Catégorie : Témoignages

  • Aliocha Iordanoff, dirigeant de SCOP : A qui appartient l’entreprise ?

    Lecture : 12 minutes

    La question de la propriété de l’entreprise est un sujet auquel nous réfléchissons, en tant qu’associés-salariés d’une société coopérative et participative. Aujourd’hui c’est Aliocha, notre dirigeant qui se prête au jeu des questions posées par Jeanne, associée-salariée de notre SCOP.

    Qu’est-ce que ce sujet t’évoque ?

    Cela me donne envie de définir ce qu’est une entreprise, et de questionner la notion de propriété.

    Pour commencer, je pense que les individus sont à l’origine de la notion de propriété. Par leurs actes, leurs décisions, les individus peuvent devenir propriétaires de quelque chose. Il s’agit d’une notion de droit. Un droit qui se propage de proche en proche. Si je suis propriétaire de quelque chose, un autre ne peut pas l’être de cette même chose et à son tour il aura intérêt à défendre sa propriété. La limite de ce droit est certainement le corps humain, dont on est soi-même propriétaire d’une certaine façon et dont a priori personne ne peut devenir propriétaire.

    La propriété est un pouvoir exclusif sur quelque chose, un pouvoir d’agir, de disposer, d’user, de jouir, tout cela dans le respect de règles plus larges, celles de la loi et de la constitution. Le droit donne naissance à la notion de propriété et en définit les limites. Dans certains cas, la loi permet à un pouvoir judiciaire de départir un individu de ce dont il est propriétaire.

    Regardons maintenant l’entreprise. L’entreprise, ce n’est pas un objet défini juridiquement. Le droit définit les sociétés, mais l’entreprise est un mot du langage courant qui est utilisé pour beaucoup de réalités différentes. La notion de société existe depuis l’empire romain, elle nous permet de désigner des projets portés par des personnes qui ont contractualisé entre elles pour travailler. On peut aussi être soi-même une entreprise. Je comprends le mot entreprendre comme l’impulsion, l’énergie, une action que l’on porte pour réaliser quelque chose.

    Pour le sujet de cet article, on parle de l’entreprise en tant que société, personne morale. Cela m’inspire une première réflexion philosophique, directement liée au terme de personne morale. Je pense à la personne en tant qu’individu, une personne inaliénable, une personne qui ne peut être la propriété de personne d’autre. J’aurais envie de dire que d’un point de vue intellectuel, une personne morale ne devrait pouvoir appartenir à personne.

    Les personnes qui ont créé la société lui donnent vie, ont des responsabilités et une liberté d’action sur cette personne pour l’influencer. C’est ce qui donne une impression de contrôle, que l’on pourrait associer à de la propriété. Mais ces personnes ne sont pas propriétaires de la personne morale car elle a une capacité juridique, des responsabilités et peut être condamnée. L’entreprise est propriétaire d’elle-même finalement.

    Lorsque les associés, et encore plus l’associé unique, se sentent propriétaires de l’entreprise, c’est peut-être par un certain raccourci intellectuel. Les personnes physiques qui constituent l’entreprise sont propriétaires des parts sociales, des titres, des actions. Donc c’est parce que les individus sont propriétaires d’un petit bout de papier — ce petit bout de papier leur donnant le droit d’exercer un pouvoir sur la société — que l’on considère parfois les actionnaires comme les propriétaires de la société. En réalité, être actionnaire ou sociétaire donne bien des droits et devoirs, et ce n’est pas parce que l’on a des droits et devoirs sur quelque chose qu’on est propriétaire. D’ailleurs, dans une accusation juridique, on peut condamner le propriétaire de la part sociale, donc la personne physique.

    Quelle est ta place dans l’entreprise où tu travailles ?

    Le nom de mon rôle, dans notre gouvernance en Holacratie, s’appelle « leader ». Vu de l’extérieur, je suis un président, PDG, un patron, un dirigeant d’entreprise. Chacun peut émettre sa projection, sa représentation. Globalement, ce terme désigne une personne dans un pouvoir vertical assez fort. Alors que le rôle de leader dans une organisation en SCOP, gouvernée en Holacratie, est en réalité un rôle assez différent, même s’il inclut aussi celui de mandataire social avec toutes les responsabilités légales et juridiques qui lui incombent.

    Le leader, dans une entreprise en Holacratie, porte la raison d’être de l’entreprise, et détient par ailleurs deux autorités très explicites : l’assignation des personnes dans les rôles, et l’attribution des ressources. On attend de ce rôle qu’il définisse la stratégie, donne une visibilité claire sur les priorités, et qu’il offre du feedback aux personnes qui portent des rôles pour les aider à mieux réaliser leurs redevabilités.

    Comment qualifierais-tu le lien que tu as avec cette entreprise ? Et as-tu le sentiment qu’elle t’appartient ?

    J’en ai eu plusieurs depuis la création de l’entreprise fin 2008.

    Lien de concepteur : l’entreprise a existé dans ma tête avant d’exister dans le monde réel. C’est un lien déterminant pour la suite.

    Lien de créateur : inscrire la société au registre du commerce et des sociétés, lui donner un nom, payer des salariés. Ce lien donne un sentiment de toute-puissance sur l’objet. Il est probablement à l’origine de l’amalgame sur la propriété.

    Lien de détenteur : j’avais toutes les parts sociales donc tout le pouvoir d’agir sur l’entreprise. Mais je ne me suis jamais considéré comme propriétaire au sens exclusif. D’ailleurs, c’est bien dans ce but-là que l’on crée une personne morale. Cela protège, et permet de différencier la société de soi-même et de ses biens propres. J’ai été animé dès le départ par l’envie que l’entreprise me survive comme un être autonome qui après son adolescence puisse voler de ses propres ailes.

    Lien de coopérateur : étape plus affirmée du fait que cette personne morale ne m’appartient pas et même pas à l’ensemble des associés. Le code des sociétés coopératives renforce le côté inaliénable de la personne morale car les réserves sont impartageables, au contraire d’une société capitalistique. On a un pouvoir d’action moindre sur une coopérative que sur une société classique. Ces parts sociales, j’en suis le propriétaire mais je ne peux pas les vendre à qui je veux, il n’y a que la SCOP qui peut me les racheter.

    Ce cheminement illustre bien le parcours que j’ai vécu de créateur de l’entreprise à celui d’un leader confiant dans l’avenir autonome de cette société.

    Comment vois-tu ta place dans l’entreprise ?

    Je suis un coopérateur, je ne suis qu’un coopérateur. J’ai toutes sortes de possibilités d’actions à ce titre, mais mon pouvoir est à la fois réduit et combiné à celui des autres.

    Il se trouve que je suis le plus gros détenteur de parts sociales de l’entreprise. Cela me donne un poids à deux titres :

    L’engagement financier : s’il y a des pertes, je vais les supporter seul à 49% et il n’y a pas de corollaire réciproque car je n’aurai pas 49% des bénéfices. Donc c’est une surexposition au risque bien que relative. Ce soutien financier au capital me met dans une position d’influence forte. Ca introduit presque un risque car cela peut amener un fonctionnement humain qui consisterait à passer par l’influence plus que par quelque chose d’explicite dans les processus de décision. C’est pour cela que le monde coopératif ou associatif n’est pas à l’abri des comportements manipulatoires. C’est toute la délicatesse de mon rôle. Les pratiques que l’on a trouvées en Holacratie sont une formidable réponse. Sans une pratique de gouvernance constitutionnelle telle que l’Holacratie, c’est une des fragilités du modèle coopératif.

    J’ai aussi une place particulière du fait de mon leadership sur l’équipe, et de l’historique de ce leadership. Le fait d’être à l’origine de l’entreprise est une position tout à fait particulière. Dans certaines formes de gouvernance partagée, on parle même d’un rôle source. Nous ne l’avons pas encore explicité de cette façon dans notre entreprise, et cela pourrait être une idée à explorer. En mettant de l’explicite sur le rôle de leader, en organisant une distribution de l’autorité et des pouvoirs entre organisations, nous avons une représentation claire du rôle de leader. Je pense que ces ingrédients sont indispensables pour sortir des jeux de pouvoir implicites et de postures cachées, qui sont plutôt la norme dans les dynamiques de groupe non régulées.

    Est-ce que les clients et les fournisseurs font partie de l’entreprise selon toi ?

    C’est vrai que cette question est légitime, et très intéressante. Une entreprise dépend littéralement de ses fournisseurs et de ses clients, tout comme de ses salariés et des capitaux qui lui sont nécessaires.

    Cela n’en fait pas des copropriétaires nécessaires de l’entreprise. Cette interdépendance n’empêche pas l’autonomie. Il ne faut pas confondre propriété et « pouvoir sur ». Les clients et les fournisseurs ont du pouvoir sur l’entreprise, c’est certain.

