Catégorie : Management

  • Ce que votre colère dit de vous : et si c’était votre « Ombre » qui pilotait ?

    En tant qu’accompagnante des transformations organisationnelles, je suis régulièrement amenée à coacher des individus, dirigeants, managers, collaborateurs.

    De façon récurrente dans ces accompagnements, apparaissent des zones d’agacement, des situations relationnelles qui se rigidifient et des doutes qui s’installent chez mon coaché « Ai-je vraiment le droit d’être en colère ? Est-ce normal de sentir un tel agacement ? »

    Bonne nouvelle la réponse est oui c’est tout à fait courant et ce n’est pas une question d’avoir le droit ou pas. Il s’agit plutôt de prendre un temps de recul pour faire le tri en soi…


    L’illusion du « c’est la faute de l’autre »

    Il y a des jours où tout semble légitime : votre colère contre ce collègue « trop lent », votre agacement viscéral face à ce manager « arrogant », ou votre mépris pour ce collaborateur « désorganisé ». Sur le moment, le diagnostic est simple : l’autre est le problème.

    Pourtant, dans mon métier, j’observe un phénomène récurrent : plus la réaction émotionnelle est disproportionnée, moins elle parle de l’autre, et plus elle parle de vous. C’est ici qu’entre en scène un concept clé de C.G. Jung, popularisé par les travaux de Jean Monbourquette : l’Ombre.

    Carl Gustav Jung (1875-1961) était un psychiatre suisse influent et le fondateur de la psychologie analytique ; il a révolutionné la compréhension de l’inconscient en introduisant des concepts tels que l’inconscient collectif, les archétypes et, précisément, l’Ombre.

    Jean Monbourquette (1933-2011), prêtre et psychologue québécois, s’est inspiré de la pensée jungienne pour créer des outils de croissance personnelle accessibles, devenant une référence mondiale dans l’accompagnement du deuil, du pardon et de l’estime de soi à travers ses best-sellers comme Apprivoiser son ombre.

    Qu’est-ce que l’ombre ?

    L’Ombre, c’est tout ce que vous avez refoulé en vous pour être « une personne bien ». C’est la remise au grenier de vos parts jugées inacceptables par votre éducation, votre culture ou votre milieu professionnel. Comme le souligne Monbourquette, plus on cache son ombre, plus elle prend de la puissance et cherche à sortir par la projection : nous percevons chez les autres ce que nous refusons de voir en nous-mêmes.

    Les trois visages de l’ombre : Identifiez la vôtre

    Pour Monbourquette, l’ombre n’est pas monolithique. Elle se présente sous trois formes distinctes :

    1. L’Ombre Individuelle : Vos propres « défauts » refoulés. Exemple : Le manager bourreau de travail qui déteste la paresse des autres car il s’interdit tout repos.
    2. L’Ombre Collective : Ce qu’un groupe (entreprise, famille, nation) refoule.
      Exemple : Une entreprise qui prône l’innovation mais méprise secrètement l’échec. L’ombre devient alors une culture du blâme qui étouffe toute créativité.
    3. L’Ombre Dorée : Elle contient vos talents, votre génie et votre puissance que vous n’osez pas incarner par peur de « faire de l’ombre » aux autres.
      Exemple : Admirer l’aisance d’un orateur alors que vous possédez ce talent, mais le gardez enfoui.

    Les conséquences de l’ombre ignorée : le coût invisible

    Ne pas mettre de conscience sur son ombre laisse un pilote automatique saboter votre efficacité :

    • La Rumination Mentale : L’ombre non reconnue tourne en boucle, consommant une énergie cognitive massive.
    • Le Verrouillage des Relations : La projection crée des murs. Vous ne voyez plus l’être humain, mais une caricature de votre propre défaut refoulé.
    • La Somatisation : L’effort permanent pour maintenir le grenier fermé crée des tensions physiques réelles (maux de dos, migraines, épuisement).

    Faire le tri : colère légitime ou ombre projetée ?

    • La colère Saine : Elle est centrée sur un fait. Elle vise à protéger une valeur. Elle est « propre », s’exprime fermement et s’arrête dès que la situation est adressée.
    • L’ombre : Elle est obsessionnelle. Elle s’accompagne de jugements de valeur (« il est nul »). Elle dure longtemps et vous « colle à la peau ».

    Pourquoi la transformation organisationnelle réveille-t-elle l’ombre ?

    C’est le point critique pour tout dirigeant qui lance une transition (vers l’Holacratie par exemple). Le changement est un puissant activateur d’ombre. Pourquoi ? Parce que transformer l’organisation, c’est changer les règles du jeu.

    • Les structures rassurantes disparaissent,
    • L’implicite doit devenir explicite,
    • Les zones de pouvoir floues sont mises en lumière.

    Dans ce moment de vulnérabilité collective, les greniers s’ouvrent. Ce que l’on arrivait à cacher dans l’ancien système (un besoin de contrôle, une peur de l’initiative, une difficulté à dire non) explose soudainement à la figure des collègues. La transformation organisationnelle ne crée pas les tensions, elle révèle les ombres qui étaient déjà là, mais que la bureaucratie masquait. Sans un travail sur l’ombre, le nouveau système de gouvernance sera utilisé comme une arme pour servir des projections individuelles.

    Que puis-je espérer de meilleur si je prends conscience de mon ombre ?

    À quoi sert ce travail de discernement ? C’est une quête de robustesse. En faisant la paix avec votre ombre, vous pouvez espérer :

    • Une liberté totale : Vous ne réagissez plus de manière compulsive aux provocations. Vous reprenez les commandes.
    • Un leadership magnétique : Un leader qui assume son ombre est « entier ». Sa vérité sécurise ses équipes.
    • L’accès à votre ombre dorée : C’est la voie vers un déploiement de vos talents sans précédent.

    Conclusion
    Oser regarder son grenier

    Jean Monbourquette disait qu’apprivoiser son ombre est un acte d’humilité, mais surtout un acte de liberté. Pour un leader, c’est le passage clé vers une maturité réelle.

    La prochaine fois qu’une personne vous « hérisse » au point de vous faire perdre votre calme, ne demandez pas : « Qu’est-ce qu’il a fait de mal ? ». Demandez-vous : « Quelle part de moi est en train de s’agiter dans mon grenier ? ».
    Il pourrait bien s’agir de votre ombre qui se réveille.

    Si vous avez envie d’en savoir plus et d’être accompagné, je serai ravie de vous y aider !

  • Aliocha Iordanoff au TEDx Pointe à Pitre

    Comment l’Holacratie dépasse le paradoxe du pouvoir ?

    Lecture : 2 minutes

    Réinventer la gouvernance d’entreprise : liberté, agilité et holacratie

    « Comment faire de votre entreprise un modèle d’agilité et d’autonomie ? »

    Voilà la question qui a été la porte d’entrée d’Aliocha en octobre 2024 pour son tout premier talk, dans l’exigeant format du TEDx à Pointe-à-Pitre.

    Dans ce talk inspirant, découvrez comment l’Holacratie transforme la manière dont les organisations s’adaptent et évoluent. Aliocha dévoile les pratiques managériales innovantes mises en place chez Sémawé, véritable laboratoire de l’innovation managériale, pour libérer la créativité et redonner à chacun la capacité de contribuer pleinement.

    À travers une approche structurée, il explique comment ce modèle résout le paradoxe entre verticalité et horizontalité, permettant à l’organisation de combiner structure et liberté.

    Ce talk vous offre des clés concrètes pour repenser votre gouvernance et donner une nouvelle impulsion à votre entreprise dans un monde en perpétuel changement.

    L’équipe TEDx Pointe à Pitre

    « Courtes, percutantes, émouvantes, les conférences TED, en bouleversant les codes de la prise de parole en public, permettent de faire circuler les idées qui changent le monde. » — Chris Anderson, Directeur de TED Conférences.1

    Le TEDx Pointe à Pitre est un formidable événement organisé localement grâce aux bénévoles et à l’Effet Papillon.

  • Le grand répertoire : 18 modèles managériaux pour transformer l’entreprise

    Lecture : 17 minutes

    Changer la façon dont une organisation fonctionne, c’est un peu comme se lancer dans une grande expédition. On sait où l’on veut aller – plus d’agilité, de collaboration, de sens – mais les chemins pour y parvenir sont souvent flous, semés d’obstacles, et parfois pavés de mauvaises interprétations. Des mots comme « Holacratie », « Sociocratie », ou « entreprise libérée » reviennent souvent dans les discussions, mais ils sont parfois mal compris, voire déformés. Cela crée des attentes imaginaires et, bien souvent, des déceptions.

    Avec cette série d’articles, notre ambition est simple : clarifier, démystifier et inspirer. Chaque concept clé du nouveau management que nous explorons est une boussole potentielle, capable de transformer une organisation en profondeur, à condition de bien comprendre ce qu’il peut – ou ne peut pas – apporter.

    Ce guide synthétique, conçu comme une vue d’ensemble, vous accompagne dans l’exploration de ces 18 concepts. Que vous soyez curieux d’en savoir plus ou à la recherche de solutions pour réinventer votre gouvernance, ce tour d’horizon vous donnera des clés pour mieux naviguer dans un univers où les modes et les buzzwords manquent parfois de solutions concrètes.

