner ce projet.
    3. Testez des outils simples : Commencez par expérimenter un ou deux outils clés, comme des réunions structurées ou une formalisation des tensions.
    4. Participez à un atelier ou un séminaire : Rien ne vaut une expérience immersive pour poser les bases d’une transformation réussie.

    La pédagogie Montessori : une inspiration universelle

    Un parallèle éclairant peut être fait avec la pédagogie Montessori. À l’origine, cette méthode a été conçue pour accompagner des enfants en situation de handicap mental. Mais ses principes — favoriser l’autonomie, respecter les rythmes individuels, structurer un cadre clair — se sont avérés bénéfiques pour tous.

    L’Holacratie fonctionne de manière similaire. Ce qui a été pensé pour répondre à des besoins spécifiques des entreprises qui veulent développer le self-management, s’est révélé incroyablement efficace pour améliorer la dynamique globale des équipes.

    Une opportunité !

    En adoptant des systèmes inclusifs, vous créez plus qu’un environnement de travail fonctionnel : vous posez les bases d’une culture d’autonomie, de clarté et de confiance.

    Chaque pas vers un management plus clair et inclusif est un investissement dans la résilience et l’efficacité de votre organisation. Chez Sémawé, nous croyons fermement que des pratiques comme l’Holacratie sont non seulement des réponses aux défis de l’inclusion, mais aussi des catalyseurs de performance collective.