    Il faut observer que ce pouvoir est relatif. Par exemple, dans une période faste, le pouvoir des clients est plus faible. En période de disette, le pouvoir des clients sur l’entreprise est très fort. Ils peuvent sauver ou couler leurs fournisseurs. D’ailleurs, une des stratégies pour assurer la pérennité d’une entreprise passe souvent par de la diversification de clients, pour rendre l’entreprise la moins dépendante possible de ses plus gros clients.

    Pour les fournisseurs, c’est très variable selon le métier de l’entreprise. Quand on vend du service comme le fait Semawe, il y a une dépendance très réduite aux fournisseurs. Le contexte actuel le montre bien. Les fournisseurs arrêtent de fournir, ils ont alors un pouvoir de vie ou de mort sur leurs entreprises clientes. Il y a en ce moment des entreprises qui sont à l’arrêt parce qu’elles ne sont plus approvisionnées. Donc il peut là aussi y avoir des stratégies pour rendre les entreprises les moins dépendantes possible de leurs fournisseurs.

    C’est sur ce sujet qu’il y a des propositions très intéressantes du côté des SCIC.

    Qu’est-ce que change le modèle coopératif de la SCIC ?

    La SCIC permet de faire le lien entre clients, producteurs et fournisseurs. Les parties prenantes de la chaîne de valeur sont associées dans différents collèges de la SCIC, avec cette très forte logique d’une voix par associé. C’est une façon d’organiser de manière saine cette interdépendance. Cela ouvre le champ de la coopération hors de l’entreprise, en l’orientant vers l’extérieur.

    Faire entrer au capital des clients ou des fournisseurs permet de les impliquer et de les rendre concernés par la bonne santé économique et sociale de l’entreprise. C’est un bel instrument de transparence.

    D’après toi, qu’est-ce que la loi PACTE apporte à cette réflexion sur le rapport entre l’entreprise et ses associés ?

    La loi PACTE apporte des nouveautés qui viennent nourrir cette question, notamment sur la possibilité de faire entrer la raison d’être de l’entreprise dans les statuts, et qui devient de fait opposable juridiquement. Concrètement, on va pouvoir attaquer en justice une entreprise parce qu’elle n’a pas agi en cohérence avec sa raison d’être. La loi évolue vers plus de responsabilité pour les sociétés. Cette notion était bien ancrée dans le droit du travail sur les questions sociales. La RSE est un droit moins étoffé et il commence à devenir concret.

    Cette loi est jugée peu ambitieuse par certains acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire, et les députés auraient probablement pu aller plus loin. Cela étant, dans une logique très pragmatique de petits pas, il me semble que cette évolution du droit est une opportunité à saisir. Et bien entendu, il faudra y revenir dans le futur pour aller plus loin.

    Peux-tu nous parler du rapport des salariés à la propriété de l’entreprise ?

    Il y a toujours eu ce débat sur la propriété de l’outil de travail. Dès la fin du XIXème siècle. Est-ce que l’outil appartient à celui qui a investi ou à celui qui travaille dessus toute la journée ? C’est le rapport intime de l’ouvrier à la machine qui a fait émerger cette vision que l’outil appartenait à celui qui l’utilisait.

    Nous pouvons observer un cas dans l’histoire récente des transformations d’entreprise. Je pense aux 1336 de la marque Elephant. Ce qui a attaché les salariés à la propriété et par la suite au projet coopératif, c’est l’outil de travail. La voie d’accès à l’entrepreneuriat a été l’outil de travail. Jeanne, tu nous en dit d’ailleurs plus dans ton article.

    Ce rapport très fort à l’outil de travail existe notamment dans le monde industriel. Il y a des positions médiatiques des syndicats qui introduisent l’idée que les salariés seraient les co-propriétaires du destin de l’entreprise. Et ce sujet nous connecte très directement à cette grande question de la création de la valeur. Est-ce que l’usine crée de la valeur grâce aux salariés qui utilisent l’outil de travail ? Ou bien est-ce l’investissement qui a payé l’outil de travail qui est le moteur initial de cette valeur ajoutée ? Les formes d’entreprise coopérative comme les SCOP essayent de répondre à ce dilemme en mettant tout le monde d’accord.

    D’une manière générale, je n’observe pas que les salariés se sentent propriétaires de leur entreprise. Ils ont parfois des revendications sur ce sujet, les exemples concrets où des salariés font un pas pour devenir effectivement copropriétaires de leur outil de travail sont encore marginaux.

    Le mouvement des coopératives se développe, et nous portons sur ce sujet une proposition de modalités d’organisation qui fonctionne. Elle a fait ses preuves, elle existe depuis longtemps, et les coopératives sont les entreprises plus stables et plus résilientes que les autres dans les périodes de crise. C’est évident que ce modèle d’entreprenariat va continuer à se développer, et il est même probablement une des réponses clés à la crise économique dans laquelle nous entrons en cette année 2020.

    Si je te dis entreprise et démocratie, tu penses à quoi ?

    C’est très lié. Je pense que la notion de société au sens où on l’entend aujourd’hui a émergé avec la démocratie.

    Au moment de la révolution de 1789, lors de l’abolition de la féodalité, il y a un rachat puis une disparition complète des obligations issues de la féodalité. C’est l’émergence d’une reconnaissance inaliénable du droit de propriété individuelle.

    « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. » — Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, art. 17.

    Avant la Révolution, on était dans un lien de propriété extrême car les seigneurs avaient droit de vie ou de mort sur leurs vassaux. Il faut même attendre la fin de l’esclavage pour qu’en Europe, on reconnaisse que personne ne peut être propriétaire d’un être humain. Et notre monde aujourd’hui nous montre que cette conception n’est pas encore universelle.

    La notion de société existe depuis les Digestes qui fondaient le droit romain. Il fallait, pour qu’elle existe, qu’un contrat soit passé entre les associés. Mais le droit romain n’a jamais reconnu l’existence d’une personne morale à part entière ni la distinction claire entre le patrimoine social de la société et celui des personnes qui la composent. C’était bien une société de personnes. Le patrimoine d’une société était plutôt une forme de propriété indivise des associés.

    En France, c’est au tout début du XIXème siècle que la personne morale voit le jour avec des décisions de jurisprudence qui confirment la séparation entre le patrimoine des associés et celui de la société.

    C’est l’émergence de la notion de personne morale qui donne tout sons sens à la question de cet article : « à qui appartient la société, à qui appartient la personne morale ?« . Avant cela, il n’existait que la propriété des personnes physiques.

    L’émergence du capitalisme industriel correspond à la grande victoire de la bourgeoisie sur la noblesse. C’est-à-dire que c’est l’abolition des privilèges de la noblesse et la garantie constitutionnelle du droit à la propriété privée qui permet l’essor productif du XIXème siècle, au même moment où l’Europe découvre que la division du travail permet d’augmenter considérablement la force de travail.

    La noblesse fondait son accumulation de richesse sur des privilèges et l’héritage. La bourgeoisie propriétaire des usines va concentrer à son tour les richesses capitalistiques par la détention des outils de travail.

    Il y a un lien fort entre l’émergence des sociétés industrielles et de la démocratie dans nos sociétés. Le droit des sociétés à repris les codes de la démocratie moderne pour les transposer dans le fonctionnement des entreprises. Regardons les grands principes de la démocratie posée par Montesquieu. L’expression des citoyens par le vote, la séparation des pouvoirs, et la suprématie du droit. De ce point de vue-là, les entreprises sont plutôt au rendez-vous.

    Dans une société classique, de type capitalistique, il existe une proportionnalité de pouvoir, relative au nombre de parts sociales détenues. Concrètement, un euro égal une voix lors d’une assemblée générale. Ce principe du vote majoritaire introduit dans le droit des sociétés, correspond à la conception de la démocratie libérale moderne.

    Le vote majoritaire

    La réglementation du pouvoir est démocratique dans toutes les formes de sociétés et le principe majoritaire s’applique. On a reproduit la logique de la délégation de pouvoirs en élections. Et cette démocratie élective, est finalement assez proche de la logique de la démocratie grecque, à savoir que ce n’est pas le suffrage universel direct. Il y en a qui votent et d’autres qui ne votent pas. le principe démocratique existe parmi les votants, c’est-à-dire parmi les associés.

    La problématique que cela pose, c’est l’exclusion d’une partie des individus du statut de citoyen, de votant. Tout comme la démocratie grecque ne reconnaissait le statut de citoyen qu’aux hommes propriétaires, le droit des sociétés aujourd’hui n’accorde du pouvoir qu’à certaines parties prenantes, les actionnaires.

    La primauté du droit écrit

    Sur la primauté de la règle : on retrouve aussi une certaine forme de constitutionnalité dans le rapport entre les associés, c’est-à-dire qu’aucun associé ne peut enfreindre la loi, le pacte d’associés, le contrat écrit qui régit le fonctionnement de la personne morale. Cette supériorité du contrat écrit à la volonté des individus, est aussi un des fondements de la démocratie libérale.