    Comme Sémawé fonctionne en Holacratie, nous pourrons dire pour chaque concept en quoi cela diffère ou ressemble aux principes de l’Holacratie. Nous assumons le parti pris subjectif avec lequel nous regardons ces systèmes, car nous savons que notre propre expérience détermine beaucoup comment nous percevons le monde.

    Vue d’ensemble sur les concepts

    1. Holacratie

    Créée en 2004, l’Holacratie est un système de gouvernance qui repose sur une constitution open source diffusée sous licence CC-by-SA. Elle définit des règles claires pour répartir l’autorité et les responsabilités dans une entreprise. Ce modèle unique allie la rigueur des structures hiérarchiques à la flexibilité des aspirations horizontales, garantissant ainsi une organisation à la fois fonctionnelle et efficiente. Avec environ 1500 entreprises l’ayant adoptée à travers le monde, l’Holacratie est reconnue pour ses mécanismes innovants : des rôles bien définis, des cercles interconnectés et des processus robustes pour la prise de décision. Elle répond au double enjeu de structure et d’agilité, crucial pour les organisations modernes.

    À la manière des statuts types qu’on peut utiliser lorsqu’on crée une entreprise, la constitution de l’Holacratie est un kit générique adaptable et modifiable à chaque entreprise qui veut s’en servir. Cela présente l’avantage de faire gagner beaucoup de temps et de profiter de l’expérience des autres organisations qui ont défriché cette voie !

    • Carte des organisations en Holacratie
    • Participer à une journée de découverte de l’Holacratie
    • Voir une étude de cas d’adoption de l’Holacratie

    2. Gouvernance partagée

    Une approche développée et promue notamment par l’Université du Nous, qui désigne un ensemble de pratiques et de principes permettant à un groupe de prendre des décisions collectivement. Contrairement à l’Holacratie, la gouvernance partagée n’est pas fondée sur une constitution formelle ou un cadre universel, mais offre une flexibilité qui permet aux organisations de co-construire leurs propres processus. Concrètement, elle s’appuie sur des outils structurés pour partager le pouvoir décisionnel, encourager une participation active et renforcer la responsabilisation collective. Elle vise à équilibrer les aspirations individuelles et collectives tout en s’écartant des modèles hiérarchiques.

    3. Sociocratie

    La sociocratie est un modèle de gouvernance qui repose sur le consentement, les cercles décisionnels et les doubles liens. Elle a été formalisée au XXe siècle par Gerard Endenburg, un ingénieur néerlandais, pour renforcer la collaboration et l’efficacité dans les organisations. Le principe central est le consentement : les décisions sont prises lorsque personne n’a d’objection raisonnable. Les cercles semi-autonomes sont interconnectés par des membres qui jouent un rôle de liaison, assurant la cohérence entre les niveaux de l’organisation.

    La sociocratie n’est pas une absence de structure ou de hiérarchie : bien qu’elle valorise la participation collective, elle repose sur des rôles et des processus clairement définis. Elle ne se limite pas non plus à un simple outil de prise de décision démocratique : c’est un cadre global qui régit l’organisation, la responsabilité et l’interaction entre les membres. Adaptable et inclusif, ce modèle est souvent utilisé dans des structures coopératives ou associatives, mais il inspire également des entreprises cherchant à renforcer leur démocratie interne.

    4. Gouvernance cellulaire

    La gouvernance cellulaire est une approche émergente inspirée des systèmes biologiques, où chaque unité d’une organisation fonctionne comme une cellule autonome et interdépendante. S’appuyant en partie sur les principes de la constitution de l’Holacratie, elle reprend les notions de rôles, de cercles et de distribution de l’autorité, mais l’a modifiée en intégrant une vision plus organique et adaptative.

    Dans ce modèle, les cellules disposent de leur propre autorité pour prendre des décisions tout en restant alignées avec le reste de l’organisation grâce à des mécanismes de coopération. Contrairement à l’Holacratie, la gouvernance cellulaire soutient un véritable parti pris de mettre de l’horizontalité dans l’organisation, et de supprimer les mécanismes de hiérarchie. Elle ne cherche pas à imposer un contrôle centralisé, mais favorise des interactions fluides et une résilience collective.

    5. Organisation opale

    L’entreprise opale, un concept popularisé par Frédéric Laloux dans son ouvrage Reinventing Organizations, décrit une nouvelle étape d’évolution des organisations. Ce modèle repose sur trois piliers fondamentaux : l’autogestion, la plénitude et un but évolutif.

    L’autogestion remplace les hiérarchies traditionnelles par des processus collaboratifs où chacun peut contribuer selon ses compétences. La plénitude invite à intégrer toutes les dimensions de l’individu au travail, en valorisant l’authenticité et l’épanouissement personnel. Enfin, le but évolutif se concentre sur la raison d’être de l’organisation, vue comme une entité vivante qui s’adapte et évolue au gré des changements de son environnement.

    Contrairement à des modèles purement structurels comme l’Holacratie, l’entreprise opale met davantage l’accent sur la transformation culturelle et humaine, ce qui peut représenter un défi dans des contextes où les résistances au changement sont fortes. Elle reste une source d’inspiration majeure pour les organisations cherchant à réconcilier performance et humanité.

    6. Entreprise libérée

    Un concept parfois galvaudé, où le focus est mis sur la suppression des contraintes pour favoriser la créativité. L’entreprise libérée, concept popularisé par Isaac Getz et Brian Carney, vise à redonner aux employés une liberté totale dans la manière de s’organiser et de travailler. Le rôle du dirigeant, dans ce modèle, est de créer un environnement où les collaborateurs peuvent prendre des décisions en toute autonomie, sans les contraintes d’une hiérarchie rigide.

    Ce concept repose sur l’idée que la suppression des règles inutiles et des processus bureaucratiques libère le potentiel créatif et productif des équipes. Il ne s’agit pas d’un modèle dénué de structure : l’entreprise libérée nécessite un cadre clair, basé sur la confiance, pour fonctionner efficacement.

    Contrairement à l’Holacratie ou à la Sociocratie, l’entreprise libérée ne propose pas de méthodologie formalisée. Elle s’appuie davantage sur une transformation culturelle, où le leadership est centré sur le soutien et l’inspiration. Ce modèle a inspiré de nombreuses organisations, mais son application dépend fortement de la vision et de l’engagement des dirigeants.

    7. Perma entreprise

    La permaentreprise, concept inspiré de la permaculture, transpose les principes de durabilité, d’équilibre et de résilience au monde des affaires. Ce modèle invite les organisations à fonctionner comme des écosystèmes, où chaque élément est optimisé pour collaborer harmonieusement avec les autres tout en respectant les ressources disponibles.

    Les principes clés de la perma-entreprise incluent une gestion attentive des ressources humaines et matérielles, la création de cycles vertueux et une vision à long terme. Contrairement à des modèles purement économiques, elle met l’accent sur l’impact environnemental et sociétal, cherchant à générer de la valeur non seulement pour l’entreprise mais aussi pour son environnement.

    En comparaison avec l’Holacratie, la perma-entreprise met davantage l’accent sur l’impact écologique et sociétal, alors que l’Holacratie se concentre principalement sur la structure organisationnelle et la répartition des rôles. Par ailleurs, les deux modèles partagent une approche systémique, mais la perma-entreprise intègre explicitement des principes éthiques et écologiques dans sa gouvernance.

    8. Leadership distribué

    Le leadership distribué est une approche dans laquelle la fonction de leadership n’est pas concentrée dans les mains d’une seule personne ou d’un groupe restreint, mais partagée à travers toute l’organisation. Chaque individu, selon son rôle et son expertise, peut exercer un leadership dans un domaine particulier.

    Ce modèle repose sur la confiance mutuelle et la responsabilisation, permettant à chacun de prendre des décisions éclairées sans attendre de directives hiérarchiques. En s’éloignant des schémas traditionnels de pouvoir, le leadership distribué favorise une prise de décision plus rapide et mieux adaptée aux réalités locales.

    Le concept a été initialement formalisé par James P. Spillane, Richard Halverson et John B. Diamond dans les années 2000, dans le cadre de leurs recherches sur la gestion scolaire. Depuis, il a été étendu à d’autres contextes organisationnels, mettant l’accent sur une gouvernance collaborative et une prise de décision collective.

    Comparé à l’Holacratie, qui formalise les rôles et les processus décisionnels, le leadership distribué offre une approche plus fluide et informelle, où les responsabilités émergent de manière naturelle selon les besoins de l’organisation. Ce modèle est particulièrement adapté aux environnements complexes et en évolution rapide, où l’agilité et la collaboration sont essentielles.

    9. Management Montessori

    Le management Montessori s’inspire des principes éducatifs de Maria Montessori pour les appliquer au monde du travail. Ce modèle met l’accent sur l’autonomie, la confiance et la responsabilisation des individus, en créant un environnement qui favorise l’apprentissage continu et la collaboration naturelle.