    La séparation des pouvoirs

    Sur la séparation des pouvoirs, même si elle est moins visible dans les petites entreprises, elle est beaucoup plus manifeste dans les très grandes entreprises. L’actualité financière regorge d’histoire de luttes internes dans les grands groupes multinationaux, de bataille entre actionnaires d’une même entreprise, de luttes d’influence dans les conseils d’administration pour soutenir ou dégager tel ou tel dirigeant. Il y a des collèges d’actionnaires, des catégories auxquelles correspondent un pouvoir. Il y a des conseils de surveillance, des AG, des CA avec une répartition très stricte de leurs pouvoirs respectifs.

    Démocratie et SCOP

    Finalement, la grande lacune démocratique des entreprises se situe au niveau du corps électoral, du collège des citoyens ! Ce modèle démocratique est réinterrogé par les coopératives, car un détenteur de part est égal à une voix dans les SCOP. C’est en quelques sortes un autre principe d’égalité qui s’applique. Les coopératives fixent aussi un principe de majorité du pouvoir accordé aux salariés qui travaillent dans l’entreprise, qui produisent la richesse. C’est un déterminant fort sur le contrôle des sociétés. Enfin, un troisième aspect fondamental est la valeur nominale fixe des parts sociales des SCOP. La détention de parts de capital, ne peut pas être une source d’enrichissement pour les actionnaires. La SCOP tente ainsi de se prémunir contre les logiques spéculatives qui existent dans les entreprises classiques. Le but ici est d’éviter une fuite de valeur vers des détenteurs de capital, qui ne travaillent pas dans l’entreprise.

    Cette solution proposée par les coopératives n’est pas parfaite. Ce dernier critère de la valeur nominale fixe des parts sociales, ne permet pas de valoriser ni de rémunérer la prise de risque. Elle rend très complexe aussi la valorisation de l’investissement. Pourtant, une coopérative qui a besoin d’un outil de travail onéreux, a bien besoin d’investisseurs. Une autre limite, vient du temps important qui peut séparer le moment du travail effectif et celui de sa valorisation financière. Une entreprise peut travailler dur pendant plusieurs années avant de voir les bénéfices de son travail par les résultats financiers. Dans ces cas-là, les salariés qui auraient fourni un effort pendant les années maigres, même s’ils ont travaillé autant que les autres, tireront moins de fruits de leur travail ou des risques pris. Les SCOP ne sont pas encore le modèle d’entreprise parfaite, mais sont déjà une évolution culturelle majeure dans l’entreprenariat. Nous aurons l’occasion de revenir dans d’autres publications sur des propositions d’évolution des statuts des entreprises en cohérence avec les principes de coopération, de responsabilité, et de gouvernance partagée.

  • Raison d’être, engagement et responsabilité des entreprises à mission

    Lecture : 5 minutes

    En tant que SCOP ayant adopté une gouvernance partagée, nous avons le souhait de nous nourrir d’échanges avec d’autres organisations. Notre envie est de mettre en avant des initiatives différentes pour montrer que de telles démarches fonctionnent.

    J’ai donc rencontré Stéphane VERNAC, Professeur de droit privé à l’Université de Saint-Étienne, et chercheur associé à Mines ParisTech. Il a contribué à l’élaboration de la loi PACTE et à des travaux sur les sociétés à mission.

    J’ai discuté avec lui des travaux de recherche sur le sujet de la propriété des entreprises et de la responsabilité auxquels il a participé au Collège des Bernardins depuis 2019.

    Pour vous, qu’est-ce qu’une entreprise à mission ?

    Il faut porter un regard global sur ce sujet. Comme point de départ des travaux, il ne faut pas confondre entreprise et société. Une société repose sur ses associés. L’entreprise est un objet plus large, elle n’est pas la propriété des actionnaires.

    La question que nous nous posons est : comment donner une réalité à l’entreprise sur le plan du droit ? Le droit ne connaît que les associés. La collectivité plus large qu’est l’entreprise n’est jamais prise en compte.

    À MINES ParisTech, Blanche Segrestin, Kevin Levillain, et moi-même avons travaillé sur la société en tant qu’objet social étendu. Nous nous sommes inspirés de Flexible Purpose Corporation – FPC, qui avait pour but d’autoriser les dirigeants à poursuivre d’autres objectifs que maximiser les dividendes.

    « La flexible purpose corporation est une nouvelle forme de société à but lucratif, reconnue en droit en Californie depuis janvier 2012. À la différence d’une entreprise classique, elle ajoute dans ses statuts un autre objectif que celui du profit. Une telle disposition permet de protéger les dirigeants qui souhaitent exercer une mission sociale ou environnementale, sans pour autant les dégager du contrôle des actionnaires. Avec ce type d’entreprises, il devient possible de réconcilier les intérêts des actionnaires avec ceux du collectif formant l’entreprise et d’ancrer dans les fondements mêmes de l’entreprise le principe de responsabilité sociale. » Kevin Levillain https://www.cadrescfdt.fr/sites/default/files/cadres_cfdt__la_flexible_purpose_corporation.pdf

    En France, nous avons maintenant avec les sociétés à mission une façon de donner une vie juridique à l’entreprise en organisant dans les statuts une protection de ses principes, des buts poursuivis, et en même temps habiliter le dirigeant à suivre ces objectifs.

    Mon point de vue, sur le plan du droit, est que tout ce qui concerne la RSE des entreprises est un droit mou, ou souple (« soft Law »). Leur opposabilité, leur caractère contraignant est difficile à démontrer. La violation d’une charte éthique peut difficilement engager la responsabilité d’une société.

    La loi PACTE donne une vraie normativité à des engagements. Elle permet de les inscrire dans les statuts de la société. Ils deviennent alors opposables à tous et en particulier aux associés.

    Qu’est-ce que cette loi PACTE change sur ces engagements et la responsabilité des entreprises ?

    La loi PACTE contient en quelque sorte trois étages en termes de responsabilisation des acteurs économiques.

    1er étage :
    L’article 1833 du code civil indique maintenant qu’une société est gérée en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. On pouvait espérer une rédaction plus contraignante en termes de conséquences, mais le texte marque une avancée politique et idéologique forte. La société n’a plus pour seul objet de distribuer des dividendes. Et cela s’applique à toutes les sociétés. Ce sont les juges qui vont donner une vie à ce texte dans les prochaines années !

    2ème étage :
    L’article 1835 du code civil permet la rédaction d’une raison d’être dans les statuts d’une société. Ce n’est pas obligatoire, mais c’est l’introduction d’un terme nouveau en droit, issu du rapport de la Mission « Entreprise et intérêt général » par Jean-Dominique Senard et Nicole Notat en 2018 : https://www.economie.gouv.fr/mission-entreprise-et-interet-general-rapport-jean-dominique-senard-nicole-notat

    Des grands groupes qui s’approprient cette raison d’être ne le mettent pas dans leurs statuts mais en font une délibération de leur Conseil d’Administration par exemple. Veolia l’a fait par exemple. L’opposabilité juridique dépendra des juges à l’avenir. Il faudra probablement un peu de temps. Il faut savoir qu’une partie du patronat s’opposait à cela. C’est donc déjà un progrès.

    3ème étage :
    La société à mission. Ce sont des sociétés qui d’abord adoptent une raison d’être, et en plus fixent des objectifs sociaux ou environnementaux. Par exemple des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, ou pour le bien-être des salariés. De nombreux grands groupes communiquaient déjà sur ces sujets. Et maintenant on les prend au mot ! Ils peuvent inscrire leurs engagements dans leurs statuts.

    Est-ce que cette opposabilité des engagements inscrits dans les statuts sera réellement suivie d’effets ?

    Le législateur a fait un choix contraire à la logique du label BCorp. BCorp propose une grille de critères à remplir par l’entreprise qui s’auto-évalue. Or ces critères ne sont pas toujours adaptés aux entreprises.

    Avec les sociétés à mission, il s’agit de normes internes de gestion, contrôlées en interne par un comité de mission, dont la composition est fixée par les statuts, et en externe par un Organisme Tiers Indépendant.

    La sanction en cas de non-respect de ses propres engagements, c’est un affichage public par déclaration au Greffe du Tribunal de Commerce. En cas de violation, l’entreprise ne peut plus se prévaloir de cette qualité. Cela aura des répercussions en termes de marketing, d’image médiatique. Je pense que c’est efficace.

    Une société peut se prévaloir de ce label. C’est un label français, c’est peut-être sa faiblesse. D’ailleurs, on voit que beaucoup d’entreprises choisissent d’afficher BCorp et Entreprise à mission.

    2ème conséquence : il y a opposabilité juridique des engagements pris dans les statuts.

    Classiquement, la violation des statuts entraîne des conséquences :
    1/ À l’égard des associés. Les dirigeants peuvent être révoqués.
    2/ Sur la responsabilité de la société à l’égard des tiers. Les clients, les ONG, etc.

    Est-ce que les associés peuvent engager leur responsabilité ?