    L’idée centrale est de considérer chaque collaborateur comme un individu capable de s’auto-diriger, tout en bénéficiant d’un cadre structuré qui stimule sa créativité et son engagement. Les managers jouent un rôle de guides ou de facilitateurs, plutôt que de directeurs autoritaires, en veillant à ce que chaque membre de l’équipe ait les ressources nécessaires pour évoluer dans un contexte bienveillant et performant.

    Comparé à l’Holacratie, qui se concentre sur la structuration des rôles et des processus, le management Montessori met davantage l’accent sur le développement personnel et l’adaptabilité des individus. Ce modèle est particulièrement adapté aux organisations cherchant à concilier performance et épanouissement individuel.

    Exemples d’entreprises :

    • Clinitex : Thierry Pick s’est inspiré des principes Montessori pour imaginer un « management par l’appétence ».
    • My Human Kit : une organisation qui applique les principes Montessori pour favoriser l’autonomie et la créativité au sein de ses équipes de fabrication collaborative.
    • Living School : une école et entreprise éducative inspirée de la pédagogie Montessori, intégrant ses principes dans la gestion interne.
    • La Ruche qui dit Oui ! : qui favorise l’auto-organisation des équipes locales tout en créant des cadres structurants, dans un esprit Montessori.

    10. Organisation auto-organisée

    Une organisation auto-organisée est davantage une direction qu’un modèle. Elle repose sur l’autonomie des équipes pour prendre des décisions et gérer leurs responsabilités sans intervention hiérarchique directe. Ce type d’organisation met l’accent sur la confiance, la responsabilité individuelle et collective, et la capacité des équipes à se structurer selon leurs besoins.

    Les principes clés incluent une redistribution du pouvoir, des rôles flexibles, et des processus d’ajustement continu pour répondre aux défis en temps réel. L’auto-organisation ne signifie pas l’absence de cadre : elle nécessite des accords explicites, des outils collaboratifs, et des principes partagés pour fonctionner efficacement.

    Comparée à l’Holacratie, qui formalise les processus décisionnels à travers des rôles et des cercles, l’organisation auto-organisée est souvent plus informelle et émergente. C’est une approche particulièrement adaptée aux environnements dynamiques où l’agilité et l’innovation sont essentielles.

    11. Agilité organisationnelle

    L’agilité organisationnelle est la capacité d’une entreprise à s’adapter rapidement et efficacement aux évolutions de son environnement, qu’elles soient technologiques, économiques ou sociales. Elle s’appuie sur les principes fondateurs du “Manifeste Agile”, qui énonce 4 heuristiques clés :

    1. Donner la priorité aux individus et à leurs interactions plutôt qu’aux processus et outils.
    2. Produire des résultats fonctionnels plutôt que de la documentation exhaustive.
    3. Collaborer avec le client plutôt que de s’en tenir strictement aux contrats.
    4. Répondre au changement plutôt que de suivre un plan rigide.

    Les principes de l’agilité organisationnelle incluent :

    • Une orientation client forte, où les besoins du marché dictent les priorités.
    • Des équipes multidisciplinaires autonomes capables de prendre des décisions rapides.
    • Des cycles courts d’expérimentation et d’apprentissage pour ajuster les stratégies.

    Inspirée par les méthodologies agiles issues du développement logiciel, cette approche est appliquée à l’échelle de l’organisation entière pour maximiser la résilience et la compétitivité. Comparée à des modèles comme l’Holacratie, qui structure les interactions et les rôles de manière formelle, l’agilité organisationnelle met davantage l’accent sur l’adaptation continue et l’amélioration itérative des pratiques.

    L’Holacratie, bien qu’inscrite dans la filiation de l’agilité, va plus loin en intégrant le sujet de l’autorité et des règles. Là où l’agilité met l’accent sur la flexibilité et l’innovation, l’Holacratie fournit un cadre structuré pour clarifier les autorités décisionnelles, permettant aux organisations d’évoluer avec des mécanismes de gouvernance explicites.

    Elle est particulièrement prisée dans les secteurs en constante évolution, comme la tech, où des entreprises comme Spotify et ING Bank ont adopté des cadres d’agilité organisationnelle pour transformer leurs opérations.

    [Image showing traditional vs agile organizational model]

    12. Organisation fractale

    L’organisation fractale est davantage une métaphore qu’un modèle formalisé. Inspirée des principes mathématiques des fractales, elle suggère que chaque unité d’une organisation reflète la structure et les valeurs de l’ensemble, comme dans un système naturel ou biologique.

    Les organisations qui adoptent cette approche visent à créer des unités autonomes et connectées, capables de fonctionner indépendamment tout en contribuant à la vision ou aux objectifs globaux.

    Les caractéristiques principales incluent :

    • Autonomie locale : chaque unité (ou fractale) peut gérer ses propres opérations selon les besoins locaux.
    • Réplication des principes : les valeurs fondamentales et les processus clés sont reproduits dans toutes les unités.
    • Flexibilité et adaptabilité : les unités peuvent évoluer ou se réorganiser en fonction des changements de l’environnement.

    Cependant, ce concept ne dispose pas de cadre normatif ou de méthodologie universelle. Il s’agit d’une inspiration, souvent utilisée dans des contextes complexes et dynamiques pour stimuler la résilience et l’innovation. On peut qualifier l’Holacratie de système organisationnel fractal.

    Je reprends donc là où nous en étions pour votre Article 13, afin de vous fournir la version intégrale, fidèle et nettoyée du long article sur les paradigmes du management.


    13. Management 3.0 (suite)

    Les 6 vues principales du Management 3.0 incluent :

    1. Aligner les contraintes : définir un cadre clair et des objectifs partagés.
    2. Développer les compétences : favoriser l’apprentissage et l’évolution des individus.
    3. Autonomiser les équipes : donner aux collaborateurs le pouvoir de décision.
    4. Faire grandir la structure : optimiser les interactions au sein de l’organisation.
    5. Améliorer tout en continu : encourager les cycles d’apprentissage et d’amélioration.
    6. Favoriser les relations : construire un environnement de travail basé sur la confiance et le respect mutuel.

    Le Management 3.0 ne propose pas de modèle spécifique pour les organigrammes ou la répartition des autorités. Contrairement à des approches comme l’Holacratie, qui structure la gouvernance à travers des rôles et des cercles définis, cette méthode laisse une liberté totale aux organisations pour adapter leur structure selon leurs besoins. Elle met davantage l’accent sur les dynamiques humaines, la motivation des équipes et l’amélioration continue.

    Comparé à l’Holacratie, qui formalise fortement les processus et la gouvernance, le Management 3.0 est plus informel et centré sur les dynamiques humaines. Là où l’Holacratie structure les rôles, le Management 3.0 propose des outils pratiques pour renforcer la motivation et l’engagement des équipes.

    14. Sociocratie 3.0

    La Sociocratie 3.0 (S3) est un cadre de collaboration et de gouvernance évolutif, conçu pour aider les organisations à devenir plus agiles, résilientes et centrées sur l’humain. Elle combine des éléments de la Sociocratie traditionnelle, des méthodologies agiles et des pratiques Lean, tout en restant hautement adaptable aux besoins spécifiques des équipes et des organisations.

    Les principes clés de S3 incluent :

    • Consentement pour les décisions : les décisions sont prises lorsqu’il n’y a pas d’objections majeures, ce qui favorise une prise de décision rapide et inclusive.
    • Articulation des tensions : les tensions, perçues comme des opportunités d’amélioration, sont utilisées pour guider les évolutions de l’organisation.
    • Patrons (patterns) : un ensemble de pratiques réutilisables et flexibles, permettant aux équipes de résoudre des problèmes spécifiques tout en respectant leurs contextes uniques.

    Contrairement à d’autres cadres comme l’Holacratie, la Sociocratie 3.0 n’est pas une marque déposée. Elle est diffusée sous une licence Creative Commons Free Culture License, ce qui permet une utilisation libre et une adaptation ouverte. Cette approche favorise une appropriation décentralisée et encourage les utilisateurs à partager et modifier les ressources selon leurs besoins.

    De plus, S3 peut être perçue comme un recueil d’outils d’intelligence collective. À travers ses patterns, elle propose des solutions pratiques et flexibles pour renforcer la collaboration, résoudre des tensions et faire évoluer les pratiques organisationnelles. Des organisations dans des secteurs tels que la technologie, l’éducation et les ONG utilisent déjà S3 pour améliorer leur gouvernance et renforcer leur collaboration.

    15. Entreprise humaniste

    L’entreprise humaniste place les valeurs humaines et l’épanouissement des individus au cœur de sa stratégie et de son fonctionnement. Ce concept repose sur l’idée que la performance économique et le bien-être des collaborateurs sont interdépendants, et qu’une organisation prospère lorsqu’elle valorise la dignité, la diversité et la créativité de ses membres.

    Les principes fondamentaux incluent :

    • Respect de l’individu : chaque personne est considérée dans sa globalité, avec ses besoins, aspirations et contraintes.
    • Leadership bienveillant : les dirigeants se concentrent sur l’accompagnement, l’écoute et le soutien des collaborateurs.
    • Impact sociétal positif : l’entreprise cherche à contribuer au bien commun, au-delà de ses objectifs économiques.

    Des auteurs comme Jacques Lecomte, auteur de “Les entreprises humanistes”, et Isaac Getz, co-auteur de “L’entreprise altruiste”, ont largement contribué à développer et diffuser ce concept. Ils insistent sur l’interconnexion entre bienveillance, efficacité et impact sociétal positif. Le travail de Frédéric Laloux, dans “Reinventing Organizations”, et les idées de Viktor Frankl sur la recherche de sens ont également influencé cette approche.

    Comparée à des modèles comme l’Holacratie ou la Sociocratie, l’entreprise humaniste ne propose pas un cadre normatif ou des processus spécifiques. Elle met plutôt l’accent sur une transformation culturelle et sur les comportements qui favorisent une organisation harmonieuse et performante. Des entreprises comme Danone ou Patagonia se revendiquent de cette philosophie, en mettant en avant des pratiques qui allient rentabilité et respect des valeurs humaines.

    16. Self-management

    Le self-management ou auto-gestion, désigne une approche où les individus et les équipes sont pleinement autonomes pour organiser leur travail, prendre des décisions et gérer leurs responsabilités, sans dépendre d’une hiérarchie traditionnelle. Cette méthode repose sur la confiance mutuelle, la responsabilisation et des cadres clairs pour garantir la cohérence.

    Les caractéristiques clés incluent :

    • Prise de décision décentralisée : les collaborateurs prennent des décisions localement, en fonction de leur expertise et de leurs rôles.
    • Transparence : un accès équitable à l’information pour permettre à chacun de comprendre le contexte et les priorités.
    • Responsabilisation individuelle : chaque membre est pleinement engagé dans ses missions et assume les conséquences de ses choix.

    Comparé à l’Holacratie, qui fournit une structure explicite pour organiser les rôles et les cercles, le self-management est moins formalisé et davantage centré sur l’autonomie individuelle et collective. Ce concept s’inscrit également dans une vision d’épanouissement au travail, où les employés sont encouragés à innover et à collaborer librement. Des entreprises comme Morning Star, célèbre pour sa structure sans managers, ou Buurtzorg, un réseau d’infirmiers autogérés, sont des exemples de mise en œuvre réussie du self-management.

    17. Doctrine sociale de l’Église

    La doctrine sociale de l’Église est un ensemble de principes et de réflexions développés par l’Église catholique pour guider les interactions sociales, économiques et politiques selon une perspective éthique et humaniste. Ce cadre s’appuie sur des textes fondamentaux comme les encycliques papales (Rerum Novarum de Léon XIII, Quadragesimo Anno de Pie XI, et Laudato Si’ de François) et propose des principes applicables à la vie en société.

    Les principes clés incluent :

    • Dignité de la personne humaine : chaque individu est doté d’une valeur inaliénable et doit être respecté dans toutes ses dimensions.
    • Bien commun : les structures sociales et économiques doivent être orientées vers le bien collectif et non uniquement vers des intérêts individuels.
    • Subsidiarité : les décisions doivent être prises au niveau le plus proche des personnes concernées, tout en garantissant un soutien approprié des niveaux supérieurs.
    • Solidarité : la coopération entre les individus et les communautés est essentielle pour construire une société juste et équitable.

    Des organisations en France s’inspirent explicitement de ces principes :

    • Les Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens (EDC) : un réseau de chefs d’entreprise catholiques qui promeut une gestion basée sur les valeurs de la doctrine sociale de l’Église.
    • La Nef : une coopérative financière éthique qui soutient des projets respectueux des personnes et de l’environnement.
    • Fondation Jean Rodhain : dédiée à des initiatives sociales et solidaires, alignées sur les principes de justice sociale et de dignité humaine.

    Comparée à des concepts comme l’entreprise humaniste, la doctrine sociale de l’Église apporte une dimension explicitement spirituelle et éthique, intégrant une vision transcendante des responsabilités humaines.

    18. L’entreprise régénératrice

    L’entreprise régénératrice, parfois appelée entreprise régénérative, est un concept émergent qui va au-delà de la durabilité en cherchant activement à régénérer les écosystèmes, les communautés et les ressources qu’elle impacte. Inspirée des principes de la régénération naturelle et de la permaculture, elle vise à avoir un effet net positif sur l’environnement et la société.

    Les caractéristiques principales incluent :

    • Régénération écologique : restaurer ou améliorer les écosystèmes naturels par des pratiques respectueuses et innovantes.
    • Impact sociétal positif : soutenir les communautés locales, réduire les inégalités, et favoriser un bien-être collectif durable.
    • Économie circulaire : repenser les modèles économiques pour éliminer les déchets et maximiser la réutilisation des ressources.

    Comparée à des concepts comme la perma-entreprise ou l’entreprise humaniste, l’entreprise régénératrice met un accent encore plus fort sur la restauration active et proactive des systèmes naturels et sociaux. Elle ne cherche pas seulement à limiter les impacts négatifs, mais à générer des bénéfices mesurables pour son environnement global. Des entreprises comme Patagonia ou Interface sont souvent citées comme des exemples de démarches régénératives, grâce à leurs engagements environnementaux et leurs initiatives pour restaurer les écosystèmes affectés par leurs activités.

    Comparaison générale et interconnexions

    Bien que ces concepts partagent des objectifs communs comme l’autonomie, la résilience ou la collaboration, ils diffèrent dans leurs approches et leurs mises en œuvre. Par exemple, la Sociocratie et l’Holacratie sont souvent comparées, mais elles divergent sur les mécanismes de prise de décision.

    Ce tableau comparatif vous aidera à visualiser les différences et similitudes entre ces notions. (Audit à venir).

    Guide pour choisir le bon cadre

    Il n’existe pas de solution universelle. Le choix d’un cadre dépend de plusieurs facteurs :

    • La taille de votre organisation.
    • Votre culture d’entreprise actuelle.
    • Vos objectifs stratégiques.
    • Le niveau d’engagement de vos équipes.

    En cas de doute, Sémawé propose un diagnostic personnalisé pour vous aider à identifier l’approche la mieux adaptée.

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  • Et si on rendait les entretiens 360° vraiment utiles ?

    Lecture : 4 minutes

    Chez Sémawé, on aime les processus et les outils… quand ils servent la relation plutôt que de l’abîmer. Et s’il y a bien un outil qui mérite d’être revisité, c’est celui de l’entretien 360°.

    Trop souvent vécu comme un bilan d’image — parfois cruel, parfois inutile — le 360° peut devenir un moment clé de clarification, de leadership et de reliance. À condition d’en revoir la philosophie et la mise en œuvre.

    Le 360°, ce qu’il devrait être (et ce qu’il n’est souvent pas)

    À l’origine, le feedback 360° est une méthode d’évaluation croisée : collaborateurs, collègues, managers (parfois même clients) sont invités à formuler un retour sur la manière dont une personne exerce son rôle.

    C’est une belle idée. Mais dans les faits, on voit souvent :

    • des questionnaires impersonnels remplis à la va-vite ;
    • des retours anonymes malveillants ou trop flous pour être utiles ;
    • des managers mis en posture d’accusés, priés de “se remettre en question” sans dialogue ;
    • un livret de 12 pages… qui finit dans un tiroir.

    Notre conviction : un bon feedback ne se mesure pas à sa quantité, mais à sa capacité à faire grandir. Et pour cela, il faut changer de posture, pas seulement de format.

    Un 360° incarné, dans le dialogue, responsabilisant

    Nous accompagnons les entretiens 360° comme des moments d’ajustement entre la perception que j’ai de moi et celle que les autres ont de moi. Ce sont des espaces vivants, parfois puissants, parfois subtils, toujours fertiles — à condition d’être bien guidés.

    Voici ce qui change dans notre approche :

    • Le manager est actif, pas passif. Il se prépare, il formule des questions, il devient acteur du processus.
    • Les retours ne sont pas anonymes et bruts, mais contextualisés, parfois partagés dans un cadre sécure, avec un processus si besoin.
    • Le cœur du processus, c’est la relation. L’entretien devient une occasion de se dire des choses qu’on ne se dit jamais. Avec justesse et profondeur, avec honnêteté finalement !

    Nous intégrons aussi la dimension appréciative, inspirée de la reconnaissance des talents, pour que l’entretien ne se limite pas à « corriger des défauts », mais éclaire ce que chacun rend possible autour de lui quand il est à son meilleur.

    Quelques questions puissantes

    Un avant-goût de la méthode, avec quelques questions qui changent la dynamique.

    Pour le manager, en amont :

    • « Qu’est-ce que j’aimerais mieux comprendre dans la façon dont je suis perçu ? »
    • « À quoi je veux vraiment contribuer dans mon rôle ? »
    • « Quel type de feedback me ferait progresser, même s’il est difficile à entendre ? »
    • « Qu’est-ce que je ne voudrais surtout pas que l’on dise de moi ? »

    Pour les répondants (collaborateurs, pairs, responsables) :

    • « Dans quelles situations cette personne exprime-t-elle son plein potentiel ? »
    • « Quel trait ou quelle posture gagnerait à être plus assumé ou plus visible ? »
    • « Quelle habitude de management pourrait être ajustée pour avoir plus d’impact ? »

    Mais le plus important, ce n’est pas la question, c’est le cadre dans lequel elle est posée : la posture d’écoute, la qualité de présence, la sécurité psychologique.