    Je pense que oui. S’ils violent les statuts. Par exemple si un actionnaire majoritaire viole les statuts : il pourrait engager sa responsabilité.

    On commence à voir des condamnations de société mère pour avoir pris des décisions qui heurtent l’intérêt social de la filiale et peuvent porter préjudice aux salariés. Il y a quelques arrêts. Des actionnaires qui se comportent de manière égoïste et provoquent des faillites et des pertes d’emploi sont désormais condamnables. Ils ne peuvent plus se cacher derrière la règle de la responsabilité limitée aux apports. C’est autre chose, on parle d’une responsabilité délictuelle. Ils peuvent être condamnés pour les dommages causés à la société et par ricochet des dommages causés à des tiers.

    Autrement dit, quand il existe des engagements statutaires : on peut plus facilement démontrer la faute.

    Il y a eu des réticences du monde de l’Économie Sociale et Solidaire, qui considère parfois que tout cela n’est qu’une mauvaise imitation des engagements plus lourds qui existent dans les coopératives. Je pense que c’était un premier pas.

  • Semawe facilite le Forum Ouvert du Festival OFF d’Avignon

    Lecture : 2 minutes

    Souvenez-vous, c’était en mai 2019. Le Festival Off d’Avignon initiait pour la première fois de son histoire une rencontre entre ses acteurs (commerçants, habitants, élus, compagnies de théâtre et théâtres) pour impulser une dynamique de co-construction du festival de demain.

    Ce premier moment avait suscité beaucoup d’émotion et d’enthousiasme de la part des participants qui ont pu constater qu’ils avaient finalement les mêmes préoccupations et ambitions pour le festival.

    Lors de cet événement, nous avons eu la mission de proposer un format rassembleur et de faciliter les échanges.

    6 mois plus tard, un deuxième rendez-vous toujours plus ambitieux

    Nous avons réitéré l’expérience en novembre dernier, avec cette fois la volonté marquée de l’équipe du Festival de travailler sur le sujet de l’éco-festival.

    C’est donc lors d’une matinée que nous sommes intervenu.e.s pour proposer des outils d’intelligence collective. Des petits groupes de personnes se sont rassemblés par thème après avoir participé à la place de marché, moment de partage des envies de sujets de chacun et chacune.

    La centaine de personnes présentes s’est volontiers prêtée au jeu du dialogue et de la réflexion commune. Il en est sorti plusieurs dizaines de propositions concrètes pour faire du Festival Off d’Avignon un festival plus responsable et respectueux de l’environnement, de la ville et de ses habitants.

    Notre rôle en tant qu’équipe d’animation

    Notre mission était de rythmer la matinée et de proposer les outils. Nous avons eu la volonté de garder une posture de facilitation. Cela signifie que nous n’avons pas contribué à la réflexion ni influencé les idées, nous avons au contraire été plus en retrait pour aider les groupes qui en avaient besoin et être les garants du cadre de la démarche.

    Notre ressenti après cette matinée

    Nous sommes très reconnaissant.e.s envers l’équipe du Festival de la confiance et de la liberté accordées dans le format de l’animation. Contribuer à faire se rencontrer et dialoguer des personnes qui ne se côtoient pas est pour nous une source de profonde satisfaction.

    Enfin, être témoins de la richesse des idées générées et de l’alignement des individus dans ce collectif tout neuf est une chance et une vraie fierté.

    Nous vous laissons découvrir la courte vidéo qui résume bien l’énergie et la dynamique de ce moment. Merci à Najim Barika pour cette belle réalisation qui vous donne un aperçu de notre métier !

  • Notre interview dans le Podcast de l’entreprise de nouvelle génération

    Lecture : <1 minute

    Dans un entretien avec Luc Bretones, (Organisateur de l’événement « The NextGen Enterprise Summit ») en partenariat avec Holaspirit, Aliocha Iordanoff partage son expérience de gérant d’une SCOP.

    « L’objectif de ce podcast est de partager des expériences de nouvelles gouvernances et d’innovation managériales. Holaspirit est allé à la rencontre d’organisations adaptatives, centrées sur leur raison d’être.
    Le principe de ce podcast est clair : pas de langue de bois, 0 bullshit et une totale indépendance de ton ».

    Aliocha explique notre pratique interne d’une gouvernance en cercle : Holacratie.

    Pour Sémawé, il s’agit d’une cohérence philosophique et culturelle que d’allier SCOP et gouvernance distribuée avec un partage du pouvoir.

    Écouter le Podcast

  • Le Medef Isère teste la gouvernance partagée

    Lecture : 6 minutes

    Tout a commencé avec le Club Management Agile, lancé en mars 2019. Au départ, il y a la volonté de regrouper les entreprises qui s’intéressent à l’Agilité. Pratiquant.e.s, débutant.e.s, curieux et curieuses répondent présent.e.s à l’invitation lancée par Bernadette Chameau et Violaine Chappis, toutes deux salariées du Medef Isère.

    Toujours en quête de nouvelles pratiques et à la recherche de pair.e.s Agiles, l’équipe de Sémawé rejoint le club dès le départ.

    Aujourd’hui, le Club Management Agile du Medef Isère poursuit sa lancée et a décidé d’adopter une gouvernance partagée. On vous raconte comment…

    Que fait-on au Club Management Agile du Medef Isère ?

    Le Club Agile est un club pour les adhérent.e.s du Medef qui souhaitent découvrir ou approfondir leur pratique de l’Agilité.

    « Je fais partie des initiateurs de ce club. Depuis 20 ans, j’ai une certaine pratique de l’Agilité, j’ai vécu des choses géniales et d’autres plus difficiles. Aujourd’hui j’ai envie d’échanger avec d’autres entrepreneur.e.s pour lever des doutes et partager des expériences. » Thierry Domeland, dirigeant de ABMS GROUPE.

    Une fois par mois, le club se réunit pour faciliter l’échange de pratiques et l’expérimentation de méthodes Agiles.

    Pour le Medef, le Club Management Agile est un espace nouveau qui réinvente les façons de faire. Comme le précise Bernadette Chameau, salariée du Medef Isère :

    « Pour nous, organisation patronale, le club nous permet de toucher plusieurs strates de l’entreprise : chef.fe.s d’entreprises, directeurs et directrices de magasin, de services, RH, entrepreneur.e.s… Le seul point commun qui rassemble les membres du club est celui-ci : comment grandir sur ces questions d’Agilité ? Finalement, au sein même d’une rencontre se côtoient tous les publics de l’entreprise. »

    Comment animer un collectif différemment ?

    Les sessions mises en place comptent à chaque fois 20 à 30 personnes présentes. Une mobilisation qui envoie un signe très positif sur la diffusion de l’Agilité en entreprise.

    « Il est intéressant de voir qu’il y a des gens qui se posent des questions. Une de mes difficultés est d’être une entreprise Agile au milieu d’entreprises non Agiles. J’ai hâte que le monde bouge dans ce sens-là pour avoir un écosystème de travail qui soit Agile » souligne Thierry Domeland.

    Très vite, le Club Management Agile compte une centaine d’inscrit.e.s. Se pose alors la question de la pérennisation du club en tant que collectif :

    • De quoi a-t-on envie pour la suite ?
    • Qui anime le club ? Les salariées du Medef Isère ou les membres du club ?
    • Comment pérennise-t-on le club et la mobilisation de ses membres ?
    • Comment tenir compte des différents niveaux de pratique ?

    Le risque était de reproduire un schéma classique : deux salariées portant un collectif, et des adhérent.e.s qui suggèrent des thèmes sans s’occuper de l’opérationnel.

    Avec la gouvernance partagée, ceux qui proposent font

    Pour ne pas reproduire ce qui se fait d’habitude, il faut oser changer de postulat. Celui du Club Agile est : celles et ceux qui proposent font. Le plus simple, c’est de partir des envies des personnes présentes. En tant que membres du club, Aliocha, Sarah et Jeanne proposent, lors d’une session, d’animer un premier moment pour faire remonter les envies présentes dans le groupe.

    Cette façon de faire vient changer les codes et les réflexes. Violaine Chappis, salariée du Medef, voit ce changement comme positif :

    « Cette évolution du club est une évolution assez naturelle, car on se laise guider par ce que nous demandent les adhérent.e.s. Nous n’avions pas d’idées préconçues. Or il y avait des attentes disparates auxquelles il fallait répondre. Classiquement, nous aurions fait des rencontres en trois temps, selon les niveaux, mais pas une gouvernance en cercles. »

    Lors de cette session, la nature des envies exprimées laisse apparaître qu’il serait intéressant de se tourner du côté de la gouvernance en cercles. L’équipe de Sémawé, à ce moment-là, fait la proposition d’animer un atelier pour expérimenter les méthodes de gouvernance partagée.