    Le 360° ne sert à rien… s’il n’est pas ancré dans une culture managériale vivante

    Un bon 360° ne devrait jamais être un acte isolé. Il devient puissant quand il s’inscrit dans une trajectoire :

    • Une culture de feedback régulier et sincère,
    • Un travail de fond sur la culture managériale,
    • Une explicitation des postures de leadership considérées comme responsables.

    Notre métier, chez Sémawé, ce n’est pas d’appliquer un protocole. C’est d’aider les dirigeants et les équipes à utiliser les bons outils pour ouvrir les bonnes conversations, au bon moment. Et ça, ça ne se fait pas avec un PDF de 30 pages, mais avec du discernement, du savoir-être, et parfois un bon coach à ses côtés.

    Vous préparez une vague d’entretiens 360° dans votre entreprise ?

    C’est l’occasion d’en faire un levier d’autonomie, de robustesse managériale et de clarté partagée !

    Nous accompagnons les dirigeants, DRH et managers dans la préparation, la facilitation et le suivi de ces processus, dans le respect du vivant de chaque organisation.


  • Comment concilier les statuts des personnes et les rôles ?

    Lecture : 16 minutes

    L’un des malentendus les plus fréquents quand une entreprise adopte l’Holacratie concerne la place des statuts des personnes. Faut-il créer un rôle “salarié” dans la gouvernance ? Un rôle “associé” ? Doit-on représenter quelque part que telle personne est mandataire social, ou membre du CODIR ? Ces questions sont récurrentes et légitimes.

    Car lorsqu’on fait l’expérience d’une gouvernance distribuée, tout ce qui échappe à l’architecture des rôles peut sembler flou, voire gênant. On cherche la cohérence et l’explicitation de toutes les attentes et responsabilités. On voudrait tout représenter. On voudrait que tout soit “dans la gouv”. Et pourtant, certains éléments de la réalité échappent, par nature, à la gouvernance en Holacratie. C’est le cas des statuts de personnes.

    Cette confusion tient au fait que dans nos habitudes organisationnelles classiques, le statut d’une personne est souvent confondu avec son “poste”. Or, en Holacratie, la notion de poste disparaît, au profit d’une structure dynamique de rôles pour décrire le travail fait par les personnes. On pourrait donc être tenté d’“encoder” le statut de salarié ou d’associé sous forme de rôle, pour ne pas le perdre de vue. Mais cela pose de nombreux problèmes que nous allons explorer.

    Cet article a pour objectif de clarifier les liens entre statuts et rôles dans une organisation fonctionnant en Holacratie, sans chercher à proposer une réponse unique. Au contraire : il s’agit d’introduire de la nuance, d’ouvrir des pistes, et de partager des pratiques concrètes issues du terrain. Car si l’Holacratie nous propose un cadre de gouvernance robuste, elle ne prétend pas absorber ou résoudre tous les héritages du droit du travail, du droit des sociétés, ou des cultures managériales.

    En d’autres termes : les statuts ne disparaissent pas avec l’Holacratie. Mais notre manière de les intégrer dans l’organisation peut évoluer. Encore faut-il distinguer ce qui relève du système juridique, de ce qui relève du système d’autorité. Et c’est là que les rôles entrent en scène.

    Rôles et statuts : deux logiques fondamentalement différentes

    L’un des fondements de la gouvernance en Holacratie, c’est la dissociation radicale entre les rôles que l’on tient dans l’organisation, et les personnes qui les tiennent. C’est cette dissociation qui permet d’éviter les conflits d’autorité implicite, les jeux de pouvoir personnels, ou les attentes non clarifiées. Pourtant, dans la réalité quotidienne d’une entreprise, les personnes arrivent toujours avec un “statut” : salarié, associé, stagiaire, indépendant, mandataire… Et cela peut brouiller les pistes si l’on n’y prend pas garde.

    Ce qu’est un rôle, en Holacratie

    Un rôle est une structure explicite, définie par trois éléments :

    • Une raison d’être (la finalité du rôle dans l’organisation),
    • Des redevabilités (les activités attendues de manière continue),
    • Éventuellement un ou plusieurs domaines (zones d’autorité exclusive).

    Ce qui rend un rôle opérationnel n’est donc pas son titre, mais les attentes qui y sont associées et la clarté sur ses limites. Ces rôles peuvent être modifiés, fusionnés, scindés, abandonnés, réaffectés — en fonction des besoins de l’organisation. Ils existent pour servir la raison d’être du cercle qui les contient.

    Extrait de la Constitution Holacracy, §1.4 :

    « Un Rôle est une entité organisationnelle que l’on peut définir avec une Raison d’Être, des Redevabilités, et des Domaines. Chaque Rôle appartient à un Cercle qui l’intègre dans sa propre gouvernance. »

    Ce qu’est un statut

    Le statut, lui, n’est pas une construction organisationnelle, mais une qualité juridique, sociale ou institutionnelle attachée à une personne. Il peut résulter :

    • d’un contrat de travail (statut de salarié),
    • d’un lien capitalistique (statut d’associé),
    • d’un pouvoir légal conféré par les statuts de l’entreprise (mandataire social),
    • ou d’un régime social particulier (freelance, intermittent, etc.).

    Un statut ne dépend pas de la gouvernance : il relève du droit du travail, du droit des sociétés, ou d’une convention contractuelle. Il détermine des responsabilités, des droits et parfois des pouvoirs que l’Holacratie ne peut ni créer, ni retirer, quand bien même l’organisation a signé une constitution.

    Les dangers de la confusion

    C’est ici que le risque apparaît : si l’on encode un statut comme un rôle, on induit l’idée que ce statut pourrait être modifié en réunion de gouvernance, ou qu’il serait soumis aux mêmes logiques d’évolution qu’un rôle classique.

    Par exemple :

    • Créer un rôle “Salarié” donnerait à penser qu’on pourrait devenir ou cesser d’être salarié par une simple affectation ou sortie du rôle, ou encore qu’on pourrait tout à fait modifier ce rôle dans un simple processus de gouvernance — ce qui est faux.
    • Donner une redevabilité “Signer les comptes annuels” à un rôle sans préciser qu’il faut être mandataire légal pour le faire crée une ambiguïté.

    En résumé : un rôle est gouvernable, un statut ne l’est pas. Il est donc essentiel de garder cette distinction claire, pour ne pas ouvrir la porte à des dérives de pouvoir ou à des incohérences juridiques.

    Dans l’absolu, il serait possible d’encoder aussi la règle qui précise que certains rôles écrits dans l’holarchie ne sont pas gouvernables, mais cela pose vraiment la question de la lisibilité d’un tel design de cercles et rôles. Serait-ce réellement au service de plus de clarté dans l’organisation ?

    Plusieurs organigrammes coexistent… et c’est normal

    Lorsqu’une organisation adopte l’Holacratie, elle remplace généralement un organigramme pyramidal par une structure de rôles organisée en cercles. C’est un changement profond, souvent libérateur. Mais il ne faut pas pour autant croire que l’organigramme holacratique remplace toutes les autres cartographies de l’organisation. En réalité, plusieurs types d’organigrammes coexistent, et c’est non seulement normal, mais souhaitable.

    L’organigramme fonctionnel, en cercles et rôles (la “gouvernance”)

    C’est la cartographie créée et maintenue par les règles du jeu de l’Holacratie. Elle décrit :

    • qui détient quelle autorité opérationnelle,
    • comment les rôles sont articulés en cercles,
    • les domaines protégés,
    • les redevabilités explicites de chaque rôle.Cette structure évolue en fonction des tensions de terrain, lors des réunions de gouvernance. Elle est vivante, distribuée, et centrée sur la raison d’être.

    L’organigramme RH, une hiérarchie de personnes

    C’est l’organigramme pyramidal si bien connu depuis la nuit des temps, qui présente une structure de personnes, rangées par ordre hiérarchique au sens où certaines personnes ont un lien de subordination avec d’autres.

    Quoi que l’on pense philosophiquement de cette idée de la subordination, la pyramide managériale au sens RH du terme existe bel et bien à partir du moment où une entreprise embauche des salariés. Un salarié a un supérieur hiérarchique qui a autorité pour signer avec lui les évolutions de son contrat de travail. La pyramide hiérarchique RH subsiste, même après l’adoption de l’Holacratie ; aucune entreprise ne peut s’extraire de ses devoirs d’employeur vis-à-vis du droit.

    Dans bien des cas, les leaders de cercle ne sont pas forcément les supérieurs hiérarchiques des leaders de rôles qui détiennent un rôle dans le cercle. La cohabitation des organigrammes fonctionnels et hiérarchiques est donc bien utile pour garder de la clarté sur les différences qui existent parfois entre une répartition des responsabilités fonctionnelles et hiérarchiques au sens RH.

    L’organigramme juridique

    Il s’agit ici d’un autre plan : celui des statuts légaux. On y trouve :

    • les mandataires sociaux (gérant, président, DG),
    • les associés, avec leurs droits de vote et leur capital,
    • les salariés, avec leurs contrats et leur protection sociale,
    • les indépendants, avec leurs relations contractuelles spécifiques.Cet organigramme est figé par le droit. Il ne peut pas être modifié par une réunion de gouvernance. Pourtant, il a des effets très concrets sur la vie de l’entreprise : responsabilité pénale, représentation légale, droit au chômage, etc.

    L’organigramme des personnes (et de l’informel)

    Ce plan est souvent implicite. Il comprend :

    • les relations interpersonnelles,
    • les affinités naturelles ou historiques,
    • les figures de leadership informel,
    • les perceptions de pouvoir non déclarées.Même dans un système de rôles, les personnes restent présentes, avec leur charisme, leur histoire, leur place dans le collectif. Ces dynamiques ne sont pas mauvaises en soi, mais il est utile de les rendre visibles pour mieux les comprendre. Pour autant, nous ne sommes pas forcément outillés pour représenter visuellement un tel organigramme.

    L’organigramme de la Source

    Certaines organisations, notamment celles qui s’inspirent des travaux de Peter Koenig ou de Stefan Merckelbach ou Tom Nixon, reconnaissent aussi un autre plan de structuration : celui de la Source. La Source est ici comprise comme la personne à l’origine du projet, qui continue à porter la vision profonde du projet et de ses valeurs.

    Ce plan n’a pas toujours de traduction juridique, ni de reconnaissance dans la gouvernance en Holacratie. Mais il a une influence réelle. Parfois, ce que nous appelons « tension » est en fait un frottement entre les choix d’un rôle… et l’intuition de la Source.

    Il serait certainement complexe de dessiner encore un autre organigramme pour différencier les Sources des leaders de cercles, mais la différence fondamentale entre cette structure de sources et celle des rôles et des cercles réside dans le fait que la source est intrinsèquement liée à une personne, là où en Holacratie la structure fonctionnelle repose précisément sur une distinction du rôle et de la personne.

    Assumer la coexistence, plutôt que chercher l’unification

    Vouloir forcer tous ces plans à coïncider, c’est créer des confusions ou des rigidités. Le vrai enjeu n’est pas d’unifier tous les organigrammes, mais d’apprendre à naviguer consciemment entre eux, en connaissant les limites et les possibilités propres à chacun. En Holacratie, on peut s’appuyer sur la gouvernance pour répartir des rôles fonctionnels. Mais cela ne nous dispense pas de prendre en compte les contraintes du droit, les dynamiques humaines, et parfois la légitimité d’une personne Source.

    Ce que l’Holacratie ne transforme pas

    L’Holacratie est un système de gouvernance. Elle permet de distribuer le pouvoir de manière explicite et évolutive à travers des rôles. Mais elle ne prétend pas remplacer les autres systèmes d’autorité existants dans une entreprise. En particulier, elle n’annule pas le droit du travail, le droit des sociétés, ni les réalités contractuelles ou institutionnelles.

    Le domaine du droit reste entier

    Dans une organisation en Holacratie, les personnes continuent d’avoir :

    • des contrats de travail qui définissent leur statut de salarié (ou non),
    • des liens capitalistiques qui font d’elles des associés, avec les droits qui en découlent,
    • parfois des mandats sociaux, qui leur confèrent une responsabilité légale envers les tiers (banque, URSSAF, tribunal, etc.).

    Aucun de ces éléments n’est encodé dans la Constitution Holacracy, et pour cause : ils relèvent d’un autre système d’autorité. Ils ne peuvent pas être modifiés par une décision de cercle. Il serait donc dangereux de faire comme si la gouvernance pouvait les absorber ou les transformer.

    Une gouvernance n’a pas le pouvoir de licencier, d’embaucher ou de nommer un mandataire

    Même si un cercle peut créer un rôle “Recrutement” avec la redevabilité “mener les entretiens d’embauche”, cela ne signifie pas que ce rôle peut juridiquement conclure un contrat de travail. Il faudra qu’une personne ayant la capacité juridique d’engager l’entreprise (souvent un mandataire social) signe ce contrat.

    De même, la gouvernance ne peut pas, à elle seule :

    • désigner ou révoquer un mandataire social,
    • exclure un associé,
    • négocier une rupture conventionnelle.Ces décisions nécessitent l’intervention de personnes physiques habilitées par d’autres règles que celles de la Constitution de l’Holacratie : les statuts juridiques de la société, le Code du travail, ou les pactes d’associés.

    Ce que cela signifie concrètement

    Cela ne veut pas dire que ces sujets doivent être mis “hors sol” ou seraient tabous. Cela veut dire qu’ils doivent être traités avec une clarté sur leur nature. Une bonne pratique consiste à se poser la question suivante :

    Cette autorité est-elle conférée par la gouvernance ? Ou bien par un contrat, un statut légal, une convention collective, ou un acte juridique ?

    Si c’est le second cas, il est inutile (voire dangereux) d’encoder cette autorité dans un rôle. Cela peut générer une illusion d’autonomie, ou une confusion des responsabilités — avec potentiellement des conséquences juridiques graves. D’ailleurs le préambule de la constitution précise bien que :

    « […] les Ratificateurs transfèrent leur pouvoir de gouverner et de diriger l’Organisation aux règles et processus décrits dans cette Constitution, à l’exception toutefois de tout pouvoir sur lequel les Ratificateurs n’ont pas autorité. »

    Comment représenter les statuts sans les fausser

    Même si les statuts ne relèvent pas de la gouvernance en Holacratie, il peut être utile de les rendre visibles dans l’organisation — à condition de ne pas les confondre avec des rôles. L’enjeu est de cartographier sans gouverner, de signaler sans créer d’illusion de contrôle. Autrement dit : représenter sans encoder.

    Voici plusieurs approches testées sur le terrain, avec leurs forces et leurs limites.

    1. Utiliser des rôles “non gouvernables” dans un cercle dédié

    Certaines organisations choisissent de créer un cercle spécial (par exemple : “Cercle des statuts”) dans lequel figurent des rôles comme :

    • “Salarié”
    • “Associé”
    • “Mandataire social”Ces rôles n’ont pas de raison d’être fonctionnelle, ni de redevabilités. Ils servent simplement de marqueurs symboliques ou juridiques. Ils ne sont pas destinés à être modifiés ou attribués via la gouvernance. Ils sont là à titre informatif. Pour éviter les malentendus, il est crucial d’accompagner cette pratique d’une note explicative : Ces rôles ne sont pas gouvernables, ne peuvent être ni fusionnés ni scindés, et ne confèrent aucune autorité opérationnelle.

    2. Utiliser des codes couleur ou des icônes dans l’outil de gouvernance

    Certains outils comme Holaspirit permettent d’ajouter des métadonnées ou des badges sur les personnes :

    • une pastille bleue pour les salariés,
    • une pastille verte pour les associés,
    • une couronne pour les mandataires sociaux.C’est simple, visuel, non intrusif. Et cela n’introduit pas de confusion dans la gouvernance. On peut même envisager un fichier externe (Notion, wiki, etc.) pour référencer ces informations de manière distincte.

    3. Gérer les statuts en dehors du système de rôles

    Une autre option consiste à ne rien représenter dans la gouvernance, mais à faire apparaître les statuts :

    • dans un annuaire interne,
    • dans un document de référence juridique,
    • dans les procédures RH ou administratives.C’est particulièrement adapté si l’organisation veut éviter toute hybridation entre le juridique et la gouvernance. On trace ici une frontière nette : la gouvernance sert à gérer le travail, le reste est traité ailleurs.

    4. Ce qu’il faut éviter : encoder un statut comme un rôle fonctionnel

    Par exemple :

    • créer un rôle “Associé·e” avec la redevabilité “voter en AG”,
    • créer un rôle “Mandataire” avec le domaine “représentation légale de l’entreprise”,
    • ou encore créer un rôle “Salarié” et y rattacher toutes les fonctions RH.Ce genre de confusion est risqué. Elle peut donner à penser que la gouvernance peut retirer ou réattribuer un statut, ou encore qu’un rôle confère un pouvoir qu’il n’a pas. Cela affaiblit à la fois la clarté juridique et la solidité du système en Holacratie.

    Trois cas à part : salarié, associé, mandataire

    Tous les statuts ne soulèvent pas les mêmes enjeux dans une organisation en Holacratie. Certains, comme celui de salarié, interfèrent avec des fonctions RH ou de management. D’autres, comme celui d’associé, touchent à la propriété et à la gouvernance juridique. Enfin, le mandataire social est un statut particulièrement délicat.

    Le statut de salarié

    Il s’apparente à un accord relationnel au sens de l’article 2.4 de la constitution. Il implique des obligations unilatérales de l’employeur (protection sociale, subordination…) et des attentes implicites de type “mon manager doit valider”.

    • À éviter : Créer un rôle “salarié” ou “employé” dans un cercle.
    • À faire : Créer un rôle RH en gouvernance avec des redevabilités précises (ex. : “mettre à jour les contrats de travail”), définir des règles claires (ex. : “tout recrutement doit être validé par un rôle ayant le domaine ‘signature de contrat’”).

    Le statut d’associé

    Être associé, c’est détenir une part du capital. Le piège fréquent est d’en faire un statut de pouvoir implicite (“puisque je suis associé, je dois valider ça”), ce qui brouille la lisibilité.

    • À faire : Gérer les engagements comportementaux dans un pacte d’associés ou des accords relationnels hors de la gouvernance Holacratie. Séparer les droits attachés au capital de l’autorité fonctionnelle.