    Selon Violaine Chappis, cette méthode a fait que « tout le monde s’est entendu. S’il n’y avait pas eu cette organisation en cercles, les gens seraient restés sur leur faim. »

    Enthousiaste, elle précise également :

    « Ce qui est génial, c’est la mise en pratique du sujet que l’on voulait travailler. Ce que ça va changer ? Nous allons être dans le concret, outiller directement les gens et aller au-delà des échanges. »

    3 cercles, 3 raisons d’être, et des élections sans candidat.e.s

    Le 9 juillet 2019, les 25 personnes présentes au Club Management Agile décident de s’organiser en 3 cercles thématiques et désignent des rôles structurels.

    Comment s’est déroulé cet atelier ?

    Première phase : chaque personne fait émerger une envie. Par un jeu de discussions, des regroupements se font pour finalement former trois cercles thématiques : outils Agiles, posture du manager et stratégie d’entreprise.

    Deuxième phase : chaque cercle définit une raison d’être. L’objectif ultime est que le cercle fixe son cap, sa ligne directrice. Quand la raison d’être sera atteinte, le cercle pourra disparaître.

    Troisième phase : chaque groupe élit un.e secrétaire et un.e facilitateur.rice via une élection sans candidat.e. Comme son nom l’indique, une élection sans candidat.e se fait sans que personne ne se présente. Le groupe définit d’abord une liste de qualités nécessaires pour assurer la mission. Le groupe désigne la personne du cercle qui lui paraît la plus pertinente pour incarner ce rôle.

    C’est ce qu’a vécu Bernadette Chameau : « Ça restera très fort pour moi car il faut se mouiller. Personne ne se présente, pourtant le groupe arrive à désigner une personne qui a la possibilité de dire oui ou non. Dans mon groupe, nous avons eu un moment pas simple à gérer et je me suis demandée comment cela allait être possible d’élire quelqu’un. Mais au fur et à mesure, j’ai vu que c’était non seulement possible mais puissant. »

    Violaine Chappis, qui a elle aussi vécu ce processus d’élection sans candidat.e, ajoute que :

    « Avec ces méthodes, tout le monde peut s’exprimer, nous évitons les frustrations, les vexations. C’est agréable, car les choses sont plus transparentes, plus simples. »

    Quatrième et dernière phase : chaque groupe définit ses prochaines actions.

    La conclusion est positive :

    « Le nerf de la guerre, ce sont les relations humaines dans l’entreprise, et cette préoccupation : comment travailler ensemble ? Aujourd’hui, en tant que salariée du Medef Isère, ça me donne envie d’essayer ces méthodes dans d’autres clubs, pour libérer la parole et faire naître des idées. Dans une organisation où il faut fédérer les gens, les faire parler de leurs ressentis, de leurs besoins, ces méthodes permettent l’échange et nous font gagner en richesse humaine », confie Violaine Chappis avec entrain.

    En une matinée, le Club Management Agile se constitue autour de 3 cercles avec chacun une raison d’être, un.e secrétaire et un.e facilitateur.rice. Pour échanger, les cercles se servent de Slack afin de faciliter le passage d’informations. L’enjeu est désormais la prise en main de ces rôles par les personnes ayant été élues par le collectif !

    Puissent des vents porteurs souffler dans les voiles du Club Agile ! L’équipe Sémawé est très fière d’être membre du Club Agile du Medef Isère et de contribuer à cette démarche. Cela nous permet d’échanger avec d’autres sur les pratiques Agiles en entreprise et de découvrir différentes manières de faire.

    « L’opportunité de créer un club permet de construire petit à petit une évolution. C’est nécessaire et ce pourquoi je vais m’accrocher à ce club. Je ne voudrais pas que l’on aille trop vite ou trop loin pour ne pas décourager, car j’aimerais bien que le club fasse naître cette envie chez d’autres entreprises », conclut Thierry Domeland.

    Nous remercions Bernadette Chameau, Violaine Chappis et Thierry Domeland pour leurs témoignages à propos du Club Management Agile.

    Pour aller plus loin

    Ressources :

    Rejoindre le club Agile :
    Violaine CHAPPIS : vchappis@medef-isere.com
    Bernadette CHAMEAU : medefisere-ni@medef-isere.com

  • Holacracy, un vent porteur pour la gouvernance de Sémawé

    Lecture : 6 minutes

    Lors de notre Forum Ouvert de l’hiver 2019, l’ensemble de l’équipe a décidé d’expérimenter une gouvernance partagée structurée en cercle : l’Holacracy (Holacratie).

    Depuis plusieurs années, nous avons le souhait d’explorer de nouvelles formes de collaboration. Nous avons débuté avec des pratiques issues de la philosophie Agile. Fort.e.s de cette expérience en Agilité, nous avons eu envie de compléter ces outils pour nous améliorer sur le traitement opérationnel des sujets transversaux à notre agence.

    Le souhait d’expérimenter une gouvernance en cercle est né de notre envie commune d’alignement entre notre statut de SCOP – avec les responsabilités individuelles et collectives que cela implique – et notre fonctionnement interne.

    Il est essentiel pour nous d’être cohérent.e.s au quotidien. C’est cette exigence qui nous permet de maintenir une grande cohésion et une confiance partagée !

    Je vous propose aujourd’hui de parler de cette méthode de gouvernance qu’est l’Holacratie.

    La gouvernance partagée en cercle

    Après ces mois de pratique, nous tirons déjà de grands bénéfices en tant qu’équipe. Il y a eu des phases enthousiasmantes de découverte, d’autres plus introspectives sur nos méthodes et la complexité de mise en place d’une gouvernance qui ait du sens. L’équipe a avancé ensemble, à son rythme avec des profils plus ou moins à l’aise en fonction des sujets. Ce nouveau fonctionnement est apprécié, et l’envie d’approfondir notre connaissance et d’affiner notre pratique est grandissante.

    Le pouvoir d’Holacracy : l’explicite

    Globalement, ce qui ressort, c’est l’immense efficacité de l’explicite. Rendre visible ce qui autrefois était implicite, confère au collectif un dynamisme et une capacité à avancer de manière efficace et transparente.

    Réfléchir collectivement à la création de rôles qui correspondent aux actions portées dans la réalité par certains membres de l’équipe, participe à la confiance partagée entre nous et clarifie la place de chacun.e dans le groupe.

    La gouvernance : des rôles plus que des personnes

    Un des éléments renforçant la légitimité de chaque rôle est que la décision de création d’un rôle revient au cercle composé de l’ensemble des membres. Le travail collectif consiste à définir le rôle et à lui attribuer sa raison d’être ainsi que ses redevabilités. En somme, on définit le pourquoi de l’existence d’un rôle et de son périmètre d’action.

    Le fait que le rôle soit accepté et décidé par tous lui donne un grand pouvoir d’autonomie et de responsabilité.

    Créer des rôles permet également de les distinguer des personnes qui les énergisent.

    Les réunions de gouvernance servent à créer, supprimer ou modifier des rôles, et nous n’y prenons aucune décision opérationnelle. Celles-ci sont travaillées par les rôles eux-mêmes et en réunion de triage si la décision implique l’équipe plus largement.

    Une personne qui accepte d’énergiser un rôle en détient les clés. Cela signifie qu’elle a la responsabilité de s’assurer de la tenue de ses missions et des résultats attendus par le collectif. Pour cela, elle peut s’entourer de toute l’aide nécessaire mais reste la garante de la gestion des redevabilités attribuées à son rôle. Cela signifie également qu’elle a toute autorité pour prendre les décisions nécessaires :

    C’est celui ou celle qui fait qui est à même de décider.

    Une philosophie particulièrement stimulante et responsabilisante, qui correspond à notre vision de la coopération.

    Le triage : Pragmatique et opérationnel

    Une réunion de triage est une réunion opérationnelle qui consiste à traiter un ensemble de sujets amenés par l’équipe sous forme de tensions. Le facilitateur a la mission de traiter les sujets un par un, et de s’assurer que les tensions sont résolues. Le processus de l’Holacracy (Holacratie) permet de trouver des solutions qui peuvent répondre à ces tensions. Cela ne signifie pas que le facilitateur doit trouver lui-même la solution mais doit baliser le terrain pour que les individus qui forment le collectif puissent trouver une solution ensemble.

    À la manière d’une gare de triage, c’est un moment régulier de la vie d’équipe au cours duquel seront débloqués tous les points qui empêchent l’équipe d’avancer comme elle le voudrait.

    L’équipe va remettre en circulation les trains qui étaient arrêtés, en attente d’une solution !

    Dans une réunion de triage, on s’adresse par exemple au rôle « communication » et non pas à la personne qui énergise le rôle. Cela permet d’éviter la charge personnelle que peuvent prendre certains échanges lorsqu’on parle d’une mission.

    Le triage permet de créer un espace pour répondre à des besoins opérationnels exprimés par un rôle. Il ne s’agit en aucun cas de traiter des tensions d’un ressort émotionnel. Nous avons trouvé pour cela un autre format complémentaire dans lequel nous explorons les inconforts et les besoins d’évolution de chaque membre de l’équipe. Nous aborderons ce sujet dans un prochain article à paraître.