    Le statut de mandataire social

    Le mandataire représente légalement l’entreprise. Ce n’est pas un rôle affectable dans un cercle.

    • À éviter absolument : Affecter ce statut via une décision de gouvernance ou croire qu’un rôle “Président” permet de signer les comptes sans habilitation légale.
    • À faire : Créer un cercle “Mandat social” contenant des rôles opérationnels délégués (ex. : “Préparer l’AG”). Documenter dans un fichier externe qui sont les mandataires et leurs pouvoirs.

    Posture, engagements, comportements : et si ce n’était pas une affaire de rôles ?

    Dans la pratique, de nombreuses tensions viennent d’un flou sur les postures attendues. La gouvernance en Holacratie n’est pas toujours le bon outil pour les traiter.

    Le piège : vouloir tout encoder dans des rôles

    Créer des redevabilités subjectives (“être exemplaire”) pose problème car elles ne sont pas gouvernables et confondent rôle et personne. La gouvernance sert à organiser le travail, pas à dire qui est une “bonne personne”.

    L’alternative : les accords relationnels

    Mieux vaut passer par des accords explicites hors du système de rôles (chartes relationnelles, pactes d’associés). Ils ne sont pas gouvernables, mais discutables. Ils vivent dans l’espace de la relation.

    Et si l’on veut poser des contraintes d’affectation ?

    Il est possible de créer des règles dans le cercle posant des contraintes objectives sur les affectations (ex. : “seuls les associés peuvent tenir ce rôle”). Mais cela ne peut jamais modifier le statut juridique de la personne.

    « Seul un Leader de Cercle peut affecter ou désaffecter un Rôle au sein du Cercle, à moins que le Cercle n’ait délégué le contrôle de l’affectation des Rôles à un autre Rôle ou processus. Une règle peut encadrer davantage le processus d’affectation ou de désaffectation de Rôle. » (Constitution Holacracy, §1.4.1)

    Ne pas corréler rôles, salaires et statuts : un enjeu de clarté

    Lier untel a le rôle “X” $\rightarrow$ donc il a tel salaire introduit une rigidité dangereuse. Les rôles ne sont pas des postes. Ils n’impliquent aucun engagement de durée ni contrepartie financière directe.

    Les effets pervers d’une corrélation directe

    Les personnes s’attachent émotionnellement à leurs rôles, il devient difficile de les scinder (vécu comme une perte de pouvoir) et le lien entre création de valeur réelle et rémunération se brouille.

    Des alternatives plus saines

    1. Dissocier explicitement rôle et rémunération : Le salaire dépend d’un système RH distinct (séniorité, contribution globale).
    2. Créer un rôle RH dédié à la rémunération.
    3. Documenter les règles de rémunération en dehors de la gouvernance (charte salariale).

    Conclusion — Clarifier sans tout vouloir gouverner

    Adopter l’Holacratie, ce n’est pas effacer l’histoire ou le droit. C’est apprendre à distinguer les espaces. Dans une organisation, il y a des rôles gouvernables et des statuts non gouvernables. L’Holacratie n’est pas un outil pour tout absorber, mais un outil pour clarifier qui fait quoi, pourquoi, et dans quel cadre d’autorité. C’est une boussole pour la complexité.

  • Expérimenter l’Holacratie dans l’Armée Suisse, un pari peu courant !

    Lecture : 5 minutes

    Comment une équipe a transformé son organisation sans imposer le cadre, mais en le révélant par la pratique.

    « Nous avons réduit nos réunions de quatre heures à une heure, sans perte d’efficacité. L’information circule mieux, les décisions sont prises plus vite, et surtout, chacun sait enfin qui fait quoi. » — Alexandre Julien Robatel

    Mettre en place l’Holacratie dans une institution militaire ? L’idée peut sembler paradoxale. Pourtant, c’est bien ce qu’a entrepris Alexandre Julien Robatel, Chef planification, finances et contrôle de gestion et Suppléant chef d’état-major au sein de l’Armée Suisse. Son approche : ne pas imposer un modèle, mais accompagner son équipe à le découvrir par l’expérimentation. Un an après, les résultats parlent d’eux-mêmes : une organisation plus fluide, une autonomie accrue, et des réunions transformées.

    Retour sur une transition étonnante et inspirante menée par un tempérament d’explorateur !

    Un changement nécessaire pour une équipe en mutation

    Quand Alexandre prend la direction de son équipe en janvier 2024, il hérite d’un mode de fonctionnement très hiérarchisé :

    « À mon arrivée, l’équipe fonctionnait en vase clos, avec une culture de contrôle très forte. Je devenais le chef d’une équipe en place depuis de nombreuses années. »

    Un tiers de l’équipe approche l’âge de la retraite et des habitudes de travail sont ancrées. Alexandre, en étant nommé à la tête de cette équipe, voit là une opportunité : plutôt que d’imposer immédiatement un nouveau système, il décide de poser un regard neuf sur les pratiques existantes.

    Observer avant d’agir : un rapport d’étonnement décisif

    Avant de prendre la moindre décision, Alexandre adopte une posture d’observation. Pendant un mois, il prend des notes sur tout ce qui le surprend, ce qui fonctionne et ce qui pourrait être amélioré. Il synthétise ses constats dans un « rapport d’étonnement » et le partage à son équipe.

    « Je n’ai pas cherché à juger. J’ai simplement mis en évidence ce qui m’a marqué : les doublons, les lenteurs administratives, les silos de communication… C’était très important pour moi de faire ce travail avec impartialité ! »

    Ce rapport crée une première onde de choc, mais pose surtout les bases de la future démarche de transformation.

    Démarrer sans dire « Holacratie » : une expérimentation guidée

    Plutôt que d’annoncer un changement radical, Alexandre engage son équipe dans une série d’expérimentations. Pendant un mois, il leur demande de répertorier l’ensemble de leurs activités quotidiennes sur un grand tableau dans leur bureau commun. Au bout d’un mois, Alexandre a de la matière pour commencer le travail de clarification du “Qui fait quoi ?”.

    « Je n’ai pas parlé d’Holacratie au départ. J’ai commencé par cartographier les activités de chacun et à les structurer en cercles. En simultané, j’ai demandé à chaque membre de l’équipe de choisir un rôle à formaliser dans cette cartographie. »

    L’équipe joue le jeu. Rapidement, les rôles émergent naturellement, et chacun se réapproprie ses missions.

    « On a découvert qu’on avait des tâches en double, que certaines étaient délaissées faute de clarté. Faire ce constat était très intéressant. »

    Petit à petit, Alexandre introduit les rituels de réunion et les principes de gouvernance distribuée, sans jamais imposer un cadre rigide.

    « On a mis en place des réunions tactiques, mais au début, on les appelait juste ‘tables rondes’. On a structuré les prises de décision, mais on a gardé des mots familiers. Je voulais que l’équipe découvre l’intérêt du système avant de lui mettre une étiquette. »

    Des résultats concrets : réunions plus courtes, décisions plus fluides

    L’impact est très rapide. Les réunions, qui duraient quatre heures, sont réduites à une heure.

    « Avant, les gens arrivaient en réunion et racontaient leur semaine. Maintenant, on ne garde que l’essentiel : les blocages, les décisions à prendre, les actions prioritaires. Et surtout, chacun sait pourquoi il est là et ce qu’il peut apporter. »

    L’équipe se prend au jeu. Chacun devient acteur de la gouvernance, les tensions se résolvent plus vite et les responsabilités sont clarifiées.

    Une contagion positive au-delà de l’équipe

    Le changement dépasse rapidement le cadre du service d’Alexandre.

    « Nous avons commencé à proposer la réunion tactique aux équipes avec lesquelles nous collaborons. Cela demande un peu de temps de mise en place, mais une fois la pédagogie installée, cela permet d’essaimer cette culture agile et pragmatique. »

    Son supérieur hiérarchique s’y intéresse à son tour et décide d’élargir l’expérimentation à d’autres unités.

    « L’Holacratie n’a pas été imposée par la hiérarchie, elle s’est diffusée parce qu’elle était utile. Nous avons d’ailleurs décidé d’élargir la démarche en faisant intervenir Sémawé lors d’une journée de sensibilisation. »

    L’humain au cœur de la transformation

    Ce qui frappe dans cette histoire, c’est l’impact humain du changement. Les profils seniors qui auraient pu être réticents deviennent des moteurs du projet :

    « Deux collègues proches de la retraite ont décidé de tester les rôles de scribe ou facilitateur avec enthousiasme, une autre collaboratrice a décortiqué la Constitution Holacracy ! »

    De même, une jeune collaboratrice à temps partiel, initialement sceptique, s’est révélée être un leader naturel.

    « Elle me disait : ‘Moi, je suis à 50 %, je ne peux pas être leader’. Je lui ai répondu que son pourcentage d’activité n’avait rien à voir avec sa légitimité. Aujourd’hui, elle pilote un cercle et prend des décisions clés. »

    Ou encore certains talents révélés.

    “Parmi les plus jeunes, des talents ont émergé car ces personnes ont compris qu’elles pouvaient proposer des choses. Elles sont désormais reconnues dans leur domaine d’expertise par le reste de l’organisation.”

    Un modèle agile pour une institution rigide ?

    Loin des clichés sur la rigidité militaire, cette transformation prouve qu’il est possible de réconcilier autonomie et discipline.

    « Nous n’avons pas mis en place l’Holacratie pour ‘faire moderne’. Nous l’avons mise en place parce que ça répondait à un besoin concret : mieux s’organiser, mieux collaborer, mieux décider sans passer par tous les échelons hiérarchiques. »

    Ce qu’on peut retenir de cette transition réussie

    1. L’expérimentation avant la théorie : L’équipe a découvert l’intérêt de la méthode avant qu’on lui mette un nom.
    2. Des bénéfices visibles rapidement : Réunions plus courtes, décisions plus claires, responsabilités mieux réparties.
    3. Un impact humain fort : Les talents émergent quand on leur laisse la place de s’exprimer.
    4. Une diffusion naturelle : Le modèle se propage parce qu’il est efficace, pas parce qu’il est imposé.
  • Les systèmes de management de l’autonomie et les personnes neuroatypiques : une révolution à échelle humaine

    Lecture : 7 minutes

    Dans mon métier, je rencontre souvent des dirigeants et managers qui cherchent à mieux structurer leur organisation, à renforcer l’autonomie de leurs équipes ou encore à gérer des tensions relationnelles. Mais il y a un sujet qui reste rarement abordé de front : la diversité cognitive, et en particulier la neuroatypie.

    Et si les défis auxquels votre organisation fait face étaient en réalité des opportunités cachées ? Trop souvent, les talents les plus précieux passent inaperçus ou peinent à s’exprimer, enfermés dans des cadres de travail mal adaptés. C’est le cas des personnes neuroatypiques, mais pas seulement. Les modèles classiques de management — rigides, flous ou trop informels — montrent leurs limites face à la complexité croissante des organisations modernes.

    Le besoin d’autonomie, de clarté et de bien-être est désormais une attente partagée par toutes les générations au travail. Pourtant, beaucoup d’entreprises continuent de fonctionner avec des méthodes inadaptées, au détriment de leur efficacité et de leur capacité à innover.

    Il existe pourtant des solutions. Et elles ne profitent pas qu’à une minorité. En adoptant des systèmes inclusifs et structurés, comme l’Holacratie, il est possible de transformer radicalement son organisation. Non seulement pour inclure davantage, mais aussi pour mieux performer. Cet article explore pourquoi et comment.

    Les défis des modèles traditionnels face à la neurodiversité

    Dans mon expérience, la neurodiversité est un sujet rarement abordé ouvertement dans les organisations. Pourtant, elle est omniprésente. Les personnes neuroatypiques, qu’il s’agisse de troubles du spectre autistique, de TDA/H, de dyslexie ou d’autres profils cognitifs, représentent environ 10 % des collaborateurs. C’est énorme. Mais faute de cadre adapté, leurs talents restent souvent invisibles, étouffés par la nécessité de se sur-adapter.Image de Neurodiversity spectrum diagram

    Cette sur-adaptation, je l’ai vue de près : elle consomme une énergie considérable. Ces collaborateurs passent un temps démesuré à essayer de s’intégrer dans des environnements conçus pour une norme qu’ils ne partagent pas. Ils se heurtent à des codes implicites, à des interactions floues, ou encore à des attentes mal formulées. Cela génère du stress, de l’épuisement et parfois même un désengagement total.

    Et ce problème ne touche pas que les neuroatypiques. Les modèles classiques, avec leur rigidité ou leur manque de structure, finissent par peser sur tout le monde. Qui n’a jamais souffert d’une réunion interminable et mal cadrée, ou d’un rôle flou où personne ne sait exactement qui fait quoi ? Ces dysfonctionnements, fréquents, freinent la productivité et dégradent le climat de travail.

    Pourtant, il suffit parfois de quelques ajustements bien pensés pour transformer ces défis en opportunités. Et c’est précisément ce que permettent des systèmes de management inclusifs et structurés. Ils apportent de la clarté, du calme et un cadre propice à l’épanouissement de tous, neuroatypiques ou non. Toute l’énergie qui n’est pas dépensée en sur-adaptation peut être orientée vers beaucoup plus de création de valeur et de bien-être. Dans la suite de cet article, je vais vous montrer comment.

    Une solution : des systèmes inclusifs et performants

    Dans ma pratique, j’ai vu combien des systèmes comme l’Holacratie peuvent transformer une organisation. Contrairement à ce que certains imaginent, ces modèles ne sont pas réservés à une minorité ou à un type spécifique d’entreprise. Ils apportent une structure claire et adaptable, bénéfique à tous.

    L’Holacratie repose sur des principes simples mais puissants : une constitution pour donner des règles du jeu managérial, un organigramme fractal et réaliste qui décrit exactement qui est responsable de quoi, et des méthodes de décisions intégratives.

    Ces outils ne sont pas abstraits. Ils changent concrètement la manière de travailler. J’ai vu des équipes gagner en sérénité grâce à des réunions où tout le monde sait ce qui est attendu, des managers dégager du temps pour diriger efficacement, et des collaborateurs retrouver de l’autonomie et du plaisir à contribuer.

    Des exemples concrets de transformation

    J’aime m’appuyer sur des faits tangibles, et c’est précisément ce que l’Holacratie permet : des changements concrets, visibles, et ressentis par tous dans l’organisation.

    • Des réunions apaisées : Les réunions tactiques, avec leur processus bien défini, apportent une structure claire. Chez nous, les discussions chaotiques ou interminables ont laissé place à des échanges efficaces, où chacun sait ce qu’on attend de lui. Cette clarté est particulièrement précieuse pour les profils neuroatypiques, souvent perturbés par des interactions floues ou des interruptions intempestives.
    • Des rôles clarifiés : Au sein de notre équipe, chaque membre connaît ses responsabilités et celles des autres. Cette répartition explicite évite les doubles emplois ou les malentendus. Résultat : moins de frustrations, plus de fluidité, et une autonomie renforcée pour tous.
    • Une gestion apaisée des tensions : Plutôt que de laisser les problèmes s’accumuler ou de les traiter dans l’urgence, nous utilisons un cadre formel pour les aborder dès qu’ils surgissent. Cette approche favorise l’écoute et la résolution proactive, tout en désamorçant les conflits latents. C’est un soulagement, autant pour les neuroatypiques que pour le reste de l’équipe.

    Inclusion universelle : une opportunité, pas une contrainte

    Ce qui me frappe avec les systèmes inclusifs, comme l’Holacratie, c’est qu’ils ne se limitent pas à répondre aux besoins des minorités. Ils améliorent le quotidien de tout le monde. C’est un effet d’entraînement positif que j’ai observé à plusieurs reprises.

    Prenez l’exemple des rampes d’accès. À l’origine conçues pour les fauteuils roulants, elles profitent aussi aux parents avec poussettes ou aux livreurs chargés de colis. L’Holacratie fonctionne de la même manière : des outils qui permettent d’inclure la diversité cognitive permettent aussi à l’ensemble de l’équipe de mieux fonctionner.

    Inclure n’est pas une contrainte. C’est une manière de révéler les talents cachés, d’encourager l’innovation, et de bâtir des organisations résilientes.

    Premiers pas pour transformer votre organisation

    Je sais que se lancer dans une transformation organisationnelle peut sembler intimidant. Pourtant, il n’est pas nécessaire de tout révolutionner d’un coup.

    Voici quelques pistes concrètes pour amorcer cette transformation :

    1. Posez les bonnes questions : Quels aspects de votre organisation mériteraient d’être repensés pour s’adapter aux défis actuels ? Quels atouts souhaitez-vous préserver à tout prix ?
    2. Identifiez un leader du changement : Toute transformation a besoin d’un porteur de vision prêt à incarner ce projet.
    3. Testez des outils simples : Commencez par expérimenter un ou deux outils clés, comme des réunions structurées ou une formalisation des tensions.
    4. Participez à un atelier ou un séminaire : Rien ne vaut une expérience immersive pour poser les bases d’une transformation réussie.

    La pédagogie Montessori : une inspiration universelle

    Un parallèle éclairant peut être fait avec la pédagogie Montessori. À l’origine, cette méthode a été conçue pour accompagner des enfants en situation de handicap mental. Mais ses principes — favoriser l’autonomie, respecter les rythmes individuels, structurer un cadre clair — se sont avérés bénéfiques pour tous.

    L’Holacratie fonctionne de manière similaire. Ce qui a été pensé pour répondre à des besoins spécifiques des entreprises qui veulent développer le self-management, s’est révélé incroyablement efficace pour améliorer la dynamique globale des équipes.

    Une opportunité !

    En adoptant des systèmes inclusifs, vous créez plus qu’un environnement de travail fonctionnel : vous posez les bases d’une culture d’autonomie, de clarté et de confiance.

    Chaque pas vers un management plus clair et inclusif est un investissement dans la résilience et l’efficacité de votre organisation. Chez Sémawé, nous croyons fermement que des pratiques comme l’Holacratie sont non seulement des réponses aux défis de l’inclusion, mais aussi des catalyseurs de performance collective.