    Les tensions : en responsabilité et en conscience

    Parmi les règles fondamentales de l’Holacracy (Holacratie), il est admis qu’une tension doit être amenée sur la base de faits réels. Une tension peut être une question, un blocage ou un besoin de réassurance. Tant qu’une tension n’est pas limpide, le collectif ne peut pas travailler à une proposition pour la résoudre. Avec l’apprentissage, le facilitateur et les rôles qui amènent les tensions commencent à gagner en exigence et en précision quant à leur formulation. Cela permet notamment de faire le tri dans ce qui relève parfois de craintes personnelles liées à des projections.

    Les tensions sont une sorte de matière première de la discussion. La recherche d’une solution, ou la décision de mettre en place une action, est ensuite exclusivement dédiée à lever cette tension pour la personne qui l’a apportée. Cela évite à une équipe d’essayer de résoudre plusieurs problèmes à la fois, ou de construire des solutions très complexes.

    Le traitement de l’ordre du jour des réunions par tension est aussi un moyen d’apporter un grand soin au vécu et au regard de chaque individu dans le collectif.

    Au cours d’une réunion, toutes les tensions apportées sont traitées, et chaque fois, l’attention du facilitateur et de l’équipe est réellement centrée sur la tension apportée par la personne qui porte ce point.

    Mon témoignage sur l’énergisation de rôles structurels

    J’ai eu l’occasion d’énergiser deux rôles structurels essentiels dans la mise en place d’une gouvernance en Holacratie. Je suis d’ailleurs reconnaissante envers l’équipe pour la confiance qu’elle m’a accordée en me choisissant pour énergiser ces rôles.

    Mon premier rôle a été celui de secrétaire. Ce rôle a la mission de répertorier l’ensemble des décisions qui sont prises en réunion de gouvernance et en réunion de triage. Il apporte un regard de précision au groupe puisqu’il est en charge d’écrire les décisions.

    C’est aussi un rôle qui porte la responsabilité de rendre accessible et compréhensible par tous les membres la gouvernance de l’entreprise et les décisions prises. Cela demande de savoir bien interpréter et expliciter les règles et d’avoir une vision globale à jour des décisions prises en réunion.

    Ce que cela m’a apporté : un regard critique sur la méthode, une envie d’en maîtriser les codes pour garantir un processus pertinent et utile au collectif. Une aide pour formuler mes propres besoins auprès de l’équipe.

    Le second rôle pour lequel j’ai été élue est celui de facilitatrice. C’est le rôle qui a la responsabilité d’animer les réunions structurelles du cercle : les réunions de gouvernance et de triage. C’est le rôle qui insuffle la dynamique à ces moments, et crée le climat de confiance et d’ouverture qui peut y régner. Le collectif a aussi une responsabilité pour garder une posture de coopération et d’attention réciproque, mais c’est au facilitateur d’en impulser la rythmique.

    Ce que cela m’apporte : une conscience de l’importance de mon rôle et de ma posture pour que tout le monde se sente à l’aise dans le processus.

    Mes envies :

    • Explorer profondément la méthode pour en avoir une bonne maîtrise, dans le but d’apporter mon soutien le plus entier à chaque membre de la SCOP.
    • Être à l’aise et à l’écoute dans mon rôle pour proposer ma propre facilitation dans quelques mois.

    Ce que Holacracy m’a appris

    • La certitude que l’explicite est un élément essentiel d’une organisation qui recherche des relations saines et solides entre ses membres. Pas question de prendre en charge sans le dire des tâches restées sans personne pour s’en occuper ou de prendre des décisions engageantes seul. Avant cette expérience, je le devinais, maintenant j’en suis sûre.
    • La sérénité de savoir qu’il existe des espaces pour que nous nous organisions et que nous nous occupions de nos rôles et projets respectifs en étant efficaces.
    • La dynamique insufflée par le fait que chaque membre de notre SCOP occupe un ou plusieurs rôles. Cela renforce la cohésion et le sentiment que les responsabilités sont réparties dans notre collectif.
  • Une école démocratique avec une gouvernance en Holacracy

    Lecture : 9 minutes

    Près de Grenoble, une école ouverte depuis un peu plus d’un an fonctionne sur le principe des écoles démocratiques avec une gouvernance en Holacratie. Une école sans classe, sans cours obligatoires, où les membres décident démocratiquement de leur organisation. Une école dotée d’une raison d’être, dont la vocation profonde est de permettre aux individus de se réaliser dans le respect de soi et des autres.

    Je vous partage dans cet article quelques explications sur le fonctionnement de cette école singulière par sa philosophie et sa gouvernance, car nous y voyons des points communs avec Sémawé, et possiblement une belle source d’inspiration pour d’autres organisations.

    Une école démocratique, comment ça fonctionne ?

    Un principe fondateur : les élèves sont désignés « membres », et sont libres et autonomes. Cela veut dire qu’ils choisissent eux-mêmes leurs activités et organisent leur temps. Ils développent ainsi leur autonomie et leur confiance en eux.

    La gouvernance de l’école est démocratique. Cela veut dire que tous les membres peuvent participer aux prises de décision, indépendamment de leur âge.

    Sur cet aspect, l’école démocratique de Grenoble – Coublevie pratique une gouvernance partagée de type holacratique. Nous y revenons plus loin dans cet article.

    Cette école accueille des enfants de 5 à 19 ans, sans principe de classe d’âge ou de sous-groupe.

    Une journée dans une école démocratique ne ressemble pas à la représentation classique que l’on peut se faire d’une école.

    Un témoignage intéressant à lire sur le blog de l’Atelier des Possibles.

    Une gouvernance partagée entre tous les membres

    L’école démocratique de Coublevie pratique une forme de gouvernance que l’on appelle une gouvernance partagée. Cela veut dire que les décisions sont prises en groupe selon des pratiques qui permettent à tous les membres de s’y impliquer et de participer à la décision s’ils se sentent concernés.

    Dans cette forme de démocratie, le vote n’a pas sa place ! Le principe du vote majoritaire comporte en effet un défaut majeur : il ne sait pas tenir compte de la minorité. Vous ne verrez donc jamais une décision prise par vote dans cette école démocratique.

    Une des techniques de décision employée est la décision par consentement.

    La décision par consentement est une pratique de discussion en groupe qui permet de prendre en compte les ressentis et avis de chaque membre, pour aboutir à une décision sur laquelle il n’existe plus d’objection.

    Cela permet de prendre des décisions fortes, y compris ambitieuses, à condition que les membres réticents aient été convaincus qu’elle ne fait pas courir de risque à l’organisation, ou au collectif. Ainsi, lorsque la décision est actée, plus aucun membre ne s’y oppose.

    De la gouvernance partagée à l’Holacratie

    Une étape de plus a été franchie en 2019 avec l’adoption du fonctionnement en Holacratie.

    L’Holacratie est un système d’organisation de prises de décision et de répartition des rôles qui permet de faire vivre l’intelligence collective dans l’organisation, sans pour autant que tout le monde décide toujours de tout ensemble.

    Concrètement, l’Holacratie est un mode de gouvernance très opérationnel qui permet de disséminer et déconcentrer les mécanismes de prise de décision et de responsabilité au sein de l’organisation. L’un des fondements de la gouvernance holacratique est l’autonomie conférée aux rôles. C’est ce qu’on appelle leur périmètre d’autorité. En contrepartie, les rôles doivent répondre à certaines redevabilités, qui ont été fixées par la méthode du consentement lors de réunions de gouvernance.

    Des sous-cercles peuvent être créés, dans une logique de structuration fractale d’équipes auto-organisées. C’est-à-dire que chaque cercle est autogéré et peut fonctionner de manière différente d’un autre cercle mais en interdépendance et en échange avec les autres. Les cercles peuvent contenir d’autres cercles, d’autres rôles, et cette structure est mouvante, elle s’adapte continuellement au fonctionnement et à la réalité présente de l’école.

    Nous planifions cette année avec cette école des échanges de rôles de facilitateur.trice ou de secrétaire. Nous avons ce point commun d’un fonctionnement en Holacratie. Les collectifs organisés ainsi sont encore peu nombreux et l’échange entre pairs est source de grandes richesses réciproques !

    Quelles différences avec les écoles Montessori, Steiner ou Freinet ?

    Les références principales des écoles démocratiques sont les écoles de Sudbury aux États-Unis et celle de Summerhill en Angleterre.

    En France, plusieurs écoles démocratiques font partie du réseau EUDEC, par exemple l’école Nikola Tesla à Lyon. EUDEC est la Communauté Européenne pour l’Éducation démocratique. Sur la carte de France, figurent déjà aujourd’hui une quarantaine d’écoles ouvertes et une trentaine de projets.

    Il faut bien comprendre que les écoles démocratiques sont des organisations dont le mode de fonctionnement répond à des valeurs profondes de démocratie, d’autonomie des individus, mais cela ne décrit pas une méthode pédagogique à proprement parler.

    Les écoles démocratiques rejoignent les pédagogies Montessori ou Steiner dans le sens où elles partent aussi du principe que l’enfant est un individu entier à qui l’on peut faire confiance. Mais peut-être que les ressemblances s’arrêtent là !

    Montessori, périodes sensibles et matériel pédagogique adapté

    Les écoles Montessori par exemple fondent leur fonctionnement sur les travaux de Maria Montessori. Les approches sont différenciées selon des groupes d’âges (3 à 6 ans, 6 à 12 ans, 12 à 15 ans) qui correspondent à des périodes sensibles différentes. Dans chaque ambiance Montessori, une large panoplie de matériels d’apprentissage et de travail est proposée aux enfants. Les adultes présents sont des éducateurs et ont un rôle pédagogique pour guider les enfants dans leurs apprentissages.

    Chez Montessori comme dans les écoles démocratiques, la curiosité et l’envie d’apprendre de l’enfant sont considérées comme des qualités innées, et le rôle de l’école est de laisser s’épanouir cette envie d’apprendre.

    Dans l’école démocratique dont je vous parle ici, il y a du matériel pédagogique particulier mais son usage est libre et peut être détourné en conscience. L’Atelier des Possibles est un grand lieu de vie. Et les enfants comme les adultes qui le fréquentent chaque jour participent à l’élaboration des règles. Deux fois par semaine, un conseil d’école peut créer, supprimer, modifier des règles de vie et décider de l’utilisation du budget de l’école. Les décisions sont prises avec la méthode du consentement par les membres présents.

    La vision « anthroposophique » de Rudolf Steiner

    La comparaison avec les écoles Steiner montre aussi une différence importante. Dans les écoles Steiner, un programme d’apprentissages est obligatoire et repose sur des activités jugées essentielles au bon équilibre de l’enfant. La pédagogie Steiner fait une place prépondérante aux formes d’expression artistique, à des activités en lien avec la nature, et elle introduit plus tardivement les apprentissages formels académiques comme les mathématiques, le français, l’histoire, etc.

    L’approche des écoles démocratiques inspirée de la Sudbury Valley School ne dit rien sur ce qui devrait être prioritaire comme apprentissage pour les enfants, et les laisse définir ce qui est important pour eux, en complète autonomie et liberté. Il existe des écoles démocratiques avec moins de liberté. Ce qui caractérise l’école dite démocratique reste le partage du pouvoir, même s’il est parfois partiel.

    La méthode Freinet

    Dans l’approche de la méthode Freinet, construite sur la base des « invariants » de Célestin Freinet, la motivation de l’enfant est bien placée au centre des apprentissages, mais à la différence des écoles démocratiques, les adultes gardent une place assez directrice. Les enseignants fixent de manière individualisée les priorités et les plans de travail des enfants. C’est une différence importante avec les écoles démocratiques qui demandent aux facilitateurs et facilitatrices adultes présent.e.s dans l’école de ne pas intervenir sur les intentions et les envies des enfants.

    Un autre sujet différencie ces deux approches pédagogiques. Les écoles Freinet cherchent à limiter l’impact des échecs, considérés comme inhibiteurs voire destructeurs chez l’enfant en cours d’apprentissage.

    Invariant 10 bis* : Tout individu veut réussir. L’échec est inhibiteur, destructeur de l’allant et de l’enthousiasme.

    Dans les écoles démocratiques au contraire, l’échec est une composante indissociable de la notion d’apprentissage autonome.

    *Principes tenus pour invariants, donc inattaquables et sûrs, permettant de réaliser une sorte de Code pédagogique.

    La place de l’échec dans l’école démocratique

    Lorsqu’un enfant apprend à marcher, ce ne sont pas les adultes qui le lui enseignent. L’enfant observe et, mu par sa volonté intrinsèque d’arriver à se déplacer, va procéder par mimétisme et par expérimentations successives pour apprendre de lui-même la marche debout. Un apprentissage long et fastidieux, parsemé de chutes, pour parvenir jusqu’à la course rapide et agile d’un enfant de 7 ou 8 ans. Un apprentissage constitué d’innombrables échecs, jamais punis ni réprimandés par les adultes. Pas d’explication, pas de cours théorique, pas de note, pas de devoirs à faire, pas d’exercices commandés.

    Les écoles démocratiques proposent aux enfants d’expérimenter cette façon naturelle d’apprendre, pour tous les apprentissages de la vie. Le rôle de « l’école » est repositionné à un endroit où elle devient un lieu de vie, organisé et géré par ses membres, dans lequel les individus, sous l’impulsion de leurs propres motivations intrinsèques peuvent pratiquer les activités qui les inspirent.

    Les vertus de l’échec à l’école et dans l’entreprise

    Un excellent article de Daniel Greenberg, de l’école de Sudbury aux États-Unis, explique bien la vision des écoles démocratiques sur le sujet de l’échec. Il est très intéressant de remarquer qu’on retrouve dans cette posture les fondamentaux de l’entrepreneuriat ! Son idée centrale est que les écoles devraient encourager l’échec et apprendre à les vivre sereinement.

    Dans la vision conventionnelle de l’école, dont le but est de préparer les jeunes à la vie, l’erreur est considérée comme une chose à éviter à tout prix, une honte, une dégradation. Un bon élève est un étudiant qui ne fait pas d’erreurs !

    Quand on apprend dès l’âge de 7 ans qu’une erreur aura pour conséquence une marque en rouge sur sa feuille, il est logique que la société soit constituée d’adultes dont le but est d’éviter absolument de faire des erreurs et de connaître l’échec.

    Et toutes les startups, les entreprises innovantes, les créateurs de solutions nouvelles, s’évertuent alors à demander à leurs équipes de désapprendre cette peur de l’échec. Toutes les organisations qui veulent réinventer leur façon de travailler doivent déployer des accompagnements parfois longs pour que les salarié.e.s puissent se mettre dans une posture agile, favorable aux changements, propice aux idées nouvelles, décomplexée avec la notion d’échec.

    Dans ce monde-là, les compétences adaptées sont des facultés créatives qui nécessitent absolument que l’échec ne soit pas grave. Il est bien plus utile de savoir se relever que de prétendre arriver à ne jamais trébucher !

    L’idée de fond dans les écoles démocratiques, comme dans les entreprises libérées, est que les échecs puissent être encouragés, et l’organisation peut permettre que ces échecs soient vécus avec sérénité.

    Entreprise libérée et école démocratique, quels liens ?

    Isaak Getz, théoricien de l’entreprise libérée qui a fait un magnifique travail de recensement des entreprises incarnant une vision libérée et libérante de leur organisation, définit l’entreprise libérée comme :

    Une entreprise dans laquelle les salariés sont libres et responsables d’entreprendre toute action qu’ils jugent bonnes pour l’entreprise, non parce qu’elle est le fruit d’un processus ni de la demande d’un supérieur hiérarchique.

    Beaucoup et de plus en plus d’entreprises se revendiquent de cette mouvance. Et de nombreuses entreprises en reviennent aussi, après s’être confrontées à des difficultés longues et complexes à surmonter.

    Les freins à la libération d’une organisation – entreprise ou toute autre forme d’organisation dans laquelle les personnes travaillent – sont variés.

    • Un ou une dirigeante qui a de la difficulté à changer de leadership, à lâcher du pouvoir.
    • Un management qui a la perception de trop perdre au change, faute d’être accompagné dans des rôles complètement renouvelés.
    • Des équipes qui ont des attentes de verticalité, de consignes, d’évaluation, d’autorité, parce que la disparition de ces attributs du travail est anxiogène.
    • Toutes sortes d’autres croyances sur la façon dont les organisations devraient fonctionner, parce que… c’est comme cela qu’on a toujours fait.

    Les organisations les plus persévérantes s’attèlent à travailler avec les humains qui les composent pour transformer les comportements, les attentes, la communication, le partage du pouvoir.

    C’est un travail long et difficile, il demande des efforts importants à de nombreuses parties prenantes.

    Au centre de l’attention dans ces démarches de libération des organisations, se trouvent notamment l’autonomie des individus, leur responsabilité, leur rapport à l’autorité et au pouvoir, leur crainte de l’échec.

    Dans notre expérience au sein de notre SCOP, et dans d’autres organisations que nous croisons souvent, une part importante des réponses sont trouvées dans des formes de gouvernance partagée qui conjuguent efficience et respect des libertés individuelles. Nous en parlons dans cet article sur l’Holacratie.

    Cependant cette gouvernance explicite, centrée sur les rôles, ne résout pas tout à elle seule. Pratiquer une gouvernance partagée dans une entreprise suppose pour ses membres de savoir changer de posture. Les leaders changent de rôle, les individus deviennent responsables d’eux-mêmes, c’est-à-dire que les salarié.e.s deviennent des adultes en quelque sorte.

    Quand nous nous rendons compte que même chez les plus convaincus sur le sujet, l’emprise du modèle pédagogique scolaire vient perturber notre vision de la liberté des individus dans les organisations, nous nous disons que sur le long terme, la transition de notre société vers des pratiques plus libres, plus résilientes, mieux adaptées au monde incertain, passera aussi par une reconsidération de la façon dont se vivent l’école et les apprentissages dès l’enfance.

  • Témoignage client, Emilie Barou, Fondatrice de 3e Jardin – Les Invoulus

    Lecture : 6 minutes

    Émilie Barou est une jeune femme entrepreneure dont le projet gagne à être connu et soutenu. Elle a conçu « 3e Jardin », un projet visant à créer des recettes et produits gourmands à partir d’invendus et d’« invoulus » locaux. Avec une approche lean, nous l’avons accompagnée en amont du lancement de son entreprise grenobloise, entre apport en communication web et coaching en montage de projet. Une belle expérience qui met en lumière la cohérence entre les compétences en communication issues de Semaweb et le coaching proposés avec Sémawé.

    Un an environ après la création de son activité, Émilie raconte la genèse de son projet et la nature de notre collaboration.

    Quel parcours t’a conduite jusqu’au 3e Jardin ?

    J’ai suivi un cursus scientifique axé sur la chimie, avec une ouverture sur la biologie. Cela m’a amenée jusqu’au domaine de la recherche dans le secteur des biotechnologies. Mon travail était d’observer et comprendre le vivant pour essayer d’en faire des applications utiles à l’homme. J’ai beaucoup aimé ces années de recherche d’un point de vue intellectuel.

    Après 5 ans, j’ai eu besoin de faire quelque chose de plus concret et qui reflétait davantage mes valeurs. J’ai donc décidé de monter un projet pour valoriser les ressources à l’échelle locale, et petit à petit je suis allée vers l’alimentation et la valorisation des ressources alimentaires gaspillées. J’ai suivi des formations dans un lycée agricole (CFPPA de Florac) qui donne des formations courtes pour adultes et qui propose des techniques de transformation alternatives (comme le séchage et la lacto-fermentation, les deux pratiques que j’utilise dans le projet), ainsi que des formations relatives à l’hygiène et la sécurité.

    Quelle est ton intention avec ce projet ?

    Je me suis orientée vers l’alimentaire pour exprimer mes valeurs. L’assiette, on l’a tous les jours devant nous, c’est donc un super vecteur pour une prise de conscience plus large. Ce sont nos habitudes de consommation qui façonnent pas mal le monde aujourd’hui, donc l’impact d’une consommation plus responsable peut être significatif.

    Le projet de 3e Jardin est d’aider les consommateurs à se réapproprier le contenu de leur assiette, tout en les amenant à se questionner sur l’impact de leurs choix alimentaires sur leur santé, l’environnement, l’économie locale… L’idée est de se poser la question du pouvoir de notre assiette.

    Au sein de 3e Jardin, je propose plusieurs outils autour du bien-manger local :

    • Les Invoulus, des produits que je crée à partir des invendus des producteurs locaux, en utilisant uniquement des méthodes de transformation douces, sans cuisson.
    • Les Ateliers, pour apprendre aux consommateurs à cuisiner autrement et essayer de respecter au mieux les aliments qu’ils mettent dans leur assiette.
    • La Newsletter, dans laquelle je parle de tout ce qui m’inspire au niveau local, et partage des astuces que j’ai pu intégrer dans mon quotidien, pour se faire plaisir tout en consommant local.

    Mon défi est de montrer que Les Invoulus peuvent enrichir l’alimentation et ravir le palais !

    3e Jardin et Les Invoulus, comment sont venues ces idées de noms ?

    Le nom « 3e Jardin » est venu d’une rencontre avec une personne de Terre Vivante dans le Trièves. Il m’avait appris qu’on appelait « 1er jardin » la terre (l’endroit d’où sortent les légumes), le « 2e jardin » le silo (là où dans l’ancien temps, on stockait les légumes racines pour l’hiver etc. – aujourd’hui ce serait les chambres froides), et le « 3e jardin » les bocaux qu’on mettait dans le cellier.

    Et quel est mon projet ? Transformer les légumes pour pouvoir les conserver, donc en fait je crée un 3e jardin !

    « Les Invoulus » est un nom qui s’est décidé en compagnie d’Aliocha. On parlait de 3e Jardin, et il m’a demandé si je m’étais posée la question de ce que je mettrais sur les bocaux. J’ai répondu que l’idée était de mettre en avant 3e Jardin et les producteurs, à la suite de quoi il m’a invitée à me questionner sur un nom de marque percutant. « Les Invoulus » est une dénomination qui a émergé spontanément, et son enthousiasme m’a confortée dans mon choix !

    Quelle est la place des partenaires dans ton projet ?

    Je travaille sur des invendus que j’appelle « haut de gamme ». Je vais les chercher à la source et non au bout de la chaîne des circuits de distribution. Les Invoulus chez les producteurs sont méconnus mais ils existent ! Les légumes que je récupère sont soit fraîchement cueillis par les maraîchers, soit récoltés par mes soins au champ.

    Le projet est guidé par la dimension locale. Le partenariat avec les producteurs est indissociable du projet : le but est de construire une relation et de m’adapter à la façon dont ils fonctionnent pour répondre avant tout à leur demande. Ces partenaires locaux me fournissent la matière première pour le projet et ma créativité. C’est à partir de leurs invendus que je crée mes recettes et ma gamme de produits. Pour chaque produit vendu, je reverse un pourcentage au producteur. Il n’a jamais été question dans le projet de récupérer ces invendus gratuitement. J’ai envie de participer à mon échelle à améliorer aussi leur condition car ils nous nourrissent et gagnent difficilement leur vie.

    Les autres partenaires sont dans des domaines nécessaires pour le développement du projet (et je tiens à ce qu’ils soient tous locaux !) :

    • Semaweb m’a aidée pour la communication, m’a formée en écriture web et e-mailing, a réalisé des visuels pour le projet.
    • Grésille est une association qui a un serveur local qui héberge mon site Internet.
    • Pépite Ozer m’a accompagnée dans le développement de mon projet.
      Tous les distributeurs ont également une place importante, l’idée de mon côté étant de montrer les endroits où j’aime consommer pour mes courses quotidiennes, ou que je fréquente ponctuellement.
    • La Bonne Pioche, magasin de produits locaux sans emballage, est la première épicerie grenobloise à distribuer Les Invoulus.

    Pourquoi avoir choisi Sémawé ?

    Cette collaboration s’est faite dans le cadre d’un accompagnement via l’accélérateur de Pépite Ozer. Le point de départ a été un événement où l’on rencontrait des personnes de l’écosystème grenoblois à même d’être mentors. Aliocha et moi nous sommes mutuellement choisis spontanément !

    Qu’as-tu apprécié dans cette collaboration ?

    J’avais regardé votre site web avant de démarrer la collaboration : il y a une mise en avant de l’humain et une façon de travailler où l’idée est de respecter qui est l’autre et ce qu’il sait faire. L’accompagnement dont j’ai bénéficié avec Aliocha n’était pas seulement axé sur la communication, l’approche était plus globale. Votre façon de travailler m’inspire et représente ce vers quoi j’aimerais aller si j’arrive à développer un projet où je crée de l’emploi. Les sessions avec Aliocha m’ont permis d’échanger avec un entrepreneur qui était déjà passé par ces étapes et qui avait une expérience solide en la matière. À mon échelle, j’étais aux prémices ; Aliocha m’a aidée à avoir une vision de ce qui allait orienter mes choix dès le départ.

    Ensuite, j’ai côtoyé toutes les personnes de Semaweb, entre le site Internet, les photos, la formation… On sent qu’il y a une cohérence dans votre agence, et que le but est d’écouter, de comprendre et ensuite de proposer quelque chose. Cette recherche de compréhension du client est extrêmement appréciable et aboutit à des résultats pertinents et satisfaisants. Vous n’imposez rien sous prétexte que vous savez.

    Aujourd’hui encore, dans les moments de doute, je vais regarder vos témoignages sur votre site web, ils me redonnent de la nourriture pour continuer à avancer. Vous faites partie des gens qui travaillent autrement, c’est un plaisir de voir que c’est possible !

    Pour les prochaines années, quel est ton souhait pour 3e Jardin ?

    Jusqu’ici, j’ai pas mal avancé sur le fond du projet, son identité. Il reste encore beaucoup d’incertitudes sur l’aspect opérationnel qui ne sont pas toujours simples à gérer. Maintenant, je crois qu’il faut que je travaille sur la forme. En quelque sorte, mettre une enveloppe, qui permette au projet (et à moi-même) de trouver le bon équilibre. Enveloppe souple et perméable bien sûr, pour garder à la fois ouverture et liberté. L’objectif est d’avancer assez tranquillement mais sûrement, pour réussir à faire grandir ce projet en gardant la cohérence et les valeurs du début. Ne pas aller trop vite pour aller plus loin !

    Retrouvez toutes les infos sur le site de 3e Jardin !
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